Le vignoble de Cognac a été confronté à un épisode de gel de printemps caractéristique à partir de la mi-avril et dont l’intensité a été la plus forte durant la semaine du 25 avril au 1er mai. Plusieurs matinées de suite le thermomètre est descendu entre – 1 à – 3 °C dans de nombreux secteurs du vignoble et seule, la zone proche du littoral a été épargnée. Les secteurs bas et réputés sensibles ont été bien sûr les plus touchés mais des situations moins basses sont également affectées. Les dégâts sont très dispersés dans diverses zones de la région et leur intensité est très variable. L’évolution dans les semaines à venir de beaucoup des parcelles partiellement gelées constitue un sujet de préoccupation majeur pour beaucoup de viticulteurs.
Le gel de ce printemps 2016 a été occasionné par des niveaux de températures limites qui ont été amplifiés par une hygrométrie ambiante forte certains jours. C’est un véritable phénomène de gel de printemps et pas un scénario de gelée noire. La séquence de gel a reposé sur des chutes de températures limites qui ont occasionné des dégâts souvent localisés et d’une intensité tes variables.
Des effets de congélations des tissus végétaux amplifiés par l’hygrométrie
En théorie, les organes végétaux résistent à des températures de – 2 à – 3 °C. Les tissus végétaux des jeunes bourgeons justes éclatés et des rameaux jusqu’au stade 3 à 4 feuilles étalées sont très riches en eau et les effets du gel sont la conséquence de phénomènes de congélation intracellulaires et extra-cellulaires. Sous l’influence de températures négatives, le contenu des cellules se transforme en glaçons et cela engendre une destruction des tissus irréversible et brutale. Les effets de congélation extra-cellulaire sont amplifiés par l’hygrométrie ambiante au moment du gel. La sensibilité des organes de la vigne au froid varie. Les bourgeons dans le coton gèlent à partir de – 3,5 °C en conditions sèches. Par contre, lorsqu’ils sont mouillés, leur sensibilité au gel est accrue et des températures de – 1 °C peuvent les détruire. Les organes verts de la vigne, les jeunes bourgeons bien éclatés, les pousses au stade 3 à 4 feuilles et les inflorescences justes apparentes peuvent subir des dégâts à partir de -1 à – 2 °C.
La nette incidence des effets site, microclimat, dates de taille et des pratiques d’entretien des sols
Le sinistre de ce printemps est marqué par de fortes variations de l’intensité des dégâts à quelques centaines de mètre prêt. Certaines parcelles sont parfois totalement grillées » et d’autres semblent moins affectées. Une série d’actions passives et préventives ont parfois amplifié ou tempéré les choses. L’époque de taille a indéniablement des conséquences sur la précocité du débourrement et la sensibilité au gel des parcelles sensibles. L’écart de développement entre des parcelles taillées décembre janvier et en mars était important cette année à la fin avril. Ensuite, les variations de topographie de seulement à 1 à 2 mètres, la hauteur d’implantation des souches, l’entretien du vignoble et le microclimat de chaque îlot ont souvent eu des incidences sur la chute du thermomètre. Tous ces éléments sont en mesure de limiter la chute du « petit degré » si important qui préserve de l’effet dévastateur d’une belle gelée de printemps. L’expérience empirique des viticulteurs en matière d’historique de sensibilité au gel de leur parcellaire représente un capital de connaissances qui a encore souvent fait la différence.
La hauteur des bois de taille et l’état de propreté des sols
Dans les zones les plus basses, une bonne ventilation des sites (absence de haies), le maintien de sols propres et l’élévation du niveau des souches tendent à réduire la sensibilité au gel. L’augmentation de la hauteur des bois de taille à 1,20 au lieu 0,40 m a souvent permis de préserver une partie des bourgeons. Il est fréquent de voir dans les secteurs gelés fortement des parcelles en guyot double palissées détruites à plus de 80 % et des arcures hautes portant encore 40 à 50 % de rameaux bien verts. Ensuite, l’état de propreté des sols au niveau du cavaillon et des interlignes a interféré sur le microclimat ambiant. Le fait d’avoir des sols propres, ou tenus avec une végétation bien rase et de ne pas réaliser d’interventions (broyage d’herbe ou de travail du sol) en période de risque limite les élévations d’hygrométrie.
