Des insectes bénéfiques « dévorent avec envie » des eudémis

13 juin 2016

La lutte contre les l’eudémis et la cochylis est entrain de connaître une évolution importante avec le développement d’une stratégie de biocontrôle innovante : l’utilisation des trichogrammes. Les travaux de recherche mis en œuvre par la société Biotop ouvrent véritablement de nouvelles perspectives pour aborder la lutte contre les tordeuses avec une éthique environnementale poussée . Le projet fait l’objet d’une expérimentation unique en France qui est pilotée par la chambre d’agriculture de la Charente sur une grande parcelle mise à disposition par les domaines Rémy Martin. Après deux années d’expérimentation l’efficacité des lâchers de trichogrammes est démontrée. Les larves de trichogrammes « dévorent avec envie » les œufs d’eudémis et de cochylis.

Les débats récents et désormais sensibles autour de l’utilisation des pesticides sont une réalité que l’ensemble des régions viticoles et des viticulteurs ne peuvent plus éluder. Concilier les enjeux de productivité et de rentabilité à des engagements forts et durables de respect de l’environnement représente aujourd’hui un challenge de pleine actualité. Le sujet n’est pas nouveau et heureusement, les viticulteurs, les techniciens de terrain et les chercheurs ont déjà mobilisé leurs énergies pour travailler diverses pistes d’études susceptibles de permettre la réduction de l’utilisation des intrants phytosanitaires. Produire plus naturel mobilise des compétences depuis 15 ou 20 ans et déjà, les premiers développements de divers projets sont en cours de finalisation. Aujourd’hui, il n’est plus illusoire de penser que la lutte contre certaines maladies et insectes de la vigne puisse être abordée d’ici quelques années en utilisant une nouvelle génération de produits de protection des cultures : Des produits phyto de biocontrôle. Il s’agit d’un concept de protection du vignoble émergeant, novateur dont les premiers développements séduisent certains acteurs et en rebutent d’autres. Indéniablement, le principe du biocontrôle représente une évolution majeure pour les décennies à venir.


 

De nouvelles perspectives pour lutter l’Eudémis et la Cochylis

 

Par exemple ne serait-il pas possible d’envisager une démarche de lutte biologique contre les vols d’Eudémis et de Cochylis en se passant totalement des applications d’insecticides conventionnels ? L’idée de chercher des alternatives à l’utilisation des insecticides n’est pas nouvelle et des initiatives concrètes ont déjà permis d’envisager des pistes de lutte de biocontrôles innovantes. Le développement des Insectecide à base de BT ( Bacillus thurengiensis ) et de la technique de confusion sexuelle, il y a plus d’une quinzaine d’années ont été les première alternatives de biocontrôle en vigne. La confusion sexuelle qui est une méthode de lutte respectueuse de l’environnement n’a pas connu le succès attendu en Charentes auprès des viticulteurs en raison de plusieurs éléments, un coût/ha élevé au départ, l’obligation de la pose des diffuseurs à l’échelle d’un territoire assez important en surface (et homogène) et la montée en puissance de la Flavescence dorée. Pourtant, les exploitants dans d’autres régions viticoles qui la pratiquent  depuis longtemps sont convaincus de l’intérêt de cette méthode de lutte douce.

 

Le biocontrôle gère les équilibres des populations d’agresseurs sans les détruire

 

      D’autres pistes de lutte biologiques ont germé depuis longtemps dans l’esprit des chercheurs qui ont mené des développements dans des démarches de biocontrôle en phase avec les ressources et le respect de l’écosystème. Le biocontrôle est un concept de méthode de protection des végétaux conduit en utilisant des mécanismes naturels et fondé sur les interactions et les mécanismes régissant les relations entre les espèces dans le milieu naturel. Le principe du biocontrôle repose sur la gestion des équilibres des populations d’agresseurs plutôt que sur leur éradication. Actuellement, les techniques de biocontrôle ont trouvé des champs d’application dans les cultures légumières, l’arboriculture, le maîs, les plantes ornementales et en vignes. La confusion sexuelle en viticulture a représenté le premier projet innovant de biocontrôle. Il a été développé dans une période ou les enjeux environnementaux n’étaient pas une préoccupation prioritaire.

