Des vins de pays « de forte identité »

8 janvier 2013

La production de vins de pays dans la région de Cognac attire toujours de nouvelles vocations, même si depuis quelques années elle s’est recentrée sur des propriétés engagées historiquement dans cette activité. Marion Babinot à Javrezac, en Charente, a relevé ce défi en choisissant d’élaborer des vins atypiques. Elle a choisi de développer une gamme de vins blanc, rosé et rouge à partir de trois cépages : le sauvignon gris, le merlot et l’arinarnoa.

p30.jpgMarion Babinot, une jeune viticultrice passionnée par la vigne et les vins, est revenue sur l’exploitation familiale en 2006 en ayant l’envie de produire une gamme de vins et de créer une filière de vente directe. Ses parents, Martine et Claude Babinot, exploitent au cœur des Borderies à Javrezac un vignoble de 25 ha consacré à la production de vins de distillation (intégrant une activité de bouilleurs de cru). L’intérêt de leur fille pour la propriété au début des années 2000, une période où le marché du Cognac était beaucoup moins porteur qu’aujourd’hui, les a incités à pleinement soutenir son projet de création d’une activité de production de vins de pays.

Un intérêt pour les vins de forte personnalité « expressifs »

La jeune femme s’est forgée une culture du vin en participant à de nombreuses dégustations au cours desquelles elle a découvert la diversité des productions viticoles françaises. Cette passion pour le vin, elle souhaitait la vivre pleinement en élaborant elle-même des vins de forte personnalité. Vouloir faire du vin de pays dans la région de Cognac était dans l’air du temps au début des années 2000, et un certain nombre d’acteurs s’y sont essayés en profitant d’une part des aides à la reconversion et d’autre part de l’intérêt autour des vins de Bordeaux dans la période 1995-2002. Une majorité de viticulteurs charentais a choisi d’élaborer des vins rouges dans l’esprit Bordelais à partir de merlot et de cabernet. M. Babinot a fait un tout autre choix par intérêt personnel et pour essayer aussi de capter une clientèle à la recherche de produits différents : « Les vins des grandes régions viticoles, les Bordeaux, les Bourgogne, les Côtes-du-Rhône… possèdent une typicité propre et ce sont de très beaux produits. Par contre, j’aime aussi découvrir des vins différents dont la structure qualitative se démarque. J’aime les vins expressifs et d’ailleurs, lors de ma formation, j’ai fait mes stages en Alsace où l’univers des blancs est très riche et diversifié. Comme mon engagement dans la production de vins de pays charentais intervenait de façon un peu tardive, je me suis dit qu’il fallait peut-être jouer la carte des cépages différents pour obtenir une typicité qui capte l’intérêt des consommateurs locaux. Cela s’est concrétisé dans les faits par la plantation de deux cépages rares dans l’univers charentais : le sauvignon gris et l’arinarnoa. Ce cépage rouge, très peu cultivé en France, je l’ai découvert par hasard chez un vigneron. »

Les arômes authentiques du sauvignon gris

L’activité vins de pays a été développée suite à l’octroi de droits de plantations nouveaux dans le cadre de la démarche d’installation. Les premières plantations sont intervenues en 2006 et 2007 avec 0,20 ha de sauvignon gris, 0,30 ha d’arinarnoa et 0,30 ha de merlot. Un soin particulier a été apporté à l’implantation des parcelles pour que les productions aient un bon potentiel qualitatif. Le sauvignon gris a été planté dans une situation de mi-coteaux orientée sud-ouest sur des sols argilo-calcaires légers. La densité de 2,50 sur 1 m et un palissage haut contribuent à favoriser la concentration des raisins. M. Babinot porte une attention particulière à l’aération des raisins qu’elle considère comme un gage de bon déroulement de la maturation : « L’effeuillage de la zone fructifère est pratiqué en deux temps pour créer des conditions optimales de maturation. C’est un moyen naturel de limiter le développement du botrytis qui est l’ennemi n° 1 de la qualité des vins blancs. Le premier effeuillage est réalisé au moment de la fermeture de la grappe uniquement du côté levant et le second intervient sur les deux faces de rang 2 à 3 semaines avant les vendanges. Le fait d’aérer les grappes favorise la concentration en arômes et permet de pousser la maturation. Mon objectif est de récolter des raisins concentrés mais pas surmûris. Il faut être attentif au suivi de la maturité du sauvignon gris car les montées de TAV sont très rapides certaines années. L’idéal est de récolter les raisins quand leur TAV potentiel se situe entre 12,5 et 13 % vol. Nous effectuons une vendange manuelle pour protéger le contenu dans les baies. La vinification est conduite de manière simple pour extraire le maximum d’arômes, grâce à une macération pelliculaire et à la maîtrise des températures de fermentations autour de 18 °C. L’élevage est conduit exclusivement en cuve pour valoriser les arômes originels du cépage. »

