Des Vinasses Et Des Effluents De Cave Dépollués Avec Une Même Installation

28 février 2009

Le vignoble du Château de Beaulon, à Saint-Dizant-du-Gua, a mis en place depuis l’hiver dernier une unité de dépollution polyvalente pour les effluents de cave et des vinasses de distillation. La finalisation du projet de M. Christian Thomas repose sur une réflexion large qui englobe à la fois des aspects environnementaux et économiques à court et moyen terme. Au-delà le choix du type d’équipement, la présentation des éléments qui ont contribué à la construction de cette démarche représente un véritable intérêt pour de nombreux viticulteurs et de bouilleurs de cru de la région.

Le devenir des effluents de chai et des vinasses de distillation constitue aujourd’hui une préoccupation d’actualité pour de nombreuses propriétés car, d’une part, les exploitations grossissent et, d’autre part, les contraintes environnementales se font plus pressantes. La mise en œuvre de pratiques d’hygiène plus élaborées au niveau des chais, des machines à vendanger et du matériel de transport engendre des consommations d’eau plus importantes et ces effluents possèdent une charge polluante (DCO) qui rend impossible leur écoulement en l’état dans le milieu naturel.

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Le bac principal de stockage des effluents.

Les nouvelles installations de chais réalisées ces dernières années intègrent dans leur conception le devenir des effluents vinicoles (leur stockage et leur traitement). La région de Cognac possède une spécificité avec la présence de nombreuses distilleries produisant des volumes de vinasses correspondant environ au 9/10e des volumes de vins distillés. Les vinasses de distillation représentent du fait de leur importance volumique un enjeu important vis-à-vis de l’environnement et depuis très longtemps les professionnels de la région ont abordé leur devenir avec le plus grand sérieux. Des systèmes de collectes, d’épandage et de retraitement ont été mis en place afin de se conformer aux diverses réglementations existantes. Les distillateurs professionnels travaillant avec plusieurs alambics et pendant une période de 3 à 5 mois se sont organisés pour collecter et transporter les vinasses vers des unités de retraitement agréées pour les dépolluer (l’usine REVICO installée à Saint-Laurent-de-Cognac). Les bouilleurs de cru, qui distillent des volumes beaucoup moins importants, stockent en général les vinasses et les épandent ensuite en respectant un cahier des charges (fixant les zones et les périodes d’épandage) défini avec les agences de bassin.

Un contexte local qui a remis en cause le système d’épandage des vinasses

Néanmoins, depuis quelques années, un certain nombre de bouilleurs de cru situés dans des environnements particuliers et plus restrictifs (au cœur de villages ou dans des zones de captage pour les syndicats des eaux) voient leurs systèmes traditionnels d’épandage remis partiellement en cause. C’est d’ailleurs la situation à laquelle a été confronté M. Christian Thomas, le propriétaire du Château de Beaulon à Saint-Dizant-du-Gua, et depuis plusieurs années il s’intéressait aux problèmes de retraitement des vinasses de distillation. L’ensemble de la production des 90 hectares de vigne est vinifié et distillé à la sortie du bourg de Lorignac, et jusqu’à la fin 2004, les vinasses de distillation étaient stockées et épandues en respectant un cahier des charges défini avec l’agence de bassin. Cette organisation, qui fonctionnait depuis de nombreuses années, s’est retrouvée partiellement remise en cause par la création d’un nouveau point de captage d’eau sur Saint-Dizant-du-Gua qui rendait impossible la réalisation des épandages de vinasses sur la moitié du vignoble. Cet élément a incité M. Ch. Thomas à gérer le devenir des vinasses en ayant le souci de mettre en place une démarche totalement en phase avec les exigences environnementales et en recherchant l’efficacité économique à court et long terme. La propriété vinifie des volumes importants de Pineau des Charentes et de vins de distillation (plus de 11 000 hl chaque année) qui engendrent une production d’effluents de chais importante. M. Ch. Thomas a souhaité intégrer dans sa réflexion de retraitement à la fois le devenir des effluents de chais et celui des vinasses de distillation. Deux alternatives ont été étudiées, la première consistait à équiper la propriété d’une unité de retraitement autonome et la seconde à stocker les effluents et les vinasses pour ensuite les transporter et les faire retraiter à l’usine de REVICO, à côté de Cognac.