 

Lâcher dans les parcelles des insectes « mangeurs » d’eudémis et de cochylis

 

      D’autres pistes de biocontrôle pour lutter contre les populations de vers de la grappes sont à l’étude depuis 5 à 6 ans. L’idée est de lâcher dans les parcelles des insectes « mangeurs » des œufs d’eudémis et de cochylis pour contrôler les nuisances des vols. Les projet en cours de développement depuis longtemps sont entrain de passer à la vitesse supérieure. Ce concept de lutte n’est ni récent, ni farfelu puisque les recherches pour utiliser « des insectes bénéfiques » consommateurs d’insectes nuisibles ont commencé discrètement au début des années quatre-vingt-dix. À l’époque, les équipes travaillant sur ces thématiques étaient considérées comme des « doux rêveurs » et devaient faire avec les moyens du bord. Pourtant, le concept de lutte global avec des moyens de biocontrole a réussi s’imposer progressivement comme une alternative réaliste aux démarches de lutte conventionnelles. Il est devenu depuis les années 2010 un axe de recherche majeur au sein de l’INRA. Les recherches sur le biocontrôle sont désormais, rentrées dans une phase de développement structurée. D’ailleurs une réglementation encadrant le biocontrôle est en cours de définition par les pouvoir publics car de nouveaux acteurs s’intéressent à ce marché émergeant

 

 

La chambre d’agriculture de la Charente très intéressée par les méthodes de biocontrôle

 

      Au sein de l’équipe viticole de la Chambre d’agriculture de la Charente, les techniciens se sont intéressés aux nouvelles pratiques de biocontrôle depuis cinq à six ans. Les difficultés de développement de la confusion sexuelle dans le vignoble de Cognac ont incité les techniciens à explorer de nouvelles méthodes de biocontrôle qui soient en quelque sorte plus en phase avec les attentes concrètes des viticulteurs. Leur approche a été dès le départ de s’intéresser à des pratiques qui soient adaptées au contexte de production Charentais. Ils se sont intéressés à une diversité de pratiques dont la technique des lâchers de trichogrammes qui est utilisée pour contrôler la pyrale du maïs. Leur approche a été dans un premier temps bibliographique et ensuite, ils ont envisagé la faisabilité de pouvoir tester dans le contexte du vignoble Charentais cette  méthode de biocontrôle. Le caractère innovant de cette stratégie de lutte et surtout son intérêt environnemental représentent des avantages qui devaient être confrontés aux réalités du terrain.


     Les Domaines Rémy Martin souhaitaient contrôler les populations des vers de la grappe avec des méthodes «douces»

 

Parallèlement, les vignobles Rémy Martin qui sont soucieux de mettre en œuvre de pratiques de productions respectueuses de l’environnement depuis longtemps, ont souhaité engager une réflexion plus poussée pour contrôler les populations de vers de la grappes. La présence d’une zone plus sensible aux dégâts des vols d’Eudémis au sein de la propriété de Touzac rendait nécessaire la mise en place d’une stratégie de couverture insecticide lourde. Cette situation était en mesure de fragiliser d’une part les équilibres biologiques et d’autres part les efforts engagés pour dynamiqer les équilibres faunistiques( enherbement semés avec des espèces sélectionnées, jachères mellifères, plantations de haies). Les responsables des Domaines Rémy-Martin se sont rapprochés des techniciens de la chambre d’agriculture de la Charente pour chercher de l’information, nourrir leur réflexion et construire un projet de lutte « plus doux ». Les fruits de ces échanges ont débouché sur la mise en œuvre d’un essai de confusion sexuelle en grandes parcelles pour remplacer l’utilisation des insecticides conventionnels. Au printemps 2013, une plateforme de confusion sexuelle a été mise en place dans un îlot de vigne 9 ha situés à Verrières. Les techniciens de la Chambre d’agriculture ont assuré le suivi de ce site pilote. La finalité de cette initiative était de démontrer l’efficacité d’une stratégie lutte biologique contre l’eudémis et la cochylis peu développée en Charentes. Dés la fin de l’été 2013, les premiers enseignements issus de ce site pilote ont conforté  la réflexion biocontrôle des techniciens et des responsables des Domaines Rémy Martin. Ensemble, ils ont décidé de créer une plateforme d’expérimentation beaucoup plus large.

