Des Géraniums De Plus En Plus Difficiles à Détruire

17 mars 2009

granium1_opt.jpegDepuis quelques années, les parcelles de vignes situées sur des sols plutôt calcaires superficiels ont tendance à être infestées par des flores de géraniums abondantes. Ces herbes apparaissent assez tôt en saison, dès l’automne précédent, et se développent ensuite fortement. Les applications d’herbicides foliaires dans le courant du mois de mars ne semblent plus donner un niveau d’efficacité suffisant et cette situation interpelle beaucoup de viticulteurs. Est-on confronté à un phénomène de résistance des géraniums au programme de désherbage associant des doses normales d’amitrole et de glyphosate ? Est-il possible d’adapter les programmes de traitements pour retrouver des niveaux d’efficacité suffisants sans augmenter les doses d’herbicides ? L’évolution climatique n’est-elle pas en train de modifier le développement de la flore d’adventices au printemps ? C’est pour essayer de répondre à toutes ces interrogations que la Chambre d’agriculture avait mis en place en 2007 un essai de désherbage à Rouillac pour contrôler des flores abondantes de géraniums.

Depuis maintenant quelques années, des phénomènes d’évolution de la flore mettent en évidence que dans des sols à prédominance calcaire, les infestations de géraniums sont de plus en plus fréquentes. Il semble que ces herbes s’installent parfois de façon presque « pérenne » dans les parcelles au point de devenir dominantes et de couvrir plus de 90 % du sol. Outre un aspect foliaire luxuriant, l’implantation racinaire de cette herbe devient puissante, ce qui rend sa destruction plus difficile. Le phénomène est en général plus courant dans les vignes ayant un passé de désherbage chimique (sous le rang ou en plein) avec des stratégies de traitements dites standards. En effet, la seule application efficace contre cette herbe intervient souvent courant mars ou avril en utilisant de l’amitrole à une dose de 8 à 10 l/ha et parfois plus.

Des géraniums plus difficiles à détruire avec des doses habituelles d’amitrole

« Les géraniums deviennent de plus en plus difficiles à détruire avec les pratiques de désherbages traditionnelles », c’est le constat que font de plus en plus de viticulteurs dans la région. Après des applications d’herbicides à base d’amitrole de la mi-mars à la mi-avril, les géraniums ont un aspect bien grillé, mais 5 à 6 semaines plus tard, ils repartent. Cette plante à priori annuelle développe un système racinaire plus important qui lui confère une grande capacité de résistance. C’est en écoutant ces réflexions que Yoann Lefèbvre, le technicien viticole de la Chambre d’agriculture de la Charente, a décidé de mettre en place un essai spécifique de lutte contre les géraniums. L’expérimentation a été implantée à Rouillac sur un sol de groie conduit en désherbage chimique en plein depuis des années et sur lequel la flore de géranium a pris une importance considérable. L’objectif de cet essai est de rechercher des programmes de lutte chimique qui concilie à la fois une efficacité suffisante, des coûts/ha raisonnables, une maîtrise des phénomènes de flore résistante et d’inversion de flore et une utilisation judicieuse d’herbicides vis-à-vis des aspects environnementaux.

Huit programmes de traitements à l’essai

tableau_1.jpgLe fort développement de la flore de géraniums dans la parcelle de Rouillac a permis de mettre en place deux types de stratégies de traitements : l’une précoce au 13 mars (correspond aux pratiques courantes des viticulteurs) et une seconde plus tardive au 20 avril tendant à positionner les herbicides à un stade de réceptivité maximum de l’adventice. D’une manière générale, les viticulteurs positionnent les applications d’herbicides au printemps assez tôt dans le courant du mois de mars pour essayer d’avoir des sols propres au moment du débourrement (pour minimiser l’impact du gel). Or, même dans le contexte d’années précoces, les géraniums ne sont pas encore dans une phase de développement actif à cette époque de l’année, ce qui peut limiter l’efficacité des applications d’herbicides. On peut aussi imaginer que les utilisations répétées de l’amitrole (anciennement l’aminotriazole) au fil des années créent chez cette adventice annuelle une forme de résistance qui se traduit par une diminution d’efficacité des herbicides de cette famille (employées à des doses habituelles). Les solutions pour contrôler des flores de géraniums de plus en plus dominantes ne reposent pas sur une augmentation des doses d’herbicides en application précoce. L’enjeu est au contraire de réfléchir à la mise en œuvre de stratégies de traitements plus raisonnées qui à la fois tiennent compte de l’état de développement du couvert végétal et reposent sur des programmes de luttes herbicides différents construits pour s’adapter à l’évolution de la flore. En implantant cet essai, Y. Lefèbvre avait deux objectifs principaux : rechercher le meilleur compromis efficacité/dose à des stades de développement différents des géraniums et tester l’utilisation associée de plusieurs matières actives à des doses raisonnables. Le tableau ci-dessous présente les différents programmes de traitements qui ont été mis en place.