Plusieurs matinées de gel successif amplifiées localement par de fortes hygrométries
Le vignoble a été confronté à un cycle de gelées blanches successives qui est monté en puissance surtout durant toute la dernière semaine d’avril. À la mi-avril, deux matinées avaient déjà fait des dégâts surtout sur les cépages précoces (chardonnay, merlot et sauvignon) mais à cette époque, les ugni blanc n’étaient pas débourrés. Ensuite, lors des premières matinées de gel du 25 au 28 avril, l’atmosphère plutôt sèche a limité la chute du thermomètre et l’effet de gel sur les organes végétaux. Par contre, l’hygrométrie a ensuite un peu remonté le 29 avril et surtout à la fin de la journée du 30 avril. Un épisode pluvieux de faible intensité a traversé l’ensemble du vignoble dans l’après-midi du 30 avril. Les précipitations ont été très variables, de 1 à 5 mm dans certains endroits et de 10 à 15 mm à d’autres. Les pluies plus importantes ont engendré localement une augmentation de l’hygrométrie ambiante qui a créé un contexte plus propice au gel. Les niveaux de températures au moment du lever du jour le 1er mai n’étaient pas plus bas que les jours précédents mais l’humidité ambiante plus forte a amplifié les dégâts sur les tissus végétaux. Dans un contexte sec, des températures au niveau du sol de – 2 °C occasionnent peu de dégâts alors qu’en présence de plus de 80 % d’hygrométrie, les conséquences peuvent devenir spectaculaires.
Beaucoup de zones sensibles touchées dans l’ensemble de la région
Le gel du printemps 2016 semble avoir touché des secteurs très dispersés dans l’ensemble de la région délimitée avec une intensité des dégâts accrus dans les secteurs bas, les îlots mal ventilés et les zones ayant été confrontées à des pluies le 30 avril en fin de journée. D’une manière générale, les secteurs naturellement sensibles au gel dans le Pays Bas (Bréville, Macqueville, Sainte Sévère, Vignolle, Houlette, Réparsac, Aujac, Aumagne, Le Seure, Migrons, Coucerac, Thors, Mons, Matha, Sonnac, Nercillac, Luchac..), les zones basses de Grandes Champagne (Segonzac, Gensac La Pallue, Mainxe, Gondeville, St Même Les Carrières,..), les zones au su de Cognac (Gimeux, coulonges), le pays Jarnacais (Bassac, Triac-Lautrait, Echallat, Les Métairies, Chassors, …) , le Rouillacais (Sigogne, Plaizac, Rouillac, ….), La vallée du Né (La Chaise, Criteuil La Madeleine, St Palais sur le Né, St Martial sur le Né, Ambleville,…), le secteur de Barbezieux est et sud (St Bonnet de Barbezieux, Blanzac, Barret,… ), les zones basses autour d’Archiac, des secteurs vulnérables autour de Saintes et Pons concentrent les surfaces les plus importantes. Cette présentation des communes ayant subi des gels n’est pas exhaustive compte tenu de la diversité des secteurs touchés. Beaucoup de zones a priori moins vulnérables ont été aussi affectées en raison d’un effet site ou d’un contexte climatique local (des pluies). Cela représente néanmoins des surfaces moindres au niveau de chaque commune et des propriétés concernées. Néanmoins, un certain nombre de propriétés situées dans des secteurs à risques ont perdu une partie significative de leur potentiel de production.
10 à 12 % des surfaces concernées par le gel
L’évaluation précise des surfaces touchées par le gel a été difficile à quantifier dans les jours qui ont suivi le sinistre. Les remontées d’informations des techniciens des Chambres d’agriculture et de la distribution à partir du 10 mai ont tout de même permis d’avoir une idée plus juste de l’état des lieux de la situation. Les recoupements de toutes ces sources d’information laissent penser que les surfaces concernées par le gel représentent finalement 10 à 12 % du potentiel de production de la région de Cognac soit 8 000 à 10 000 ha. Ce constat quantitatif doit être complété par une analyse de l’intensité des dégâts qui s’avère beaucoup plus complexe.