 

Biotop, des spécialistes de la lutte biologique

 

      Les techniciens de la Chambre d’agriculture ont noué des contacts au début de l’année 2014 avec les responsables de la société Biotop, une petite PME, spécialisée dans le développement de méthode de protection des cultures avec des moyens biologiques. Cette entreprise créée en 1985 est issue d’une coopération avec l’INRA pour la mise au point de méthodes de lutte biologique de protection des cultures  en utilisant divers auxiliaires (dont des trichogrammes). La société Biotop possède une expertise scientifique et technique dans le développement de solutions biologiques alternatives aux applications de pesticides destinées à l’agriculture, aux espaces vert et aux jardiniers amateurs. L’entreprise possède une unité de recherche d’entomogie et une biofabrique implantée à côté de Valence dans la drôme. Les savoir faire de cette société permettent de maîtriser tous les maillons de la chaîne de production, la sélection des divers auxiliaires, leur élevage,  leur multipliocation en quantité, leur conditionnement et leur mise en marché de tous les acteurs des des diverses filières. Les équipes de Biotop pont manifesté depuis quelques années la volonté de relancer un programme d’étude sur les trichogrammes en vignes depuis le début des années 2010. Le contact avec les techniciens de la chambre d’agriculture au début de l’année 2014 est donc arrivé à point pour envisager de nouer un partenariat d’études sur l’utilisation de trichogrammes en vigne. Laurent Duchêne, le conseiller viticole de la Chambre d’agriculture de Charente est devenu le référent de la plateforme de lutte biologique de Verrières. Il pilote une étude unique en France avec le soutien des Domaines Rémy-Martin.

     

 

Les larves de trichogrammes parasitent les œufs d’eudémis et de cochylis

 

      Les trichogrammes sont des petits insectes, des micro-hyménoptères chalcidiens de la famille Trichogrammatidae (des petites abeilles). Cette famille d’insecte compte plus de 130 espèces dont la taille est généralement inférieure à 1 mm. La caractéristique des trichogrammes est d’être des parasites oophages dont les larves se développent à l’intérieur des œufs d’insectes hôtes. L’écosystème naturel est donc « bien fait » puisque les larves des trichogrammes lors de leur développement détruisent les œufs d’insectes hôtes ayant généralement des capacités de nuisance démontrées sur les cultures. Les tissus des œufs des insectes hôtes représentent un aliment prisé des larves de trichogrammes dont elles ne peuvent se passer pour accomplir leur cycle. Cela confère à cette famille de « petites abeilles » un intérêt véritable en tant qu’agent de lutte biologique contre divers insectes. Des recherches ont permis de démontrer l’intérêt de diverses espèces de trichogrammes en tant que moyen naturel de contrôles des populations de divers insectes, les mites des vêtements, les mites alimentaires, la pyrale du mais, le carpocapse des pommiers et des poiriers,….  et bientôt des populations d’Eudémis et de Cochylis dans les vignes.

 

Un développement rapide des larves de trichogrammes  

 

      Les trichogrammes incarnent le concept des produits phyto de biocontrôle à part entière en raison de leur capacité naturelle à parasiter les œufs d’eudémis et de cochylis. Les larves des trichogrammes se développent à l’intérieur de l’insecte hôte dont l’embryon est tué précocement. Ce sont les tissus désintégrés et le vitellus (des composés énergétiques) des œufs des insectes hôtes qui servent de nourriture à la larve du trichogramme et assure son développement jusqu’à sa métamorphose en nymphe, puis en insecte adulte. Celui-ci mène ensuite une vie libre, s’accouple et les femelles recherchent ensuite de nouveaux oeufs-hôtes pour initier de nouveaux cycles de développement. Une femelle de trichogramme fécondée peut parasiter selon les conditions climatiques 80 à 100 oeufs-hotes au cours de sa vie. Durant l’intervalle entre la ponte et l’éclosion du trichogramme adulte, les œufs-hôtes voient leurs longueurs augmenter de 20 % et leur diamètre de 50 %. La phase de développement des embryons au sein des œufs-hotes a fait l’objet d’études approfondies pour étudier l’action des trichogrammes et piloter les conditions de leur élevage de façon rationnelle et industrielle. La phase embryonnaire ne dure que 35 à 40 heures à des températures de 20 à 23 °C. Cela confère aux trichogrammes une capacité à éliminer les ravageurs rapidement avant que ceux n’aient commencé à faire des dégâts.


 

Une influence des conditions écologiques locales de l’historique de la lutte insecticide

 

      Les stratégies de lutte biologique reposent sur des lâchers inondatifs et saisonniers qui viennent soit renforcer l’efficacité des populations naturelles de trichogrammes, soit carrément les remplacer totalement. Il semble que les conditions écologiques locales de l’environnement et l’absence d’hôtes relais en dehors de la période de la présence de l’hôte principal (durant le stade cible du ravageur visé) influencent la présence, l’action de régulation des trichogrammes indigènes et leur capacité à se maintenir dans le milieu d’une année à l’autre. La présence ou l’absence de trichogrammes dans un milieu est sans doute un des éléments qui atteste de la vitalité des équilibres écologiques. L’historique de la lutte insecticide dans les parcelles influence les équilibres biologiques ce qui explique la rareté des petites abeilles adultes « bienfaitrices » dans certains inventaires faunistiques. Le développement de la lutte insecticide systématique dans les secteurs contaminés par la Flavescente dorée n’a pas s arrangé pas les choses. Les trichogrammes sont également très sensibles à l’utilisation de fongicides à base de soufre.

