Fiscalité – Ventes d’eaux-de-vie par des retraités, conjoints survivants, héritiers

19 mai 2009

La Rédaction

Les ventes d’eaux-de-vie par les agriculteurs retraités, leurs conjoints survivants ou leurs héritiers ne sont pas forcément indemnes d’impôt. Se méfier aussi des effets de seuil. Quant aux ventes par les indivisions, elles restent toujours plus délicates à gérer.

Premier cas de figure – Un viticulteur retraité veut profiter de la reprise du marché du Cognac pour vendre des eaux-de-vie. Si, avant d’arrêter son activité, il était soumis au bénéfice réel agricole (normal ou simplifié) et qu’il n’avait pas dénoncé ce régime*, son bénéfice imposable sera calculé selon les règles du réel, normal ou simplifié. L’impôt au titre des BA (bénéfices agricoles) sera dû après la réalisation de la vente. Si, avant de cesser son activité, le viticulteur était au forfait, que se passera-t-il ? Il faut savoir que dans la région délimitée Cognac, existent deux types de bénéfices forfaitaires imposables : un bénéfice forfaitaire vin et un bénéfice forfaitaire eaux-de-vie (encadré sur le mode de calcul). Le forfait vin, représentatif d’une valeur moyenne de la récolte levée, correspond au bénéfice imposable soumis à prélèvement fiscal au moment de la récolte (avec le décalage inhérent au mode de calcul du forfait). Le forfait eaux-de-vie, lui, joue au moment de la vente. Comme son nom l’indique, il représente le bénéfice forfaitaire moyen constaté sur la vente de l’eau-de-vie, dans le cru et le compte considérés. Il sert de base imposable au titre des BA. Certes, depuis une quinzaine d’années, le forfait eaux-de-vie était égal à zéro. C’est pour cela qu’il était d’usage de dire que les ventes effectuées sous le régime du forfait n’étaient pas soumises à impôt (ou plus exactement qu’elles avaient donné lieu à un premier prélèvement fiscal, à la levée de la récolte). Il n’empêche qu’au cours de toutes ces années, le bénéfice forfaitaire eaux-de-vie a toujours été calculé et qu’il continue de s’appliquer. Au Journal Officiel du 25 novembre 2007, sont d’ailleurs parus les forfaits eaux-de-vie imposables au titre de l’année 2006. Ils restent égalent à zéro, à quelques exceptions près, jugées d’ailleurs relativement aberrantes (bénéfices forfaitaires légèrement positifs sur deux comptes d’âges du cru Bois Ordinaires). Qu’en sera-t-il pour les ventes d’eaux-de-vie réalisées en 2007 sous le régime du forfait ? On peut s’attendre à constater un peu plus de montants positifs du forfait eaux-de-vie, sans pour autant qu’ils crèvent les plafonds. Ceci étant, compte tenu des mercuriales actuelles, la situation peut évoluer assez vite. Un syndicaliste se souvient des années 90, où le montant du bénéfice forfaitaire eaux-de-vie pouvait dépassait la valeur de certaines ventes. A noter que le forfait eaux-de-vie ayant été institué en 1975, il est admis que toutes les eaux-de-vie antérieures à 1975 ne soient pas concernées par le système d’imposition.

En matière de forfait, un autre élément est à prendre en considération : la question du franchissement de seuil du réel selon le montant du chiffre d’affaires. Si un retraité au forfait vend pour 150 000 € de marchandise, il se retrouvera au réel le 1er janvier de l’année qui suit, en application de la règle qui veut que l’assujetti dont la moyenne des recettes mesurées sur deux années consécutives dépassent 76 300 € (plafond du régime forfaitaire) se retrouve de droit au réel simplifié. Ce franchissement n’aura aucune conséquence si le viticulteur retraité a liquidé en une fois l’intégralité de son stock. Le problème se posera en des termes différents si la réalisation du stock s’effectue en plusieurs lots.

