Le Prix Du Gaz Deviendra-T-Il Un Jour Prohibitif ?

22 février 2009

La distillation au bois, quand elle existe encore, fait figure d’anachronisme. Depuis des décennies, la chauffe à feu nu des alambics s’effectue au gaz. Pourtant, les augmentations répétées du prix du gaz, énergie fossile, seront-elles tenables sur le long terme ? Quel dialogue le Cognac peut-il nouer avec les énergies renouvelables ? La distillation d’1 hl AP nécessite la mise en oeuvre de 50 kg de propane. Le passage en chaudière de 600 000 hl AP – la jauge régionale actuelle – sollicite donc la consommation de 30 000 tonnes de propane, un chiffre assez colossal. Qui devient encore plus impressionnant quand on le multiplie par le prix unitaire du gaz : autour de 750 € la tonne de propane (75 cents le kg) pour un bouilleur de cru. Sur le long terme, le prix du gaz va-t-il diminuer ? On a du mal à le croire, dans la mesure où le gaz fait partie des énergies non renouvelables. Mais, en dehors des bûches de bois de nos aïeuls (ou les briquettes de charbon, elles-mêmes de la famille des énergies fossiles) existe-t-il une alternative au « tout gaz » pour la distillation des vins Cognac ? Peu à peu, la filière se saisit du problème. Un travail de veille se met en place, des études de faisabilité commencent à voir le jour. Une réflexion qui n’est pas totalement nouvelle.

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Les difficultés de la mutation énergétique.

Il y a vingt ans déjà, l’électricité avait été testée sur une chaudière de 11 hl. L’essai avait conclu à l’impossibilité de conduire la mise au courant par chauffage électrique. Aujourd’hui, des opérateurs regardent vers d’autres pistes, tel le système de chauffage à vapeur utilisant des chaufferies polycombustibles (bois, déchets cellulosiques…). Des industries comme le Calvados le pratique. Une production centralisée de vapeur sert à chauffer l’alambic, lui-même entouré d’une double enveloppe. Seraitce envisageable à Cognac ? Outre l’aspect réglementaire, le protocole technique paraît difficile à valider. Le système ne reproduit pas à l’identique l’effet du chauffage à feu nu, la température plafonnant à 105-110 °C.

DE L’HUILE VÉGÉTALE BRUTE

Parce qu’il est producteur d’huile végétale brute et qu’il distille, le lycée agricole de Barbezieux et son directeur d’exploitation Jean-Marc Guiberteau avaient émis l’idée de tester l’utilisation d’huile végétale brute comme combustible. Ils s’étaient acquis le concours d’un constructeur d’alambic. Mais après discussions avec l’ADEME et l’IUT de génie thermique de Poitiers, le projet risque de rester dans les cartons. Il présentait par trop de contraintes. Les odeurs de friture ne seyant pas vraiment aux eaux-de-vie, il fallait prévoir un confinement, sous la forme d’un foyer inversé, externe à la chaudière. Une autre limite tenait à la viscosité élevée de l’huile, rendant difficile la gestion de la combustion. Aujourd’hui, il n’existe pas de brûleurs capables de brûler de l’huile végétale pure. L’huile doit forcément être mélangée au fioul, dans une limite maximale de 50 %. Mais la difficulté essentielle résidait peut-être dans la courbe de puissance nécessaire à la distillation. Mise au courant, coeur de chauffe, coulage ne répondent pas aux mêmes exigences thermiques. Ce que le gaz apporte comme souplesse de réglage de température, d’autres sources énergétiques peinent  à le procurer. Sur la base d’une décomposition des besoins, l’idée aurait été d’associer au brûleur à gaz classique un second brûleur à huile végétale uniquement voué à la chauffe. On sait que sur une chaudière de 25 hl, cette étape engendre tout de même le besoin de 517 kW/h. Un brûleur à allure constante aurait pu s’y consacrer. Encore fallait-il mettre au point des brûleurs spécifiques, vérifier la faisabilité du système. Toutes choses qui réclament de la RD (recherche-développement), des bureaux d’ingénierie, des spécialistes, des budgets importants. Pas sûr que le marché soit à la hauteur des investissements, sans parler de l’intérêt économique pour les utilisateurs.

DES SARMENTS DE VIGNES

Les techniciens semblent plus intéressés par une autre piste, celle des sarments de vigne (ou granulés de paille, plaquettes de bois), avec installation d’une chaudière polycombustible automatisée sous l’alambic, alimentée par une vis sans fin. Un appareil de ce type a déjà fonctionné chez un viticulteur. Un problème se pose cependant : l’encrassage des tours à feu, sous l’effet de la soufflerie qui gère l’air primaire de combustion. Les cendres pulvérulentes s’accumulent dans les tours à feu, empêchant les échanges thermiques. Une optimisation du procédé serait-elle envisageable ? Par ailleurs, pour utiliser les sarments, faudrait-il encore lever l’hypothèque des polluants atmosphériques liée aux éventuels résidus phytosanitaires.
Ces quelques exemples démontrent à l’envi la difficulté de la mutation énergétique. Pourtant, cette mutation risque de s’imposer avec de plus en plus de force, pour au moins deux raisons : le montant de la facture énergétique et la responsabilité citoyenne incombant à toute activité. Non seulement le Cognac n’appartient pas aux produits de première nécessité mais il se classe parmi les produits de luxe. Pourra-t-il continuer longtemps à consommer une énergie fossile, sans prendre le risque d’être montré du doigt ?

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