 

Une chaîne de procédures indissociables pour produire et appliquer les trichogrammes

 

      L’utilisation des trichogrammes en tant que moyen de lutte contre divers insectes ne peut reposer que sur des lâchers de souches sélectionnées, élevées et diffuser au bon endroit et au bon moment. L’élevage en masse des trichogrammes ne se pratique pas sur le ravageur cible (les œufs d’eudémis ou de cochylis en en vigne) mais sur des hôtes de substitution beaucoup plus faciles élever en toute saison. Des études importantes ont été réalisées par les équipes de l’INRA et des industriels pour connaître les conditions les plus propices à la multiplication de ces insectes « bienfaiteurs ». L’utilisation pratique des trichogrammes repose sur une chaîne de procédures indissociables, la production de l’hôte de substitution, la production des trichogrammes, leur conditionnement, la logistique pour le transfert et le stockage vers les lieux d’utilisation, la méthodologie d’épandage dans les parcelles et le contrôle de l’efficacité. L’utilisation de ces nouveaux produits phytos à partir d’une matière vivante nécessite le développement d’un process global d’application propre à chaque culture qui concilie les aspects d’efficacité et la rationalité des moyens d’épandage au champ. Dans la notion du coût global de ces nouveaux traitements, l’importance des charges directes liées à l’épandage dans les parcelles sera déterminante surtout s’il faut réaliser plusieurs lâchers dans la saison.

 

Biotop a sélectionné des espèces de trichogrammes efficaces contre l’eudémis et la cochylis

 

      La volonté de la société Biotop de développer des espèces et des souches spécifiques de Trichogrammes ayant une efficacité spécifique contre l’Eudémis et la Cochylis en vigne.   La plateforme d’essais de biocontrôle mise en place dans le vignoble de Cognac par les équipes de la chambre d’agriculture de la Charente et des Domaines Rémy-Martin a permis de tester au champs les sélections de trichogrammes sélectionnés . Une synergie d’intérêt et de compétences a permis de construire un projet de lutte biologique rationnel intégrant la gestion des applications au vignoble. La société Biotop a acquis un savoir-faire pour réaliser des sélections des trichogrammes indigènes les plus efficaces contre divers ravageurs des cultures. Julien Séguret, l’entomologiste chargé des recherches sur les trichogrammes au sein de la société Biotop a conduit des travaux importants depuis le début des années 2010 : « Notre souhait était de nous investir dans la recherche de solutions biologiques pour contrôler les vols d’eudémis et de cochylis en vigne en exploitant notre savoir faire au niveau de l’utilsiation des trichogrammes sur d’autres cultures. Nous avons lancé un programme de recherche en 2012 pour sélectionnes des espèces et des souches efficaces sur ces ravageurs. Des campagnes de captures de trichogrammes réalisées ont été réalisées entre 2012 et 2014 dans divers vignobles en France. Elles ont mis en évidence la présence de populations indigènes dont malheureusement l’importance s’avèrait insuffisante pour assurer le contrôle des vers de la grappe. Nous avons ensuite lancer des programmes de sélection d’efficacité sur les 43 individus que nous avions collectés. A l’issue de ce travail, nous avons isolés trois souches de trichogrammes très efficaces qui sont aujourd’hui travaillé sur la plateforme d’essais de Cognac ».

 

Un protocole de stratégies de lutte en phase avec les attentes environnementales

 

      Laurent Duchêne et ses collègues de la chambre d’agriculture ont mis en place sur la plateforme de Verrières (une parcelle de 9,5 ha), un essai intégrant en 2014 et 2015 des stratégies de lutte différentes et  en phase avec les attentes environnementales actuelles. La volonté des techniciens a été d’utiliser la confusion sexuelle comme référence dans cet essai et de proposer d’autres stratégies de lutte incluant des concepts innovants. La réduction de la réceptivité des grappes aux dégâts des larves de tordeuses a été testée par le biais d’un traitement précoce (à la mi-mai) avec des hormones de croissance (du Berelex)dans plusieurs modalités. Ensuite, la lutte insecticide classique a été gérée en utilisant deux types d’insecticides, un produit conventionnel ovividelarvicide ( la spécialité Affirm) et un second à base de BT (de Bacillus Thuringiensis). L’origine de cette matière active naturelle présente de nombreux intérête en terme d’éfficacité et sur le plan envvironnemental. Les BT possèdent une activité spécifique (chaque souche cible quelques espèces) sans occasionner de nuisances pour d’autres insectes et petits animaux du milieu. L’utilisation des trichogrammes a été abordée en association avec d’autres méthodes de lutte. La société Biotop a fourni plusieurs espèces de trichogrammes au cours des deux années d’essai afin d’optimiser l’efficacité. L’expérimentation bénéficie depuis le départ du soutien financier des services de FranceAgrimer.