L’identité qualitative propre du vin rouge 100 % arinarnoa

Le choix du cépage rouge arinarnoa est le fruit « d’un coup de cœur » suite à une dégustation. M. Babinot a été séduite par la typicité de ce vin : « J’aime les vins rouges très tanniques et typés à base de syrah et de tannat. Lorsque j’ai dégusté pour la première fois un vin d’arinarnoa, le caractère fruité et la structure tannique puissante m’ont beaucoup intéressé. Les renseignements concernant les aptitudes culturales ont fini de me convaincre. Ce cépage avait tous les atouts pour trouver sa place sur les coteaux de Javrezac. »

L’arinarnoa a été implanté sur un sol argilo-calcaire plus profond à une densité de 2,50 sur 1 m. C’est un cépage assez tardif, vigoureux, à port dressé et peu sensible au botrytis. Les grappes sont très aérées et sa productivité est bonne. La récolte est en général effectuée en toute fin de vendanges, après les ugni blancs pour laisser le temps aux raisins de s’enrichir en polyphénols « soyeux ». La vinification est conduite de manière classique avec une cuvaison d’une semaine et des remontages fréquents. Lors de l’écoulage, les vins ont une couleur intense et une richesse en bouche surprenante. La durée de l’élevage en cuve généralement assez longue (au moins 18 mois) est adaptée à la structure tannique de départ. Les vins s’affinent au fil des mois et progressivement des notes de fruits rouges s’extériorisent au nez, et en bouche la structure tannique s’équilibre. M. Babinot ne cache pas que la première dégustation des vins surprend parfois les consommateurs : « Les amateurs de vins souples tout en fruit sont généralement un peu surpris quand ils dégustent pour la première fois l’arinarnoa. Les avis sont généralement tranchés, On aime ou on n’aime pas. Les notes de fruits rouges et le caractère animal lié à la structure tannique contribuent à donner aux vins d’arinarnoa une identité qualitative propre. ».

Une gamme complète de vin commercialisée directement à la ferme

Les premières bouteilles de vin ont été conditionnées à partir de 2010 et leur commercialisation a été engagée d’une manière très simple. La situation du siège d’exploitation, à quelque kilomètres du centre-ville de Cognac, est naturellement propice au développement de la vente directe. L’aménagement d’une petite salle des ventes dans l’enceinte de la ferme (1) depuis deux ans a permis de tisser des liens avec une clientèle de proximité du Cognaçais. Le fait de pouvoir venir s’approvisionner directement à la ferme est apprécié par une frange de consommateurs. M. Babinot a aussi engagé des démarches commerciales auprès d’épiceries fines et les vins sont également présents à la boutique des producteurs de Pons. La gamme de vin de pays en bouteille se compose d’un sauvignon blanc 2011 (Le Champ de Taveau), d’un vin rouge 100 % arinarnoa de 2010 (Le Délice de la Treille) et d’un rosé de merlot de la récolte 2011. L’ensemble des vins est également disponible en bib.

Pour étoffer l’offre de produits, deux apéritifs ont été aussi créés. Il s’agit de boissons à base de vin sauvignon gris dans lesquelles sont intégrés des arômes naturels. L’une, associée à du cassis, s’appelle Le Sir Cassis et l’autre, qui contient un ingrédient secret, porte le nom amusant de « La Dol S ». Les amateurs de boissons sans alcool pourront aussi « affûter » leur palais avec un jus de raisin blanc, le Concilia’bulle.

L’activité de la boutique se développe régulièrement et les vins de sauvignon gris et d’arinarnoa ont trouvé leur clientèle. M. Babinot espère obtenir dans les années à venir de nouveaux droits de plantations pour développer les surfaces de vins de pays.

(1) Marion Babinot, 27 rue de Gâte-Chien, 16100 Javrezac.

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