Des suivis de la maturité pour mieux vivifier

2 octobre 2014

La juste appréciation de la qualité des raisins au moment de la récolte est fondamentale pour aborder les vinifications et adapter les pratiques aux spécificités de chaque millésime.

Le climat des mois d’août et de septembre interfère directement sur le déroulement de la phase de maturation. Le contenu des baies change complètement en quelques semaines, passant d’un état physiologique proche de celui des feuilles à un fruit de nature riche et équilibrée (en azote, en sucres, en acidité, en arômes, en saveurs, en polyphénols…). La mise en œuvre d’un suivi de maturité est le seul moyen d’apprécier par anticipation le contenu des baies avant de les récolter. C’est un travail important, demandant de la rigueur et de l’organisation, qui permet de suivre l’évolution de la maturation au niveau des différents îlots de terroir des propriétés et de déclencher la récolte au moment le plus opportun.

La première partie du cycle végétatif 2014 s’est déroulée dans de bonnes conditions avec notamment un climat ensoleillé et chaud durant la phase de floraison. Le millésime se présentait bien car, malgré un potentiel de grappes globalement assez moyen, la floraison a permis de conserver une grande partie des baies. Le mois de juillet assez pluvieux et moyennement chaud a retardé l’évolution des jeunes grappes qui ont mis du temps à atteindre le stade de la fermeture. La situation en cette fin de mois n’était pas inquiétante compte tenu d’un niveau d’avancement du cycle encore assez précoce. En août, les pluviométries abondantes et les niveaux de températures bas pour la saison ont perturbé le déroulement de la véraison qui a été longue. Durant l’été 2014, les vignes n’ont jamais souffert de stress hydrique et, au contraire, l’abondance des pluies a favorisé la croissance végétative et le développement des attaques de mildiou tardives. Fin août, l’état foliaire de certaines parcelles était dégradé et la structure des grappes bien pleines (avec des baies serrées) révélait quelques foyers de botrytis. L’autre fait marquant de ce millésime à la fin du mois d’août était la forte disparité de l’état de maturité des raisins d’une parcelle à l’autre. Les effets charges de grappes, pratiques culturales, exposition, nature du sol et du sous-sol ont eu une incidence sur le déroulement de la première phase de maturation très hétérogène. Le retour d’un ensoleillement très estival durant la première décade de septembre a fait beaucoup de bien à tous les cépages les plus précoces comme les plus tardifs. Le climat des trois dernières semaines de septembre va jouer un rôle majeur sur la structure qualitative des raisins. La belle période de beau temps a boosté le processus de maturation qui s’annonce malgré tout assez hétérogène dans la plupart des propriétés. Les deux principaux sujets de préoccupation de ce millésime seront l’évolution des foyers de botrytis latents et l’aptitude des parcelles touchées par le mildiou à pouvoir mûrir les raisins. La mise en œuvre de suivis de maturation s’annonce en 2014 particulièrement intéressante pour cueillir les raisins au meilleur moment.

 

La mise en place d’un suivi de la maturité est un message technique fort depuis quelques années, mais un certain nombre de viticulteurs en sous-estime encore l’intérêt. La récolte 2014 s’annonce tardive, moyenne au niveau des rendements volumiques et hétérogène en qualité. Etre attentif au contenu qualitatif des baies dans les parcelles doit devenir une intervention aussi importante que la maîtrise de l’hygiène ou le pilotage des fermentations.

Avant de « lancer » les machines à vendanger dans les parcelles, il est capital de connaître la structure qualitative des raisins.

Les informations de suivi de maturité émanant de la Station Viticole du BNIC, des Chambres d’agriculture, de l’IFV, des œnologues de terrain, constituent des sources d’informations intéressantes pour apprécier la tendance « maturité du millésime » à l’échelon régional, mais elles sont insuffisantes pour donner « le top départ » du timing de récolte idéal de chaque propriété.

La mise en place d’un suivi de l’évolution de la qualité des raisins dans les trois semaines précédant la récolte à l’échelle de chaque propriété doit devenir plus systématique.

PRINCIPES GÉNÉRAUX
Pendant la phase de maturation, les raisins subissent une transformation importante de nature. Leur état de maturité à la récolte joue un rôle très important sur la qualité finale des productions. Le contenu qualitatif des baies évolue profondément entre le début de la véraison et la pleine maturation. C’est pendant cette courte période que « se fait et se défait » la qualité d’un millésime. Se donner les moyens à l’échelle d’une propriété de connaître les potentialités qualitatives des différents îlots de terroir est fondamental pour cueillir les raisins au moment optimum. Cela nécessite un investissement personnel des viticulteurs pour réaliser des contrôles de maturité. C’est le seul moyen d’appréhender le contenu des raisins avant de les récolter.

L’évolution du contenu des baies au cours de la maturation

Le raisin est un fruit pulpeux sensible qui réagit fortement aux aléas de la climatologie à partir de la véraison. Les excès d’eau, de chaleur, de fraîcheur ou, à l’inverse, la clémence et la régulation du climat interfère fortement sur le contenu qualitatif des baies.

