Des vendanges à la « fraîche » et précoces pour capter de l’acidité

19 mars 2009

1028_31.jpegUne maturité aussi précoce que celle de 2003 a amené bon nombre d’exploitations de la région à avancer leur date de récolte et à remettre en cause leur organisation du travail pendant les vendanges. Le témoignage de Bruno et de Pascal Richard, deux viticulteurs particulièrement soucieux de minimiser les effets d’une climatologie exceptionnellement chaude, atteste des efforts qu’il a fallu déployer pour s’adapter aux caractéristiques de ce millésime.

Des vendanges à la « fraîche » et précoces pour capter de l’acidité

Bruno et Pascal Richard exploitent une trentaine d’hectares à Grave-Saint-Amant, et au cours des dernières vendanges ils ont sérieusement modifié leurs habitudes de travail pour s‘adapter aux conditions exceptionnelles du millésime 2003. Leur réflexion technique s’est élaborée à partir d’un suivi régulier du parcellaire au cours de l’été.

Le vignoble est implanté sur deux types de sols, l’un sableux et l’autre silico-argileux, qui ont la caractéristique d’être difficiles. Lors d’hiver et de printemps pluvieux, des mouillères apparaissent dans les parcelles et à l’inverse, lors d’été très secs, les phénomènes de stress hydrique se produisent et les conditions estivales de 2003 ont été particulièrement propices à ce phénomène. Ces deux viticulteurs avaient minimisé considérablement l’effet de la sécheresse en tenant leur sol parfaitement à la fois en travaillant le sol une allée sur deux et en désherbant en plein l’autre interligne. Les vignes n’ont pas trop souffert et le 25 août un orage bienvenu (35 mm de pluie) a considérablement accéléré le processus de maturation. Dans les quinze jours qui ont suivi, les grappes ont changé d’aspect et la pluie a littéralement homogénéisé la maturité.

Un chantier de récolte organisé pour préserver l’acidité totale

Le caractère précoce des sols de cette exploitation et l’observation des raisins ont incité B. et P. Richard a commencé les vendanges tôt (dès le 10 septembre) afin de conserver le maximum d’acidité totale. Le chantier de vendange a été organisé en tenant compte de cette recherche d’acidité maximum. Tout d’abord, les huit premiers jours de récolte ont été consacrés uniquement à la vinification des vins de distillation en ayant le souci permanent de rechercher les lots de vendange les plus qualitatifs et pas les plus riches en sucres. La bonne connaissance des potentialités en terme de richesse alcoolique et de niveaux d’acidité du parcellaire a permis à ces viticulteurs de construire un planning de récolte le plus équilibré possible. Chaque jour ils ont essayé d’associer dans une même cuve des moûts de provenances différentes pour à la fois éviter les richesses alcooliques potentielles trop élevées et aussi remonter les niveaux de l’acidité totale. En début de vendange, les jeunes vignes étaient moins mûres et naturellement plus acides, et leur production a joué un rôle médecin vis-à-vis de lots de moûts issus de parcelles plus âgées naturellement moins productives et propices à des teneurs en sucre plus élevées. Les lots de moûts les plus riches en sucres ont été d’une manière générale destinés à d’autres débouchés que les vins de distillation. Cette organisation du chantier de récolte, qui peut paraître complexe à mettre en œuvre, est facilitée sur cette exploitation par le regroupement du parcellaire sur un îlot homogène et l’utilisation d’une machine à vendanger en commun.

Vendanger à la fraîche pour rentrer des moûts à une température correcte

La récolte est effectuée en Cuma avec trois autres viticulteurs dont les vignes sont assez groupées. Chaque jour la machine fonctionne dans les quatre chais en limitant la durée de récolte à la capacité de pressurage des exploitations pour ne pas faire attendre de vendange dans les conquets. L’organisation du chantier de récolte a été complètement modifiée pour s’adapter aux très fortes températures dès la fin de la matinée et dans l’après-midi. D’un commun accord, les quatre associés ont décidé de commencer la journée à partir de 3 heures du matin et de la terminer vers 13 heures pour rentrer en chais des moûts les plus frais possibles.