4 à 5 % des surfaces touchées par des pertes de récolte importantes
En effet, le gradient d’intensité des dégâts fluctue énormément dans tous les secteurs sinistrés. Si plusieurs milliers d’hectares dans les zones sensibles sont sûrement détruits à 80 %, des surfaces significatives sont aussi gelées à moins de 50 %. Le contexte du gel de 2016 est très différent de celui de 1991. Cette année-là, le sinistre puissant avec des températures inférieures à – 4 °C était intervenu sur une végétation au stade 4 à 5 feuilles étalées et beaucoup de contre-bourgeons étaient sortis. Au moment du gel 2016, l’état de développement de la végétation était nettement moins avancé ce qui devrait permettre un meilleur redémarrage de la vigne. Les techniciens dans l’état actuel des connaissances estiment que les surfaces touchées par des pertes de récolte importantes représentent autour de 4 à 5 % du potentiel de production régional (3 000 à 4 000 ha).
La sortie des contre-bourgeons très attendue dans les parcelles gelées à plus de 80 %
Les parcelles les plus touchées ont subi des dégâts de gel plusieurs jours de suite ce qui a occasionné une destruction de la végétation à plus de 80 %. Le potentiel de production des bourgeons principaux a donc été fortement touché. Désormais, le développement végétatif 2 016 va reposer sur la sortie des contre-bourgeons et des bourgeons sourds présents sur les bras et les troncs de ceps. Le potentiel de contre-bourgeons qui n’étaient pas encore tous sortis est fortement lié à l’état d’avancement de la végétation au moment du gel. Les dates de taille tardives ( de mars) ont retardé le débourrement. Ce sont dans ces parcelles que la proportion d’avoir des rameaux plus fructifères sera plus importante. Les conditions climatiques chaudes entre le 02 et 8 mai ont été propices à une stimulation de la pousse mais le retour d’une certaine fraîcheur jusqu’au 15 mai a par la suite ralenti le processus de redémarrage du cycle. La sortie d’une nouvelle génération de bourgeons semble se dérouler de manière très variable. Les parcelles taillées tardivement et en « bonne forme » sur le plan agronomique redémarrent mieux.
Des interrogations sur le devenir de la végétation épargnée dans les parcelles partiellement gelées
Beaucoup de parcelles ont été affectées par un gel de moindre intensité qui a détruit 30 à 50 % des bourgeons est épargné le reste de la végétation. Dans ces vignes, la présence sur les bois de taille de pousses de 3 à 5 cm de long encore vertes et a priori indemnes permet de penser qu’une partie du potentiel de production est préservé. Ces rameaux ont eu la capacité à résister au froid même si la périphérie des jeunes feuilles et de l’extrémité de certains apex présentent des petites grillûres. Le développement de cette végétation que l’on qualifie « d’enrhumée » suscite beaucoup d’interrogations. Les jeunes pousses vont-elles avoir une croissance normale ? Les inflorescences qu’elles portent vont-elles tenir au moment de la différenciation des bourgeons floraux ? L’appel de sève créé par le développement des rameaux épargnés ne va-t-il pas gêner la sortie des contre-bourgeons ? Les conditions climatiques durant le mois de mai vont jouer un rôle important sur le devenir de cette végétation épargnée. Les potentialités agronomiques des différentes parcelles joueront sûrement un rôle important sur la croissance végétative des souches malmenées par le froid.
