Des Pineaux de « belle maturité »

14 mars 2009

La mise en œuvre d’une véritable stratégie de production pour élaborer des volumes importants de Pineau des Charentes blancs et rosés repose sur des pratiques viticoles comparables à celles qui sont mises en œuvre pour les vins de qualité. L’ensemble des œnologues de la région tiennent à ce sujet un discours cohérent qui peut se résumer de la façon suivante : la qualité finale des Pineaux repose en grande partie sur l’obtention de raisins sains et récoltés à pleine maturité sans rechercher non plus la sur-concentration. M. Pascal Gaillard et son père ont mis en application ces principes sur leur exploitation depuis presque 20 ans et ils sont devenus des producteurs de Pineau expérimentés.

pascal_gaillard.jpgLa production de Pineau des Charentes sur une propriété est toujours assez facile à aborder quand on élabore de petits volumes, mais par contre elle nécessite un véritable professionnalisme dès qu’elle atteint des volumes importants. M. Pascal Gaillard, à Clion, fait partie de ces viticulteurs pour lesquels le Pineau est à la fois la production essentielle et le moteur économique de sa propriété. Le vignoble, d’une vingtaine d’hectares, est implanté sur des sols argilo-calcaires et des doucins battants qui ont une précocité moyenne, et les interventions au vignoble s’avèrent déterminantes pour amener les raisins à bonne maturité. Depuis trente ans, Pascal Gaillard et son père ont acquis un véritable savoir-faire à la vigne comme au chai pour élaborer tous les ans 250 à 300 hl de Pineau blanc et environ 50 à 60 hl de rosé. Un tiers de la production est vendu en bouteilles et l’autre en vrac auprès d’opérateurs à la recherche de produits de qualité. Le stock de Pineau de cette exploitation dépasse 1 200 hl, soit l’équivalent d’à peu près quatre récoltes. Les Pineaux blancs vendus en bouteilles sont élaborés pour la qualité de base à partir de lots âgés de 4 à 5 ans et pour les Pineaux rosés à partir de lots âgés de 2 à 4 ans. Les productions de Pineaux blancs et rosés de différentes qualités de P. Gaillard ont décroché de nombreuses médailles ces dernières années au Concours général agricole et au concours des Saveurs Poitou-Charentes.

50 % des Pineaux blancs sont élaborés avec de l’ugni blanc

Le Pineau blanc est en quelque sorte devenu la spécialité de cette propriété et une véritable stratégie globale de production a été mise en œuvre. D’une manière générale, les itinéraires techniques au vignoble et dans le chai reposent sur des principes cohérents et simples dont la mise en œuvre nécessite de l’organisation et de la rigueur. L’encépagement sur la propriété a été diversifié pour développer la production de Pineau blanc avec l’introduction du Montils, du Sémillon et du Colombard, mais au fil des années l’Ugni blanc s’est imposé comme la base principale de production des moûts. En effet, P. Gaillard souhaite élaborer des Pineaux blancs équilibrés sur le plan du rapport sucre/acidité : « Ma volonté est actuellement de faire 50 % de ma production totale de Pineaux blancs avec des Ugni blancs car ils évoluent bien au cours du vieillissement et leur niveau d’acidité un peu élevé facilite la conservation. Lorsqu’il est conduit à petits rendements et récolter a pleine maturité, c’est un cépage qui donne des moûts intéressants sur le plan gustatif. Avec le Montils, on est sûr d’obtenir une bonne maturité en sucre tous les ans ; mais par contre les faibles niveaux d’acidité rendent la conservation plus difficile. Les caractéristiques aromatiques des Pineaux de Montils bien typées au départ s’atténuent au fil des années et au bout de 4 à 5 ans de vieillissement. Leurs caractéristiques sont complémentaires de celle des lots d’Ugni blanc. Le Sémillon est un cépage très sensible à la pourriture grise et il arrive que les raisins soient altérés avant d’être mûrs, ce qui est un handicap majeur en terme de qualité. Par contre, le Colombard permet d’élaborer de bons Pineaux, typés, fruités et acides qui sont destinés à une longue garde. Depuis quelques années, je destine prioritairement la production de mes 0,80 ha de Colombard à l’élaboration de vins de pays compte tenu de la richesse aromatique des moûts. » Les parcelles d’Ugni blancs de cette exploitation, qui sont destinées à la production de moûts pour le Pineau, font l’objet d’une sélection en fonction de leur aptitude à bien mûrir les raisins.

« Je cherche à fatiguer mes vignes »

