Mark Dworkin est consultant. Depuis 4 ans et demi, il travaille à l’implantation d’un vignoble de 135 ha dans la vallée de Bessa, en Bulgarie. Ses employeurs : un groupe d’investisseurs allemands, amoureux du vin, qui possèdent déjà un vignoble à Saint-Emilion.
A 30 km à l’est de Plovdiv, la deuxième ville bulgare après la capitale Sofia, Bessa valley est situé dans la plaine de la Thrace, une grande région de production qui englobe le nord-ouest de la Turquie, la Bulgarie et la Moldavie. C’est dans ce lieu que des investisseurs allemands ont choisi d’acquérir un domaine de 200 ha et de réimplanter un vignoble, passé à la trappe en 1984-1985, lors des grandes campagnes d’arrachages. Pour ce faire, ils bénéficient des aides de la Sapard, le fonds de pré-adhésion européen, qui dispose d’un budget global de plus de 52 millions d’€ par an, dont un volet destiné à la viticulture. Condition émise par l’UE pour distribuer ces fonds dans le domaine viticole : que la restructuration s’effectue dans un cadre qualitatif et porte sur des surfaces anciennement viticoles. C’est le cas à Bessa valley, dont les sols argilo-calcaires, qualifiés d’assez exceptionnels, ont de longue date abrité des vignes. Pour le compte de ses mandataires allemands, M. Dworkin a déjà piloté la plantation de 100 ha et 35 ha vont suivre très prochainement. Avec une façade sur la mer Noire, la chaîne des Balkans qui la traverse, la Bulgarie jouit d’un climat continental méditerranéen. En fonction de ces caractéristiques climatiques et de terroir, trois cépages ont été choisis : Merlot pour les 2/3, Petit Vierdot pour un tiers et Syrah pour le reste. Un grand absent, le Cabernet-Sauvignon, volontairement « schinté » de par sa présence massive un peu partout dans le monde. Axé exclusivement sur une production de vins rouges, le vignoble bénéficie d’une implantation qualitative à 5 000 pieds/ha et se destine à l’exportation, essentiellement anglo-saxonne. Historiquement, si le Comecon représentait le marché naturel des vins bulgares, une petite partie partait déjà sur le marché anglais. D’où l’orientation commerciale envisagée pour le vignoble de Bessa valley, compte tenu « du manque de clarté qui prévaut encore en Russie ». Des projets comme celui-ci, la Bulgarie en compte plusieurs aujourd’hui. « Le pays est en plein développement » note Marc Dworkin. Les nouveaux investissements sont le fait à 70 % des Bulgares mais relèvent aussi de joint-ventures – cas du groupe de spiritueux polonais Belvédère qui envisage de commercialiser 10 millions de cols – où émanent de fonds totalement étrangers, comme pour Bessa valley.
De grosses difficultés pour la production traditionnelle
A côté de cela, la production viticole bulgare traditionnelle connaît de grosses difficultés. Après la redistribution des terres en 1993-1994, la petite paysannerie, voire les coopératives agricoles de production constituées alors, ont été confrontées au manque de moyens financiers. Le rendement moyen plafonne aujourd’hui à 30 hl/ha alors qu’il fut beaucoup plus élevé par le passé. Cette situation n’a rien d’étonnant, dans la mesure où il manque souvent 1/3 des pieds (2 000 pieds/ha contre 3 000). Une partie du vignoble périclite et ce ne sont pas les prix du marché intérieur qui peuvent permettre de redresser la barre. Lors de la dernière campagne, les prix ne dépassaient pas 11-12 c d’€ le kg de raisin de 3e catégorie, 16-18 c d’€ pour les qualités moyennes et 26-30 c. d’€ pour les belles qualités. Plutôt que d’acheter les raisins, les investisseurs allemands ont opté pour la production en directe, formule plus qualitative assortie de coûts salariaux faibles (moitié moindre qu’en Europe de l’ouest), même si une loi visant à alléger les charges sociales lors de l’implantation d’un vignoble, de la 3e à la 5e feuille, n’a pas pu voir le jour. Qui plus est, ils ont eu l’heureuse surprise de trouver sur place une main-d’œuvre qualifiée, pétrie de tradition viticole même ponctuée de « blancs ». « Des gens qui n’avaient pas taillé en Guyot double depuis 15-20 ans ont très vite retrouvé leurs marques » relève le consultant Mark Dworkin. Parallèlement à l’implantation du vignoble, ce dernier a chapeauté la construction d’une cave d’une capacité de 10 000 hl vol., tout en cuverie ciment. Pour l’équipement viti-vinicole, il a eu l’embarras du choix puisque de nombreuses sociétés du secteur sont présentes aujourd’hui en Bulgarie. Si côté cuves, pompes, voire usine d’embouteillage « les Bulgares savent faire », ils ne dominent pas complètement la technologie des pressoirs pneumatiques. C’est ainsi que l’on retrouve les Wilmes, Della Toffola, Vaslin-Buscher, en plus d’Alfa-Laval, Clemens pour le matériel vini et viti, les tonneliers François, Boutes et autres, les pépiniéristes Gendre, Mercier et leurs principaux collègues. Tous les ans, le salon Vinaria, organisé à Plovdiv la première semaine de février, réunit un florilège de fournisseurs viticoles, de tous poils et de toutes nationalités.
0 commentaires