Des févéroles propices à la vie du sol

24 mai 2017

Le semis de couverts végétaux en automne est devenu une pratique systématique chez Roland Vilneau à Verdille depuis trois ans. Ce viticulteur qui exploite un vignoble de 33 ha, cherche en permanence à développer des méthodes culturales les plus respectueuses possible de l’environnement. C’est l’observation du mauvais état des sols au moment de leur reprise au printemps qui a été l’éliment déclencheur cette action agronomique novatrice. La présence abondante d’une flore d’herbes naturelles colonisante, difficile à détruire a été remplacée par des féveroles « généreuses »

Le vignoble de cette propriété est implanté principalement sur des sols de groie superficiels ayant des réserves hydriques assez moyennes. Ce type de terroir peut-être assez sensible à des situations de stress hydrique en été. Le viticulteur a adapté les pratiques culturales au contexte de production en privilégiant l’entretien mécanique des sols. L’ensemble des vignes sont désherbées sous le rang et toutes les interlignes sont cultivées mécaniquement entre la mi-mars et le début du mois de septembre. Le reste de l’année, le développement d’un enherbement naturel dans toutes les allées permet de réaliser plus facilement les travaux manuels et mécaniques. La reprise des sols au printemps intervient dans les semaines précédent le débourrement pour minimiser les risques de gel.

 

Un sol colonisé au printemps par une flore d’adventices pas toujours désirée

 

       Au début de chaque printemps, le sol est colonisé par une flore d’herbes assez abondante avec une présence de plus en plus fréquente de ray-grass et de pissenlits. R Vilneau considère que la méthode d’entretien des sols qu’il a mis en place donne satisfaction durant la période estivale. Par contre, l’évolution de la flore naturelle d’herbes durant les hivers lui convenait de moins en moins. En effet, la diversité des espèces associant des graminées et des légumineuses a laissé au fil des années la place à des adventices envahissantes et de plus en plus difficiles à détruire au printemps. C’est en faisant part de cette réflexion à Lucie Viviers, une jeune étudiante en BTS Viticulture Oenologie de l’IREO de Richemont qui réalisait son cycle d’étude par alternance chez lui, que l’idée de mettre en place un essai d’implantation de couverts végétaux  durant l’hiver s’est formalisée.

 

 

Un essai de deux types de couvert implanté à l’automne 2013

 

      Un essai de semis de plusieurs natures de couverts végétaux a été mis en place à l’automne 2013 sur une parcelle de plusieurs hectares. L’objectif au départ était de remplacer la flore naturelle d’adventices peu intéressante par des espèces sélectionnées qui auraient un effet bénéfique sur la fertilité des sols. Aussitôt la fin des vendanges, un lit de semence a été réalisé une allée sur deux. La réalisation d’un passage d’un rotavator (sur une largeur de deux mètres) a permis de détruire la végétation en place et d’ameublir la couche de terre arable sur une profondeur de 4 à 5 cm. La première année, deux types de couverts ont été testés, de l’avoine Brésilienne et des pois. La première espèce présentait l’avantage de développer un système racinaire puissant fissurant bien la couche de terre arable. La seconde était bien adaptée à la nature des sols et présentait l’avantage de générer des restitutions d’azote intéressantes.


Des premiers résultats à la fois décevants et encourageants

 

     Le suivi du développement des deux couverts au printemps suivant a révélé des différences importantes. L’avoine a bien colonisé le sol et s’est très bien développée en faisant même preuve d’une grande générosité. Au début du mois de mars, le couvert avait atteint une hauteur de 1,50 m. La densité et l’abondance de la végétation l’ont d’une part rendu difficile détruire (temps de broyage important) et d’autre part généré un mulch de déchets dense à la surface du sol. Les pois ont colonisé le sol avec beaucoup plus de difficulté. Leur germination souvent irrégulière dans la plupart des allées a laissé passer une densité d’herbes naturelles (surtout des pissenlits et du ray-grass) qui au cours de l’hiver ont eu tendance à dominer le couvert semé. L’un des constats positifs des deux couverts a concerné la reprise des sols au printemps que derrière les deux espèces semées était plus facile. La structure des sols dans les allées des couverts végétaux s’avérait bien meilleure que dans les allées recouvertes de la flore naturelle d’herbes.