Des coûts de transport pénalisants pour un retraitement par un prestataire

christian.jpgL’aboutissement du projet final a été raisonné avec une volonté double de construire une démarche la plus respectueuse possible de l’environnement (et réglementaire), et d’essayer de cerner et maîtriser les niveaux d’investissements et les charges de fonctionnement. M. Ch. Thomas tient sur ce sujet un discours réaliste qui s’inscrit dans la pérennité : « Le projet de traitement des effluents s’est construit depuis des années. Au départ, ma préoccupation concernait le devenir des vinasses de distillation qui étaient épandues dans le vignoble avec l’accord de l’agence de bassin. La mise en place d’un nouveau point de captage d’eau sur la commune de Saint-Dizant-du-Gua a limité les capacités d’épandage des vinasses durant l’hiver. Le bac de réception existant correspondant à une capacité de 15 jours de distillation n’était plus suffisant et il fallait investir dans la construction dans un bassin de grand volume (d’environ 6 000 hl) pour réaliser les épandages en été. Le stockage des vinasses sur une période de 5 à 6 mois à proximité du village de Lorignac n’était pas une solution satisfaisante. Par ailleurs, mon souhait était aussi de trouver une solution pour les effluents de chais pendant les vendanges et tout au long de l’année. La réflexion s’est finalement concentrée sur deux alternatives, soit un stockage court et un transport avec le retraitement à l’usine de Revico à côté de Cognac, soit l’investissement dans une démarche de traitement autonome sur la propriété. La première solution présentait l’avantage d’être simple à mettre en œuvre et de limiter les investissements, et au départ elle nous paraissait séduisante. L’utilisation des services d’un transporteur depuis deux ans nous a permis de nous rendre compte de l’importance des charges de transport qui ne pouvaient qu’augmenter dans l’avenir. Cela nous a amenés à nous intéresser à des approches de traitement internes dont certains systèmes permettaient de traiter à la fois les vinasses de distillation et les effluents de chais. Cette polyvalence d’utilisation a retenu notre attention et nous avons monté un dossier avec la société Vaslin-Bucher pour une unité de dépollution biologique de type Cascade. Au final, la prise en compte des aspects économiques s’est avérée déterminante. L’éloignement de l’usine de retraitement engendrait des charges de transport conséquentes, bien supérieures au seul coût de maintenance d’une unité autonome. Ensuite, les frais de retraitements auprès d’un prestataire génèrent des charges fixes annuelles constantes dans le temps alors que l’investissement dans une unité autonome sera amorti au bout de 10 ans. Ce dernier élément a été déterminant et nous avons préféré mobiliser nos moyens financiers dans une installation de retraitement autonome. »

Une installation polyvalente pour les effluents de cave et les vinasses

L’installation individuelle du vignoble du Château de Beaulon est un site pilote dans la région de Cognac car la même unité retraite à la fois les effluents de chais et les vinasses de distillation. Un dossier d’implantation complet démontrant la fonctionnalité de cette unité autonome a été monté afin d’être validé par l’agence de bassin. La nature des deux effluents très différente avec une charge polluante pour les effluents de cave (12 g/l de DCO) plus de deux fois inférieure à celle des vinasses (environ 30 g/l de DCO) représente une spécificité qui n’est pas incompatible avec les procédés naturels de traitement aérobie. Le système fonctionne en utilisant les capacités de dépollution de bactéries mésophyles présentes naturellement dans les sols qui se nourrissent de matières carbonées. Les bactéries ont besoin massif.jpgpour se développer d’oxygène et il suffit d’aérer le milieu dans lequel elles vivent pour les rendre « gourmandent » en matières carbonées et favoriser leur multiplication. La présence de matières carbonées dans les effluents provoque naturellement leur développement immédiat et ensuite la fréquence des aérations stimule leur activité. Le principe de fonctionnement du procédé Cascade repose sur trois phases distinctes et successives, et le traitement commence automatiquement dès les premiers apports d’effluents. La collecte des effluents de chais et des vinasses de distillation est réalisée dans un grand bassin de 6 000 hl dans lequel se déroule la première phase de traitement. Les effluents sont très régulièrement aérés afin de lancer le processus de dépollution qui dégrade la charge polluante à plus de 90 % (1 g/l de DCO à la fin de cette étape). La fréquence des aérations est gérée automatiquement par un automate qui mesure en permanence l’intensité de l’activité de la flore de bactéries en fonction du volume et de la charge polluante des effluents. Ensuite, ces effluents fortement apurés sont mis à décanter dans un bac tampon (de petit volume) pendant 1 heure à 1 h 30 avant d’injecter la fraction claire sur un massif de sable (d’une nature spéciale) qui permet de dégrader le dernier g de DCO. A l’issue de ce dernier traitement, des eaux totalement propres sont rejetées dans la nature. Au fond du premier bassin, les boues résiduelles (2 à 3 % des volumes d’effluents) présentes correspondent en fait à la biomasse de bactéries qui sont dégradées (par autolyse naturelle) par des aérations régulières. Au bout de 4 à 5 ans, il est conseillé d’épandre ces boues afin de nettoyer totalement le système. Le fonctionnement de la station est surveillé à distance (grâce à une connexion informatique à partir d’un modem) par les ingénieurs de Vaslin-Bucher qui, au vu des dosages des teneurs en oxygène, observent les conditions de déroulement des traitements et sont en mesure d’en moduler la conduite. Toute la procédure du traitement « Cascade » a été validée par les agences de bassins depuis plus de 10 ans et de nombreuses installations ont été réalisées dans les régions viticoles pour dépolluer des effluents de cave. L’installation du Château de Beaulon est tout de même une installation pilote du fait de son utilisation à la fois pour les effluents de cave et les vinasses de distillation.