Rechercher des effets associés pour minimiser les doses

Dans les deux premières modalités, le Weedazol est positionné (de l’amitrole) à des doses de 12 et 8 l en situation précoce afin d’évaluer l’intérêt d’augmenter la dose de matière active de 25 %. La troisième modalité avec le Freeland à 4 l/ha avait pour objectif d’apprécier l’efficacité du glyphosate seul sur une adventice sur laquelle il n’est à priori pas recommandé. Les autres applications ont été décalées en saison pour essayer de positionner les herbicides sur des géraniums à un stade proche de la floraison et en condition de pleine croissance.

Pour un certain nombre d’herbes, il est fréquent de constater que les stades de pré-floraison ou de floraison représentent des stades de réceptivité maximum aux traitements herbicides. C’est le cas pour les séneçons, liserons et peut-être aussi pour les géraniums. La modalité utilisant du Derby, une association d’amitrole et d’aclonifen à la dose de 10 l/ha, est intervenue le 20 avril juste au début de la floraison des géraniums. Ce produit associant deux matières actives permet de réduire l’apport d’amitrole. Dans deux autres modalités, des applications de Weemax à 15 l/ha et de K par K ont été effectuées dans l’objectif d’évaluer l’intérêt d’une association d’amitrole et de glyphosate sur une flore de géranium fortement développée. L’utilisation du Basta à 4,5 l/ha en application tardive a été aussi testée afin d’observer la rémanence d’un traitement dit de « défannage » sur des herbes fortement implantées. La dernière modalité concerne une utilisation tardive de Pledge à plus faible dose (0,6 kg/ha) associée à de l’Òhuile de colza estérifiée.

De nettes différences d’efficacité selon les programmes de traitements

tableau_2.jpgLa climatologie du printemps 2007 a été marquée par un mois de mars assez pluvieux et chaud qui a été propice à un développement précoce et abondant des géraniums sur la parcelle d’essai. Ensuite, le mois d’avril sec suivi de pluies régulières en mai ont permis de favoriser le développement régulier de la flore et le taux de couverture en géraniums des témoins avait presque atteint 100 % de la surface.

Y. Lefèbvre et ses collègues ont effectué les premières notations à la mi-mai et la présentation des résultats révèle des différences significatives.

Tout d’abord , il semble que les traitements positionnés autour du 20 avril aient une efficacité supérieure à ceux du 13 mars, ce qui atteste de la sensibilité accrue des géraniums au moment de la floraison. Donc, le fait de décaler les traitements est un moyen d’améliorer l’efficacité des applications d’herbicides sans augmenter les doses des apports. Parmi les différents programmes testés, des différences significatives ont été observées.

Tout d’abord, l’efficacité de l’amitrole est liée à la dose de matière active apportée et en dessous de 10 l/ha, ce type de produit décroche sur des flores bien implantées.

L’utilisation du glyphosate seul se montre d’une efficacité suffisante pour contrôler la flore de géranium, ce qui est conforme au spectre d’activité de cette matière active. Le fait d’associer de l’aclonifen à de l’amitrole (la modalité Derby) a permis d’observer dans cet essai un plus d’efficacité par rapport à toutes les autres stratégies de traitements.

Les associations amitrole + glyphosate ont eu une efficacité un peu insuffisante dont la cause est liée à la dose hectare plus faible d’amitrole.

Le Basta offre dans cet essai un très bon niveau d’efficacité qui est en partie à relier aux conditions climatiques du mois d’avril 2007. L’efficacité de ce produit est renforcée par des températures de 17 à 20 °C et une forte luminosité au moment de son application. L’utilisation du Pledge avec de l’Actirob en traitement tardif a apporté une action secondaire non négligeable sur le géranium mais pas suffisante pour contrôler des flores abondantes.

L’effet brûlant de la flumioxazine est sans doute bonifié par l’apport d’huile qui joue le rôle d’un « surfactant ». Pour obtenir une efficacité meilleure de ce programme racinaire, il aurait fallu l’associer à un herbicide foliaire au Pledge mais le classement T (toxique) de ce produit oblige à l’utiliser seul.

Bibliographie :

– Résultats de l’essai désherbage de Rouillac de la Chambre d’agriculture de la Charente.

– M. Yoann Lefèbvre, technicien viticole à la Chambre d’agriculture de la Charente.

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