 

Un essai d’implantation de féveroles à l’automne 2014

 

      Ces premières conclusions n’ont pas découragé R Vilneau qui a décidé de poursuivre la démarche dès l’automne 2014. Sa principale interrogation concernait le choix d’espèces de couverts mieux adaptées à la nature des sols. Après s’être renseigné auprès de divers techniciens, il a décidé de privilégier de choisir un type de couvert réputé pour sa rusticité. Pourquoi ne pas essayer la féverole que certains de ses voisins céréaliers cultivaient facilement dans des terres comparables. Après les vendanges 2014, le semis est intervenu sur l’ensemble du vignoble une interligne sur deux. R Vilneau a réalisé un ameublissement des 5 premiers centimètres de surface pour créer un « guéret » propice à la germination. Un vieux semoir céréalier à disques Nodet a permis d’effectuer le semis sur une largeur de 1,50 m. Une densité de graines assez forte (70 grains/m2) a été implantée afin de limiter les phénomènes de concurrence de levée de la flore naturelle. Dans une ou deux parcelles, des semis de pois ont été intercalés entre les allées de féveroles. Le travail de préparation du sol et de semis sur l’ensemble des 33 ha (une allée sur deux) a duré deux jours en mobilisant, deux tracteurs (un pour la préparation et l’autre pour le semis), un véhicule utilitaire pour les approvisionnements de semences (en big-bag de 500 kg) et trois personnes. Les féveroles ont été achetées auprès de la CAVAC toute proche qui a mis à disposition des semences de fermes issues de la collecte céréalière. Le coût des semences de féveroles se situe autour de 30 € HT/ha.


Le couvert de féveroles s’est très bien développé deux années de suite

 

       À la mi-novembre, les féveroles étaient bien nées et leur développement s’est ensuite poursuivi normalement. Les plantes ont atteint une hauteur de 40 à 50 cm à partir de la mi-février et leur floraison a commencé début mars. R Vilneau avoue qu’il a été surpris par la réussite de ce couvert végétal : « J’avoue que la levée, la croissance et la rusticité du couvert de féveroles en 2014 et en 2015 me satisfont. Cette plante me paraît très bien adaptée à la nature des sols de la propriété. Les féveroles ont une capacité à bien coloniser le milieu et un effet bénéfique sur l’état du sol. C’est très perceptible dès que l’on rentre dans les parcelles. La terre semble bien vivre. Nous ne réalisons pas de travaux manuels et mécaniques (broyage des sarments et entretien du palissage) dans les interlignes semées pour protéger au maximum la végétation. L’enracinement de cette espèce plonge bien dans le sol et fissure bien la couche de terre arable. Les sols se décompactent naturellement et dès que l’arrache un pied de féverole, on trouve facilement des vers de terre. La destruction du couvert doit être réalisée assez tôt par rapport au risque de gelée. Cette année, nous avons broyé une végétation d’environ 60 cm de hauteur dans les premiers jours d’avril. Depuis deux ans, j’observe que la reprise des sols au mois de mai dans les interlignes des couverts est beaucoup plus facile. La terre s’ameublit très facilement au moment du passage du cultivateur et la différence est nette par rapport aux interlignes recouverts de la flore d’herbes naturelle. Je pense que les pivots des racines de féveroles fragmentent bien le sol et restituent aussi des éléments fertilisants et en particulier de l’azote ».

 

Des sols qui retrouvé de la vie et un meilleur équilibre

 

      La destruction des féveroles est effectuée avec le broyeur à sarment/herbes classique Desvoys à une vitesse normale. Deux heures de travail/ha sont nécessaires pour miser finement le volume de biomasse conséquent. Au moment de la reprise des sols, une présence de vers de terre plus abondante atteste de l’intérêt agronomique de la culture « intermédiaire » de féveroles. La présence des couverts végétaux généreux et en pleine fleur pendant tout le mois de mars confère aux parcelles un caractère esthétique qui est apprécié par le personnel travaillant dans les vignes et les personnes vivant à proximité. R Vilneau considère que l’implantation des couverts végétaux sur sa propriété est une véritable réussite qui constitue une démarche intelligente de valorisation des pratiques de viticulture durable. : « Grâce au couvert de féveroles, les sols semblent avoir retrouvé au printemps de la vie et un meilleur équilibre qui est propice au développement de la vigne dans les semaines suivant le débourrement ».

 

                       

 

  

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