Deuxième cas de figure – La vente d’eaux-de-vie est réalisée par le conjoint survivant. A son égard, s’applique une tolérance. Même si le conjoint survivant – en général l’épouse – ne participait pas aux travaux agricoles, l’administration fiscale admet que le bénéfice tiré de la vente soit taxé au titre des Bénéfices Agricoles (se reporter aux commentaires plus haut). Mais l’époux survivant n’ayant pas participé aux travaux peut également choisir d’être imposé au régime qui normalement s’applique à lui, le régime des plus-values des particuliers sur biens meubles. Comment se détermine le montant d’une plus-value ? Par différence entre le prix de vente et la valeur inscrite dans l’acte de transmission. A ce montant, il conviendra toutefois d’appliquer un abattement de 10 % par année de détention au-delà de la deuxième année (à partir de la date figurant dans l’acte). Ainsi, il y aura exonération totale de la plus-value après 12 ans de détention des eaux-de-vie.

Troisième cas de figure – Ce sont les héritiers autres que le conjoint survivant qui réalisent l’opération de déstokage. Plusieurs situations sont à considérer. Si les héritiers ont repris l’exploitation viticole dont sont issues les eaux-de-vie, le bénéfice réalisé pourra être taxé au BA. Dans le cas contraire – héritiers non viticulteurs ou même viticulteurs mais sur un autre site d’exploitation – ils relèveront du régime des plus-values des particuliers (voir plus haut) ou encore des BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux) si la méthode de mise en vente ne relève pas de la simple gestion de patrimoine mais s’assimile à du commerce (à l’instar d’un marchand en gros ou d’un négociant). A l’évidence, cette configuration se rencontre assez rarement.

Quatrième cas de figure – La réalisation du stock, en totalité ou partiellement, est le fait d’une indivision. A une certaine époque, l’administration fiscale avait admis que si le conjoint survivant participait à l’indivision, le régime des BA pouvait s’appliquer à l’ensemble des membres de l’indivision. L’Administration est revenue à son interprétation initiale : le régime d’imposition de chacun des indivisaires résultera de sa qualité (conjoint survivant, héritiers autres). En découlera le régime d’imposition approprié, selon les critères vus plus haut. L’indivision soulève généralement aussi des questions d’usufruit et de nue-propriété, le conjoint survivant détenant l’usufruit et les héritiers autres (les enfants) la nue-propriété. Le stock d’eaux-de-vie est-il un « fruit » comme un autre ? Oui et non. Dans son acception classique, la réserve d’usufruit conduit à « user » d’un bien mais sans en amoindrir le capital (exemple classique de la location). Tel n’est pas vraiment le cas lors d’une réalisation de stock. La valeur du bien ne se reconstruit pas. Il y a donc décapitalisation. C’est bien pour cela que les opinons divergent quant à savoir si l’usufruitier peut réaliser seul le stock. Dans l’hypothèse où on l’admet qu’il puisse réaliser seul le stock et en garder l’intégralité du montant, il conviendra au moins de faire rédiger devant notaire un pacte reconnaissant la
dette de l’usufruitier à l’indivision, à faire valoir le jour du décès de l’usufruitier.

* La dénonciation du réel pour revenir au forfait est possible. Toutefois, elle répond à des conditions de chiffre d’affaire mais aussi de délais pour pouvoir exercer l’option. Le passage du réel au forfait ne sera envisageable que si le chiffre d’affaire sur deux ans ne dépasse pas 46 000 €. Par ailleurs, si l’agriculteur est au réel sur option (cas ou son chifre d’affaire n’a jamais dépassé 76 300 € en moyenne sur deux ans), l’option ne peut s’exercer qu’au terme d’un délai de 2 ans. Dans l’hypothèse où l’agriculteur est au réel de plein droit – chiffre d’affaire supérieur à 76 300 € sur deux ans – il peut revenir au forfait dès que la moyenne de son chiffre d’affaire sur deux ans est inférieure à 46 000 €, soit le 1er janvier de l’année suivant la période de deux ans.