Des vols d’eudémis très étalés en 2014

 

       Le site a fait l’objet d’une surveillance des vols de tordeuses rigoureuses durant chaque saison. Un protocole de piégeage des vols d’eudémis a été mis en place  avec deux pièges sexuels et deux pièges alimentaires. D’une manière générale, les pièges sexuels s’avèrent efficaces en début de saison pour quantifier les vols de première génération mais par la suite leur fiabilité devient plus aléatoire. En 2014, le premier vol a débuté timidement à la mi-avril, a atteint son maximum le 10 mai et s’est achevé le 24 juin. Un comptage réalisé le 26 juin avait révélé une moyenne de 83 glomérules par grappes. Le deuxième vol identifié de façon fiable par les pièges alimentaires s’est étalé du 5 juillet au 30 août avec des captures de fortes intensités. L’intensité des vols d’eudémis en 2014 a été importante durant pratiquement toute la saison.

 

Des vols d’eudémis de deuxième génération bien présent en 2015

Au cours du cycle végétatif 2015, le site de piégeage sexuel implanté dans la parcelle de confusion sexuelle a très peu capturé de papillons ce qui prouve l’efficacité des RAK. Néanmoins des pontes ont été quand même observées sur ce site ce qui laisse penser qu’en cas de fortes infestations de tordeuses, des arrivées de papillons femelles fécondées venant de parcelles voisines peuvent se produire. Le premier vol a démarré timidement début mai et s’est terminé le 26 juin. Le pic des captures est intervenu le 5 juin. Les comptages de glomérules ont révélé une moyenne de 23 glomérules pour 100 grappes. Les piégeages alimentaires ont permis d’établir que le vol de deuxième génération a débuté le 9 juillet et s’est terminé le 21 août. Les captures ont été en majorité concentrées sur la deuxième quinzaine de juillet et elles sont restées plus faibles mais régulières en août. Un vol de troisième génération de courte durée a été observé durant les 10 premiers jours de septembre.

L’objectif de 2014 et 2015 : Valider l’efficacité des trichogrammes aux champs

Les résultats des captures des différents vols ont permis de raisonner les calendriers de protection des diverses stratégies de lutte hormis celle reposant uniquement sur la confusion sexuelle. Les trichogrammes sont conditionnés dans des petits sachets en carton bio-dégradable rectangulaires rigides (de la taille d’une carte de crédit)et perforés de tout petits trous pour laisser échapper les insectes « bienfaiteurs ». L’objectif en 2014 et en 2015 a été de tester l’efficacité de différentes espèces de trichogrammes sans chercher à optimiser les performances du sachet de diffusion. Les diffuseurs utilisés en 2014 et en 2015 sont en quelque sorte des prototypes issus de l’expérience de l’utilisation des trichogrammes sur d’autres cultures. Il est probable que leur conception évoluera pour s’adapter aux besoins spécifiques de la lutte contre les tordeuses de la vigne. L’efficacité d’un dispositif de lutte avec des trichogrammes nécessite la pose d’une centaine de diffuseurs pour assurer la couverture d’un hectare de vigne. Les sachets contenants les espèces sélectionnées sont expédiés depuis l’usine dans des glacières isothermes. Ensuite, ils sont installés manuellement dans les rangs sur les fils du palissage grâce à un système de crochets intégré au conditionnement.