La mise en œuvre de ces horaires de vendanges s’est révélée intéressante sur le plan de la maîtrise des températures des moûts. Les écarts étaient pourtant importants puisque, à 3 heures du matin, la vendange n’était pas encore totalement refroidie avec des moûts à 17 °C, à 5 heures du matin la température avait chuté à 13 °C et à 13 heures, elle avait remonté à 25 °C. Les frères Richard s’étaient organisés pour réaliser chaque jour trois à quatre pressoirs, un en début de matinée à une température moyenne, un ou deux dans les heures les plus fraîches de la journée et un troisième en fin de journée qui était nettement moins tempéré. Les 300 à 400 hl mis en cuve quotidiennement étaient à une température moyenne d’environ 18 °C, ce qui permettait d’envisager le déroulement des fermentations alcooliques dans les meilleures conditions par rapport au contexte climatique de l’année.

Une hygiène rigoureuse pour essayer de tirer le meilleur profit du levurage direct

Les fermentations alcooliques se déroulent exclusivement dans de la cuverie fibre de verre extérieure qui a remplacé des cuves ciment devenues impossible à entretenir (les enduits de surface étaient devenus poreux). L’ensemble des moûts récoltés était décanté et une organisation a été mise en place pour réaliser cette opération. L’ensemble des moûts était pompé dans des cuves de 150 hl sur pieds équipées d’une trappe de vidange totale et de deux vannes dont une était dotée d’un coude décanteur et d’un mireur. Le soutirage intervenait 30 minutes après la fin du cycle de pressurage (volontairement limité à 1 h 30), soit dans un délai maximum de deux heures après le coulage des premiers jus.

Le volume de moût récolté le plus chaud en fin de matinée (environ 100 hl) était mis à part dans une cuve et immédiatement ensemencé en levures (plus un apport d’azote) pour l’ensemble de la capacité de 300 hl afin de constituer un pied de cuve pour la récolte du lendemain matin. Les moûts issus des deux ou trois premiers pressoirs de la journée nettement plus frais étaient alors rajoutés sur le pied de cuve déjà actif de la veille. La fermentation alcoolique commençait rapidement à des niveaux de température se situant autour de 18 °C au départ, mais qui montaient naturellement ensuite lors de la transformation des sucres en alcool. Pour essayer de tirer le meilleur profit de cette pratique de levurage direct de l’ensemble des cuves, ces viticulteurs mettent en œuvre des démarches d’hygiène très sérieuses au niveau de toute leur installation. La vendangeuse et les bennes de transport sont nettoyées et désinfectées chaque jour ; le pressoir pneumatique à cage ouverte est nettoyé de l’intérieur quotidiennement (et désinfecté 2 à 3 fois par semaine), les tuyauteries de transfert fixes ou souples sont vidées, nettoyées et désinfectées en fin de journée, les cuves étaient systématiquement lavées entre chaque remplissage…

Des fermentations maintenues à 28 °C par un simple ruissellement

Les frères Richard, conscients des élévations des températures, ne disposaient pas de moyens technologiques spécifiques pour maintenir les cuves autour de 25 °C, hormis un ruissellement d’eau permanent sur les parois des cuves extérieures. Dès qu’une cuve de 300 hl était pleine de moûts, ils commençaient à faire ruisseler de l’eau (dont la température était malheureusement cette année autour de 18 à 20 °C) jusqu’à ce que la fermentation soit terminée. Cela leur a permis d’éviter que les températures de fermentation ne dépassent pas 28 °C, mais la vinification de 3 000 hl de vin avec cette méthode de maîtrise thermique d’appoint a engendré une grosse consommation d’eau. Par contre, les fermentations alcooliques se sont déroulées d’une manière complète sans incident et les premiers contrôles analytiques confirment que seules les levures ont dégradé les sucres. Les efforts déployés par ces viticulteurs se sont révélés payants sur le plan de la maîtrise globale des vinifications.

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