Dans dix ans, l’installation sera très compétitive

Les travaux, qui se sont terminés début novembre, ont permis à l’unité d’être opérationnelle pour la campagne de distillation et plus de 6 000 hl de vinasses de distillation (et d’eaux de lavage) ont été retraitées. La période de distillation s’est étalée sur les mois de décembre et de janvier, et au 25 février l’ensemble des vinasses stockées dans le bassin principal était dépollué à plus de 90 %. L’incorporation de vinasses encore chaudes n’a posé aucun problème et le système de gestion automatique de la station a donné entière satisfaction.

Le traitement s’est déroulé sans aucun incident (pas d’odeur) et le seul regret de M. Ch.Thomas est de ne pas avoir pu associer plusieurs autres viticulteurs dans son projet : « J’avoue que l’installation m’a donné entière satisfaction et cette année j’ai distillé serein et détendu sans avoir eu le besoin de surveiller le niveau de mon bac à marc. Les chaudières se sont arrêtées le 3 février et, trois semaines plus tard, la phase majeure de dépollution était terminée. L’unité a fonctionné d’une manière complètement automatique et le fait de ne plus avoir à se soucier du devenir des vinasses, de leur transport ou de leur épandage, est un gros soulagement. Mon seul regret est de ne pas avoir réussi à associer dans ma démarche plusieurs autres bouilleurs de cru, car les aides financières auraient été beaucoup plus importantes. Le niveau d’aide à titre individuel se situe autour de 15 % de l’investissement total alors que dans le cadre d’un projet collectif il dépasse 50 %. Le fait d’avoir opté pour une installation individuelle est une bonne approche sur le plan économique. En effet, les devis de transport des vinasses sans leur retraitement entre Lorignac et Cognac atteignaient des sommes déjà nettement plus importantes (plus de 6 000 e HT/an) que les charges de maintenance de la station, et elles continueront d’augmenter dans l’avenir. L’investissement dans mon unité autonome est conséquent et l’amortissement va s’étaler sur les dix prochaines années. Par contre, ensuite l’unité de dépollution deviendra très compétitive sur le plan économique. »

ne pas faire un investissement « à fonds perdus »

L’implantation de l’installation et tous les travaux d’aménagements annexes ont représenté un investissement total proche de 200 000 e HT. La mobilisation d’un tel montant de capitaux pour dépolluer des effluents peut paraître énorme et disproportionné par rapport aux valeurs d’achats des équipements de chai ou de distillerie. D’un autre côté, les charges financières inhérentes au transport et à la dépollution pour des volumes annuels de 8 000 hl (vinasses et effluents de cave dans les conditions de distance du Château de Beaulon) auprès d’un prestataire dépassent largement 10 000 e/an, ce qui correspond aussi au bout de dix ans à un capital conséquent investi « à fonds perdus ». C’est d’ailleurs en faisant ce constat que M. Ch. Thomas a considéré que les structures de son vignoble de 90 ha étaient adaptées à l’implantation d’une unité autonome.

Cette présentation de la situation doit aussi intégrer des frais de fonctionnement annuel dont le niveau reste cependant bien inférieur aux prestations de retraitement par des tiers. Le constructeur propose bien sûr des contrats de maintenance évolutifs mais dans d’autres régions viticoles un certain nombre d’utilisateurs d’unités Cascade fonctionnent très bien avec un minimum de maintenance. Au bout d’une dizaine d’années, un entretien sérieux voire une remise à niveau technologique de certains éléments de la station devront être envisagés. Une fois par an, une analyse de la qualité des eaux rejetées dans le milieu naturel doit être réalisée afin de s’assurer du bon fonctionnement du système, et les résultats doivent être transmis à l’agence de Bassin. M. Ch .Thomas va réaliser avant les prochaines vendanges une aire de lavage pour le matériel de transport et la MAV qui sera bien sûr connectée à l’unité Cascade. Il envisage aussi de recueillir une partie des eaux dépolluées afin de les utiliser à des fins agricoles.

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