Des résultats 2 014 encourageants pour les stratégies de lutte de biocontrôle

Lors de la première d’année, l’expérimentation s’est déroulée dans un contexte de forte pression des vols d’eudémis ce qui conforte l’intérêt de l’essai. Les résultats de 2014 ont mis en évidence l’intérêt de plusieurs stratégies de biocontrôle et les premiers tests au champ de lâchers de trichogrammes se sont avérés prometteurs. Dans la modalité confusion sexuelle + Berelex + Tricho, l’effet de parasitisme des œufs d’eudémis par les trichogrammes a bien fonctionné. Le niveau d’efficacité a été équivalent aux stratégies de lutte avec des insecticides de type ovocide-larvicide ou les BT. A l’inverse, la modalité de confusion sexuelle donne les moins bons résultats. La forte intensité des vols est probablement à l’origine de ce niveau de performance moindre. L’arrivée de papillons femelles fécondées provenant de parcelles voisines a pu causer des perforations de baies dans la modalité confusion sexuelles. Par contre, le bonus d’efficacité des lâchers de trichogrammes dans ce contexte est avéré. La complémentarité d’efficacité entre les BT et les trichogrammes a constitué une piste intéressante puisque c’est dans  cette modalité que les meilleurs résultats ont été obtenus

L’effet de parasitisme des œufs d’eudémis confirmé en 2015

Au cours de l’année 2015, l’expérimentation a été reconduite avec un protocole de stratégies de lutte identique mais en délimitant au sein de chaque modalité plusieurs blocs pour apprécier les différences d’intensité des vols d’eudémis. Cette analyse fine de la pression des vols tordeuses au cours de la saison a débouché sur une analyse des performances de toutes les stratégies de lutte tenant compte de deux niveaux d’infestations, l’un fort et l’autre moyen. Cette approche de l’interprétation des résultats a permis d’apprécier les différences d’efficacité plus finement. Dans la situation de forte infestation, la stratégie confusion sexuelle + tricho atteint un niveau d’efficacité de 77 % alors que celle de la lutte insecticide ne dépasse pas 40 %. La confusion sexuelle seule ne donne pas satisfaction. Les meilleurs niveaux de performances (85 % d’efficacité) sont obtenus avec la stratégie la plus sécuritaire confusion sexuelle + tricho + 2 BT. Lorsque le niveau d’infestation des vols d’eudémis est moyen, la stratégie confusion sexuelle + tricho réduit les dégâts provoqués sur les grappes (efficacité de 42 %) mais reste inférieure aux autres modalités. Le meilleur niveau de performance (71 % d’efficacité) est atteint avec la stratégie de lutte confusion sexuelle + Tricho + 2 BT.

Une efficacité démontrée en 2015 à valoriser par un process d’applications rationnel

L Duchêne considère que les résultats de 2015 confirment ceux de 2014 et ils sont porteurs d’espoir pour le développement futur des trichogrammes : « L’efficacité des trichogrammes sur la plateforme d’essais des Domaines Rémy Martin a été démontrée deux années de suite. L’effet de parasitisme sur les œufs d’eudémis par les espèces de tricho fournies par la société Biotop est réel. Nous avons aussi observé que les meilleurs résultats d’utilisation ont été obtenus avec la stratégie de lutte multicible associant confusion sexuelle + tricho + 2 BT. Les lâchers de trichogrammes représentent donc un nouveau concept de lutte de biocontrôle contre les vers de la grappe que l’on peut qualifier de prometteur. Leur intérêt se situe particulièrement au niveau du contrôle des vols de deuxième génération. Il faut continuer de travailler leur positionnement pour les rendre complètement opérationnel et adaptés aux usages des viticulteurs de notre région. Le partenariat avec les équipes de la société Biotop et celle des Domaines Rémy Martin s’avèrent constructifs et permettent d’intégrer le réalisme du fonctionnement des propriétés viticoles. L’expérimentation va se poursuivre en 2016 sur ce site et probablement aussi dans un deuxième endroit soumis à des traitements obligatoire sur la flavescence dorée. La durée d’efficacité des diffuseurs actuels qui se limite actuellement à 7 à 10 jours ne nous paraît pas suffisante pour aborder la lutte de façon rationnelle sur le plan économique. Le développement de nouveaux conditionnements ayant une capacité de diffusion durant 15 jours et plus serait sûrement une évolution importante pour capter l’intérêt des viticulteurs ». 

Des diffuseurs de nouvelles générations en 2016 pour une commercialisation en 2017