chai_de_vieillissement.jpgLe vignoble d’Ugni blanc de cette propriété est implanté à des densités variables de 2 m sur 1,10 m pour les vignes les plus âgées et aussi 2,50 m sur 1,35 m. L’aptitude à mûrir des raisins est nettement inférieure dans les parcelles a plus faible densité compte tenu de la charge de grappes plus importante sur chaque souche et la finalité de ces plantations est en général la production d’eaux-de-vie. Les parcelles d’Ugni blanc consacrées à la production de moûts de Pineau sont des vignes étroites âgées d’une trentaine d’années dont la vigueur est maîtrisée par des moyens simples comme en témoigne P. Gaillard : « Les parcelles d’Ugni blanc destinées à la production de Pineau, je cherche à les fatiguer en limitant les fumures et en pratiquant un enherbement permanent. Cela provoque une baisse de la vigueur qui profite à la qualité des raisins. Néanmoins, j’ai l’impression que dans nos sols les engrais font de l’effet pendant longtemps, car la diminution de vigueur et de charge intervient progressivement. La finalité de tout ce travail est d’obtenir des grappes en nombre moyen et naturellement bien réparties sur les souches, ce qui m’évite d’avoir à réaliser une vendange en vert en cours d’été. L’impact de l’enherbement sur la vigueur est assez facile à percevoir car la pousse des rameaux s’arrête tôt en saison et deux rognages sont suffisants en été. » Les parcelles de Montils et Colombard sont plantées à une densité de 2 m sur 1,10 m et leur vigueur est aussi contrôlée par un enherbement permanent. Pour améliorer les conditions de maturation, ce viticulteur passe dans les parcelles au mois de mai pour enlever sur les souches les contre-bourgeons et les bourgeons qui se développent en dessous les lattes. C’est une intervention assez fastidieuse qui s’effectue tout de même assez facilement durant la première quinzaine de mai, à une période où la charge de travail n’est pas importante. L’ensemble des efforts viticoles déployés pour créer des conditions propices au déroulement d’une bonne maturation des parcelles d’Ugni blanc donne des résultats intéressants puisque P. Gaillard observe régulièrement des écarts de richesse en sucre de 1 à 2 % vol. Les parcelles de cépages rouges sont plantées pour les Merlot à 2,50 m sur 1,30 m et pour les Cabernet de 2 m sur 1,10 m avec les mêmes pratiques viticoles de maîtrise de la vigueur, et cela se ressent d’une manière très positive au niveau de la qualité des raisins.

Savoir attendre la maturité en suivant de près l’évolution des raisins

Au moment des vendanges, la récolte sur cette exploitation commence en général par les parcelles d’Ugni blanc destinées à la production d’eaux-de-vie et ensuite c’est l’évolution de la maturité des différentes parcelles qui conditionne le calendrier de récolte. M. P. Gaillard effectue un suivi de l’évolution de la maturité de ses parcelles très intéressant en s’appuyant sur les conseils de son œnologue pour récolter au moment le plus opportun : « Comme je possède une machine, je suis en mesure d’organiser le chantier de vendange sans aucune contrainte. Nous récoltons en premier les Ugni blancs destinés à la production d’eau-de-vie et ensuite j’attends que les raisins soient arrivés à bonne maturité. On surveille l’évolution de la maturité des parcelles en réalisant régulièrement des contrôles de la teneur en sucre et du niveau d’acidité. Le terroir de la propriété a tendance à être propice à l’obtention de niveaux d’acidité totale un peu élevés sur l’ensemble des cépages blancs et rouges, sauf bien sûr en 2003 où c’était le cas inverse. Le fait de retarder de quelques jours ou d’une semaine la date de récolte est en général propice à une chute d’acidité, mais certaines années ce processus est plus limité. Il est fréquent que nous récoltions les Merlot et le Montils après les premiers Ugni blancs, et le fait de savoir attendre la pleine maturité est à la fois toujours bénéfique et aussi risqué. Dans les parcelles d’Ugni blanc à faible vigueur, c’est souvent l’apparition des premières baies atteintes de botrytis qui nous oblige à vendanger, car le fait de rentrer des raisins parfaitement sains est un gage de qualité pour les Pineaux. A l’approche de la récolte, les baies des grappes d’Ugni blanc les plus dorées ont des saveurs gustatives intéressantes qui n’ont rien de comparables avec celles issues de raisins verts et mal exposés. »

Une vinification respectueuse des qualités des cépages

La vinification des moûts destinés à la production des Pineaux est abordée avec beaucoup de rigueur et d’efficacité pour conserver le maximum de qualité et de saveur au moût avant leur mutage. Pour les moûts blancs, le pressurage est réalisé d’une manière très douce avec une sélection des jus de goutte. L’utilisation d’un pressoir pneumatique permet d’extraire les jus les plus clairs durant la première phase de basse pression du cycle et la libération de bourbes est ainsi fortement limitée. Lorsque la vendange est parfaitement saine, la récolte des Ugni blancs et le pressurage sont réalisés tôt le matin afin de rentrer des moûts frais (autour de 12 à 15 °C) pour ne pas sulfiter. Leur conservation en cuve à moins de 15 °C pendant 12 à 24 heures permet de réaliser un débourbage efficace et les moûts clairs limitent ensuite la production de lies. Pour les moûts de Montils et de Sémillon, un sulfitage (à 3 ou 4 g/hl sur vendange saine) est réalisé assez tôt afin d’éviter l’oxydation et de faciliter la conduite d’un débourbage pendant 12 à 24 heures. Le débourbage des Sémillon est toujours un peu plus long car les jus sont naturellement plus bourbeux. P. Gaillard réalise le mutage en cuve inox et des brassages réguliers sont réalisés pendant une quinzaine de jours pour obtenir une bonne homogénéisation. Les Pineaux rosés étaient élaborés depuis quelques années à partir de macération à l’alcool qui leur conférait une très bonne couleur, et suite à diverses remarques de sa clientèle, P. Gaillard a décidé de revenir à une production qui soit réellement d’une couleur rosé soutenue et non pas rouge intense. Cette année, il a décidé de conduire l’extraction de couleur de ses Merlot et de ses Cabernet en réalisant une macération enzymatique de 24 à 30 heures avec plusieurs pigeages pour favoriser les échanges entre la fraction solide et les jus libres. Il a obtenu des Pineaux rosés moins colorés et très fruités dont la couleur semble bien se tenir, mais ce n’est que l’été prochain qu’il aura une idée juste de la couleur finale de ses Pineaux rosés de 2004.

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