Durant la maturation, l’augmentation de la teneur en sucres dans les baies s’accompagne d’autres transformations chimiques qui contribuent fortement à l’équilibre qualitatif final des productions. Au fur et à mesure que mûrissent les baies de raisins, elles deviennent aussi fragiles aux agressions extérieures et tout particulièrement aux attaques de botrytis. La maîtrise qualitative de la maturation englobe à la fois la concentration des baies en sucres, arômes, polyphénols, azotés, précurseurs de saveurs herbacées, leur état sanitaire… et la recherche de niveaux d’acidité adaptés à chaque production.

Comme dans tous les fruits, les baies sont sensibles durant leur maturation à diverses altérations dont la plus préjudiciable est la pourriture grise. Le contenu des baies est naturellement protégé par leurs pellicules dont la résistance est limitée.

Les attaques de pourriture peuvent détruire rapidement les pellicules quand les conditions climatiques sont favorables. Plus les baies approchent la pleine maturation, plus elles sont sensibles aux attaques de botrytis. Les dégâts peuvent être spectaculaires. Après une séquence pluvieuse de seulement une semaine, les raisins proches de la maturité peuvent passer d’un état sain à botrytisé à plus de 10 % en 2 à 3 jours. Une baie altérée par le botrytis a perdu son contenu qualitatif et elle constitue un danger pour les fractions de raisin encore saines lors des vinifications.

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Les éléments permettant d’apprécier l’évolution de la maturation

Au cours du processus de maturation, l’évolution qualitative des raisins peut être quantifiée en appréciant le degré potentiel, l’acidité et le pH, l’état sanitaire, les arômes et la matière colorante, la richesse azotée des moûts et la qualité gustative des baies.

Réaliser 3 contrôles de maturation avant les vendanges représente un acte œnologique cohérent.

Utiliser la fiche de suivi de maturation détachable présente dans le « Guide de la vinification 2014 ».

Le degré potentiel

Estimation une fois par semaine à partir du moût issu des prélèvements par des mesures avec des réfractomètres ou des densimètres.

L’évolution du TAV potentiel est directement liée au climat de septembre et d’octobre.

L’acidité totale, le pH, l’acide malique

L’évolution de l’acidité totale est un élément important, conférant aux vins une charpente qui joue un rôle dans leur aptitude à se conserver et sur le plan gustatif.

Les niveaux d’acidité trop élevés à la récolte traduisent la sous-maturité et à l’inverse les seuils trop bas attestent d’une sur-maturité. Trouver le juste équilibre en matière d’acidité est essentiel pour déclencher la récolte.

Estimation une fois par semaine à partir du moût issu des prélèvements.

Mesures de l’acidité totale sur l’exploitation avec de petits équipements ou par un laboratoire d’œnologie de proximité.

Les dosages du pH et de l’acide malique contribuent à caractériser plus finement l’état de maturité. Les laboratoires œnologiques de terrain proposent des prestations de suivi de maturité qui intègrent ces analyses.

L’état sanitaire

Le développement du botrytis sur les raisins au cours de la maturation engendre toujours des déviations qualitatives majeures : pertes d’arômes, fragilité de la couleur, sensibilité des vins aux altérations bactériennes, perte de rendement…

Le botrytis et les pourritures associées quand elles se développent au cours de la maturation sont un danger majeur pour la qualité.

La réalisation d’observations visuelles hebdomadaires durant les contrôles de maturité est importante.

Comptages sur les échantillons de baies prélevées pour les contrôles de maturation et sur des souches identifiées.

Test laccase, dosage de l’acide gluconique réalisés sur les moûts et utilisation de kit de dosages rapides (bandelettes colorimétriques).

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Les arômes et la structure phénolique

Cépages blancs et rouges aspect visuel de la couleur des baies, des pédicelles et des rafles.

Plus la couleur des baies s’intensifie, plus leur maturation progresse :
– en blanc, on passe de la teinte verte au jaune parfois bien doré ;
– en rouge, la teinte des baies s’intensifie au cours des semaines.

La dégustation des baies :
– en blanc et en rouge, les saveurs herbacées diminuent progressivement et les saveurs de fruit s’intensifient ;
– en rouge et en blanc, la diminution progressive d’intensité des notes d’astringence liées aux pépins.

La matière colorante :
– mesures analytiques de la concentration en matière colorante et d’extractibilité (pépins et pellicules) réalisées dans des laboratoires d’œnologie ; une à deux analyses en fin de maturation.

La richesse azotée des moûts

Au dernier contrôle de maturité, le dosage de l’azote assimilable apporte une information intéressante sur le « réservoir » d’aliments pour les levures.

Les œnologues de terrain proposent des suivis de maturation complets intégrant un dosage de l’azote assimilable lors du dernier prélèvement.

 

 

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