Être attentif au redémarrage des plantations et à la protection en fin de saison
Dans les parcelles gelées, les viticulteurs s’interrogent sur la conduite à tenir. L’élimination des pousses grillées peut-elle faciliter la sortie des contre-bourgeons ? En 1991, divers essais avaient mis en évidence que ces interventions n’avaient eu aucune incidence positive sur le potentiel de végétation et de production des parcelles. La principale inquiétude se situe au niveau des jeunes plantations en deuxième et troisième feuilles. La gelée a détruit les pousses qui allaient permettre de construire, les futurs troncs et bras de ceps. Les jeunes plants vont inévitablement émettre de nouveau rameaux qu’il faudra surveiller attentivement compte tenu de leur vigueur et de leur fragilité accrue. Un ébourgeonnage soigné sera sans doute nécessaire pour sélectionner et conserver les pousses les mieux placées. Au niveau de la protection du vignoble, les parcelles gelées vont avoir un cycle décalé de 3 à 4 semaines dont il faudra tenir compte surtout en fin de saison vis-à-vis des risques oïdium et mildiou. Il est probable qu’il faudra prolonger les programmes de lutte un peu plus tard en saison.
Des dégâts de gel dans les vignobles Audois, le Bordelais, la Touraine et la Bourgogne.
Les dégâts de gel du printemps 2016 durant le mois d’avril ont concerné de nombreuses régions viticoles Françaises. Le vignoble Audois et l’ouest de l’Hérault ont été touché les 18 et 19 avril. Le grand secteur du Narbonnais, le Val de Dagne, les Corbières et l’ouest du département de l’Aude semble très affecté. L’état des lieux réalisé par la chambre d’agriculture de l’Aude estime que 20 00 ha seraient fortement touchés sur 76 000 ha en production.
Dans le Bordelais, le gel durant la dernière semaine d’avril a concerné toutes les zones sensibles du Blayais, des Côtes de Bourg, des Graves, du Libournais, le nord du Médoc et de l’Entre-Deux Mers. Les dégâts ont été assez spectaculaires localement sur les merlots et les sauvignons mais ils représentent des surfaces faibles à l’échelle de l’ensemble du vignoble. Cependant localement, certaines propriétés situées dans des communes à risques élevés (Branne Rauzan, Coutras, Donnezac, Campugnan, Cartelègue, Saint Christoly de Blaye, Reignac,….) sont très touchées
Le vignobles de Touraine et de Saumur ont été aussi fortement touchés par deux jours successifs de fort gel ( le 18 avril etle 27 avril) durant la dernière semaine d’avril. Cette région a été confronté à un phénomène de gelée noire. Les températures très basses entre – 4 °et – 6 °C ont occasionné des dégâts très importants car la végétation de la plupart des cépages ( gamay, chenin, cabernet franc, melon ) était bien avancée. Les appellations de Montlouis, Bourgueil, Saint Nicolas-de-Bourgueil, Chinon et Menetou Salon sont touchées entre 50 et 70 %. Plus à l’ouest, les vignobles d’Anjou et du Muscadet sont aussi gelés mais avec une intensité moindre au global et surtout très fluctuante localement. Les conditions froides de la première décade de mai ne favorisent pas le redémarrage des bourgeons Les conséquences économiques de ce sinistre sont donc préoccupantes pour un certain nombre de propriété.
Le vignoble Bourguignon a été également très touché par les gelées du 26 et 27 avril et toutes les appellations dans l’Yonne et la Côte d’Or ont subi des dégâts importants. Les zones du Chablisien, des Côtes-de-Nuits, des Cotes-de-Beaune et de la Côte Châlonnaise sont particulièrement affectées. Le millésime 2 016 sera rare dans les terroirs prisées de Pommard, Volnay, Meursault, Monthélie, Auxey-Duresses, Rully et de Bouzeron. Les premières estimations établies par la confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne ont conclu que 8 000 à 9 000 ha seraient très gelés sur les 28 000 de ce vignoble.
Le vignoble Champenois a été touché par des gelées successives qui se sont étalées du 18 avril au 03 mai. Le CIVC a établi un bilan qui indique que 8 000 ha auraient été touchés sur les 34 000 que compte la région. Les techniciens estime que l’impact du gel 2016 correspond à la destruction à 100 % de 4 600 ha. La région la plus affectée serait la Côte de Bars dans l’Aube ou 4000 ha sont bien affectés. L’impact du gel sera donc significatif sur les niveaux de productions 2016.