Forfaits viticoles – Rappel du mode de calcul

Des valeurs longtemps proches ou égales à zéro ont conduit à considérer le bénéfice forfaitaire comme un reliquat du passé. Mais la récente fièvre des mercuriales Cognac a réveillé le « mammouth » . Surprise ! Il bouge encore.

Avant toute chose, il convient de se rappeler que le bénéfice forfaitaire est un forfait collectif, dont le calcul se base sur le constat de bénéfices unitaires moyens. A côté des forfaits polycuture-élevage ou cultures spécialisées, chaque région viticole possède son propre forfait viticole spécifique. La région délimitée Cognac en définit deux, un bénéfice forfaitaire vin et un bénéfice forfaitaire eaux-de-vie. Ces bénéfices forfaitaires sont débattus au sein de commissions départementales qui réunissent représentants de la profession et de l’administration fiscale. Les même bénéfices forfaitaires viticoles s’appliquent aux deux départements 16 et 17 qui mutualisent leurs approches. C’est à Angoulême que se débattent les bénéfices forfaitaires vins du groupe Grande Champagne / Petite Champagne / Borderies et du groupe Fins Bois, La Rochelle se réservant les forfaits vins Bons Bois et Bois Ordinaires. Quant aux bénéfices forfaitaires eaux-de-vie, ils relèvent d’Angoulême.

Pour déterminer le bénéfice forfaitaire vin/ha, on va s’attacher à calculer d’une part le niveau moyen de charge ha selon les groupes de crus et, d’autre part, le revenu théorique pour ces mêmes crus, tel qu’il apparaît selon la réglementation en vigueur et les statistiques du BNIC (part des vins Cognac, des vins de table, des jus de raisin…). A cette valeur « bord champ » de la récolte, valable pour un fermier, on ajoutera le revenu cadastral pour obtenir le bénéfice forfaitaire des propriétaires exploitants. Les forfaits vin sont fixés selon une grille ha, fonction du rendement.

C’est à partir de la valeur de l’hl de vin de distillation Cognac tel que retenu pour le calcul du forfait vin que les membres de la commission départementale vont baser leur approche des bénéfices forfaitaires eaux-de-vie (du compte 0 jusqu’au compte 10 suivant les groupes de crus). Selon les comptes de vieillissement, cette valeur de départ sera majorée des frais de distillation, des frais de stockage ORECO, du pourcentage d’évaporation… La comparaison entre ce prix de revient et la moyenne pondérée des mercuriales BNIC des trois premiers mois (avant le changement de compte au 1er avril) et des neuf mois ultérieurs aboutira à la fixation de deux forfaits eaux-de-vie par compte d’âge, uniquement s’il y a constat de bénéfice. En cas de déficit, le bénéfice forfaitaire équivaut à zéro.

En règle générale, les commissions départementales se mettent d’accord sur les forfaits en avril de l’année suivant la récolte (par exemple avril 2007 pour les revenus réalisés en 2006). En tout cas, cela se vérifie pour les forfaits polyculture-élevage, cultures spécialisées ou eaux-de-vie.

Pour les forfaits vin, il faudra attendre la fin de la campagne viticole au 31 juillet pour connaître l’affectation complète de la récolte. Ainsi, si les bénéfices forfaitaires eaux-de-vie sont généralement publiés courant novembre, les forfaits vin sont traditionnellement connus le 31 décembre, pour une publication début d’année suivante (décalage de deux ans – année 2008 pour des revenus réalisés en 2006). Les centres des impôts appelant l’impôt sur le revenu en septembre-octobre de l’année suivant l’obtention du bénéfice agricole imposable, en cas de forfait, ils procéderont à un encaissement complémentaire quelques mois plus tard.

 

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