À l’issue de ces deux années d’essais, la société Biotop a engagé le développement final et commercial des souches sélectionnées de trichogrammes pour lutter contre l’eudémis et la cochylis de la vigne. Un gros travail a été réalisé sur la conception et le contenu des diffuseurs afin d’améliorer la capacité de libération des souches dans le temps. De nouveaux sachets de cartons biodégradables ont été développés. Ils permettent d’y insérer des larves de trichogrammes à différents stades de développement et ainsi d’accroître leur émergence (leur durée de diffusion) à 15 jours. L’autre volet de réflexion initié actuellement par la société Biotop concerne la pose des diffuseurs sur le palissage. Aujourd’hui ce travail effectué manuellement nécessite du temps et une réflexion est en cours avec des partenaires pour imaginer une pose des diffuseurs sur le palissage avec des drones. Ce projet va prendre forme au cours de l’année qui vient. La société Biotop considère que l’année 2016 sera l’étape de prélancement commercial avec une mise à disposition des kits de lutte auprès des distributeurs pour élargir le spectre des essais. Les trichogrammes de lutte contre l’eudémis seront mis en essais en Charentes auprès de la coopérative Océalia et en Gironde auprès de la coopérative Maïs-Adour, du groupe Isidore et de Vitivista. La commercialisation des kits de trichogrammes Eudémis ne commencera réellement qu’à partir de l’hiver 2016. Le prix de vente de ce nouveau produit de biocontrôle 100 % conçu et produit en France n’est pas encore fixé. L’équipe de la société Biotop souhaite attendre les retours d’expériences des équipes des distributeurs pour finaliser les conditions de mise en marché. 

  • Bibliographie :

    – Laurent Duchêne, Chambre d’agriculture de la Charente

    – Julien Séguret de la société Biotop

     

     

     

          Les Trichogrammes, des petits insectes « bienfaiteurs » :

     

    – Les trichogrammes sont de petits insectes de la famille des micro-hyménoptères (des petites abeilles)

    – Un groupe d’insectes qui comptent 130 espèces et de nombreuses souches.

    – Les trichogrammes sont présents dans la nature quand les équilibres biologiques sont respectés.

    – Ce sont des parasites oophages dont les larves se développent à l’intérieur d’oeufs-hôtes

    – Les larves de trichogrammes se nourrissent des tissus des œufs des insectes hôtes

    – Ce mode de reproduction confère au trichogramme un intérêt en tant qu’agent de lutte biologique.

    – Chaque papillon femelle de trichogrammes fécondé a la capacité de parasiter 80 à 100 oeufs-hôtes

    – Le stade larvaire ou embryonnaire ne dure que 30 à 40 heures ce qui confère au Trichogrammes une capacité à éliminer rapidement, les œufs des ravageurs.

    – Une efficacité démontrée sur la pyrale du maïs depuis longtemps

    – Le travail de sélection de la société Biotop a débouché sur l’identification de 3 souches de trichogrammes efficaces contre l’eudémis et la cochylis.

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  • – Les points clés de l’essai de stratégies de lutte en biocontrôle contre l’eudémis :

     

    – Un essai piloté par la Chambre d’agriculture de la Charente en partenariat avec les Domaines Rémy Martin

    – Une parcelle d’expérimentation de 9 ha située à Verrières très sensibles aux vols d’eudémis

    – Un îlot totalement protégé en confusion sexuelle en 2013 qui s’est transformé en plateforme d’essais de plusieurs stratégies de biocontrôle en 2014 et en 2015.

    – Les diverses stratégies de lutte testées seules ou en association : la confusion sexuelle, les traitements insecticides à base de BT, l’utilisation des trichogrammes et des traitements conventionnels

    – Le premier site pilote en France ou a les souches de trichogrammes ayant une efficacité contre les tordeuses sont testées.

    – Un partenariat a été noué avec la société Biotop pour tester en grandes parcelles la méthode de lutte des lâchers de Trichogrammes.

    – Un suivi rigoureux des vols d’eudémis grâce à des piégeages sexuels et alimentaires.

  • – Après deux années d’essais, l’efficacité des trichogrammes semble prometteuse.

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    La confusion sexuelle, pour lutter contre les tordeuses « peine » toujours à s’imposer

        

          La méthode de confusion sexuelle pour contrôler les populations d’eudémis et de cochylis est aujourd’hui bien maîtrisée sur le plan technique. C’est une stratégie de lutte qui est en mesure de se substituer aux applications d’insecticides conventionnels. Son lancement au début des années 2000 n’a pas reçu à l’époque une « écoute » suffisante auprès des viticulteurs car son coût élevé venait « tempérer » fortement l’intérêt environnemental. Depuis quelques années, un intérêt grandissant autour de la confusion se développe.

     

    Une émission d’hormone de synthèse perturbe le processus d’accouplement

           Le principe de la confusion sexuelle est de perturber le système hormonal de reproduction des insectes en utilisant des phéromones de synthèse qui dégagent le parfum hormonal des papillons femelles. L’odeur caractéristique des phéromones femelles dégagées par les diffuseurs est utilisée pour perturber le comportement des papillons mâles de Cochylis et d’Eudémis. Cela interfère directement sur la reproduction des insectes et l’intensité des vols. Lorsque les papillons mâles détectent cette odeur dans l’atmosphère, ils se mettent à chercher les femelles pour s’accoupler. L’absence de papillons femelle réduit fortement les accouplements, les pontes d’œufs et les éclosions de larves au niveau des boutons floraux et des baies. L’effet de leurre lié à l’émission des phénomènes femelles constitue un moyen de lutte doux dont la mise en œuvre sur le terrain obéit à des règles précises influençant directement son efficacité finale.

    Photo 3 : les diffueur Rack implanté dans la parcelle d’essai de Verrière ( source Chambre d’agriculture de Charente)  ( voir en page 6 du doc de synthèse SAEP Eudémis 2015)

    Une lutte à envisager à l’échelle d’un territoire viticole large

           Le procédé de confusion sexuelle est une méthode de lutte qui doit être abordée de façon collective pour saturer l’atmosphère d’un territoire en phéromones. C’est une condition essentielle pour être en mesure de donner de bons résultats. Cette approche de lutte présente de nombreux avantages sur le plan environnemental, une absence de toxicité pour les utilisateurs, le respect des auxiliaires et un risque 0 de résidus au niveau des raisins. Les diffuseurs de phéromones (ayant la forme de petites capsules ou de petits tubes) s’accrochent au fils du palissage en début de saison. Chaque diffuseur couvre une surface de 15 à 20 m2 et la protection d’un hectare nécessite la pose de 500 à 600 capsules/ha. L’efficacité de la confusion sexuelle a été validée par de nombreux essais dans la mesure où les diffuseurs sont posés au sein de territoire homogène couvrant totalement des îlots de 30, 50, 80 ha, ….  . Vouloir implanter des capsules de confusion sexuelles sur seulement une parcelle isolée de quelques hectares ne permet pas d’obtenir des résultats intéressants.

     

    Des viticulteurs réceptifs aux principes mais pas totalement convaincus

          Les viticulteurs Charentais ont été séduits par le principe de la confusion sexuelle mais n’y ont pas adhéré en raison de son coût élevé par rapport aux insecticides classiques et surtout du fait de son inefficacité vis-à-vis de la cicadelle de la Flavescence Dorée. Deux sociétés, BASF et Terra Fructi commercialisent des diffuseurs dont le coût (sans la pose) se situent entre 150 et 175 €ha. Dans le vignoble de Cognac, les vignerons de l’île de Ré ont mis en place une stratégie de confusion sexuelle depuis plusieurs années sur l’ensemble des surfaces des adhérents. Les domaines Rémy Martin ont protégé un îlot de 9 ha sensible au vers de la grappe à Touzac en 2013 et à partir de 2014, ce site est devenu la plateforme d’essais de biocontrôle gérée par Laurent Duchêne de la Chambre d’agriculture de la Charente. En Gironde, la confusion sexuelle connait un développement plus important depuis quelques années dans les zones d’appellation prestigieuses. La cave des Vignerons de Tutiac dans le Blayais avait mis en place une stratégie de lutte en confusion sexuelle en 2012 et 2013 sur des surfaces importantes ( 150 ha) dans des zones à forts risque vers de la grappes. L’efficacité du dispositif de lutte a été globalement bonne. Des aides du conseil général de Gironde avaient permis d’en réduire le coût  de base  proche de 200 € ht/ha ( 150 € ht pour l’achat des diffuseurs et 50 € ht  de main d’oeuvre pour la pose) pendant ces deux années mais ensuite leur arrêt a remis en cause la pérennité de cette stratégie de lutte douce. Le coût de la confusion sexuelle encore élevé et l’extension du périmètre de lutte obligatoire contre la flavescence dorée représentent des contraintes majeures pour un développement large de cette méthode de lutte douce.

                                          

La synergie des pièges alimentaires et sexuels

La superposition du piégeage sexuel et alimentaire durant deux saisons s’est avérée très riche d’enseignements. La meilleure efficacité des piégeages alimentaire par rapport au piégeage sexuel pour les vols de deuxième et troisiéme générations est confirmée. Dans les pièges alimentaires, l’intensité et la fiabilité des captures sont meilleures. Les papillons femelles sont aussi attirées par la solution sucrée alors qu’avec les pièges sexuels, seuls les papillons mâles sont pris. Avec les pièges sexuels, l’es captures d’insectes  en août sont quasi-nulles alors que les vols papillons  sont effectifs. La complémentarité entre des deux principes de piégeages s’avère intéressante pour être en mesure de réaliser un suivi rigoureux des vols durant tout le cycle végétatif.

 

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