Debriefing Vendanges : « Paroles de viticulteurs »

26 novembre 2010

Ils sont quatre viticulteurs, dans des crus et des situations diverses. « Post-vendanges », ils racontent leurs vendanges 2010, leurs projets, leurs motifs de satisfaction et d’insatisfaction.

 

 

Viticulteur en Bons Bois, 15 ha de vignes – « J’ai fait un bon rendement, je ne me plains pas. J’ai pu alimenter sans difficultés 5 ha en “autres débouchés”, à 250 hl vol./ha. Ayant seulement 10 ha sous contrat Cognac, je n’ai pas voulu prendre le risque d’engager toutes mes surfaces au Cognac, surtout que je ne connais pas le prix auquel je vendrai mes vins Cognac. Entre une affectation Cognac et une affectation “autres débouchés”, je vais certainement perdre un peu d’argent mais ça ne se jouera pas à grand-chose. Quand on ne vend pas tout au Cognac, les choix ne sont pas évidents. A 20 € le °hl, l’affectation était jouable. Bien sûr à 22 €, ça aurait été mieux. Je ne vois pas mes contrats vraiment évoluer en Bons Bois. La réserve climatique ? Pour l’instant, je n’en fais pas. Le courtier ne me le conseille pas. Par contre je vais faire de la réserve de gestion. Tant que le rendement autorisé pour les « autres débouchés » restera à 250 hl vol./ha, je pense que j’affecterai des surfaces à cette destination. Mais combien de temps cela va-t-il durer ? »

Viticulteur en Fins Bois Charente, 30 ha de vignes – « Les vendanges se sont très bien passées tant en volume qu’en qualité. J’ai dû faire 140 hl de moyenne à 10,5. Par contre, c’était un peu juste au niveau maturité. Le vin faisait 7,5 d’acidité totale. A de tels indices, on mesure l’impact du changement climatique sur les cultures. Physiologiquement, la récolte ne se fait pas à pleine maturité même si l’on ne peut pas attendre, à cause des degrés. J’ai tout affecté au Cognac. Je fais de la réserve de gestion. Par contre, je ne fais pas de réserve climatique. Je suis très bien couvert par une assurance qui ne me coûte pas cher. J’ai calculé avec mon bouilleur de profession. Je ne vois aucun intérêt à faire de la réserve climatique. En ce qui concerne l’affectation aux autres débouchés, tant que les jus de raisins ne feront pas plus de 5 000 € de produit l’ha, il n’y aura pas photo ! Ils ne concurrenceront pas le Cognac. J’ai quand même jeté 3 ha. Cela fait mal au cœur. Pour les moûts de vinif., honnêtement, je m’y suis mal pris. J’ai reçu l’information trop tard. L’an prochain, je me renseignerais plus tôt. Personnellement, sur tous mes débouchés, je recherche une rentabilité comparable à celle du Cognac. Le quota d’exploitation ! Pourquoi pas mais je crains que cela serve à entériner un mauvais partage du marché. Si, sous prétexte de quota d’exploitation, le rendement passe à 10 de pur et que des gens comme moi, qui affectent déjà tout au Cognac, continuent de le faire, évidemment, des collègues n’auront plus de débouchés Cognac. Cela pose question. Ce que je souhaiterais ? Avoir plus de lisibilité sur le futur. Je suis jeune mais j’ai pourtant vu les quantités Cognac varier du simple au double. J’aimerais bien que mes contrats deviennent pluriannuels, que je connaisse par avance les volumes et les prix. Cela permettrait de gérer de façon un peu plus linéaire. Aujourd’hui mes contrats sont annuels et moraux. Je dois faire confiance à l’acheteur. Une crise boursière et plus rien.

Ce qui m’énerve en ce moment, c’est le discours sur le développement durable. Qu’on m’explique pourquoi il est plus “écolo” de passer sept fois dans les vignes pour nettoyer le dessous de rang que de faire un passage au glyphosate ? La logique m’échappe. »

Viticulteur en Borderies/Fins Bois Charente-Maritime, 50 ha de vignes – « Depuis le temps que l’on réclamait un stock “assurance” pour pallier de gros pépins ! Voilà qui est fait avec la réserve de gestion et la réserve climatique. Tout ceci va dans le bon sens. Si nous avions disposé de tels outils en 2008, nous aurions certainement mieux géré la très petite année. Nous aurions pu vendre normalement. Ne pas investir, c’est régresser. Même en cas de faibles récoltes, il faut pouvoir continuer à investir. Ce sont les récoltes futures qui épongent. L’an dernier, nous n’avons pas distillé toute la réserve climatique. Nous allons poursuivre cette année. L’avenir ? Dès l’instant où une marge de manœuvre existe, que ce soit réserve de gestion ou réserve climatique, on peut envisager l’avenir de manière plus sereine. En cas de catastrophe naturelle ou autre, il est toujours possible de compter sur un stock tampon. Ce stock tampon pèsera-t-il sur les cours ? De toute façon, réserve ou pas, si les prix doivent diminuer, ils le feront. On peut toujours tenir ce genre de raisonnement mais il faut savoir ce que l’on veut. Ce qui m’interpelle plus, c’est la mortalité des ceps. Cette année, c’est encore 10 à 20 % des pieds qui sont touchés dans certains secteurs. Sur les jeunes vignes, on entreplante et, dans les vignes trop atteintes, on arrache. Mais les coûts sur l’exploitation s’en ressentent. »

Viticulteur en Grande Champagne, 40 ha de vignes – « La récolte s’est plutôt bien passée, avec des volumes, des degrés, peut-être même un peu élevés en ce qui concerne les degrés. Tout ceci devrait se concrétiser au niveau de la distillation. Personnellement, j’ai affecté 100 % au Cognac. Traditionnellement, j’ai toujours vendu au Cognac et les marchés “autres” n’ont pas été clairement définis. J’ai vendu des excédents quand il était possible d’en vendre. Je vais couvrir les 9,5 de pur avec, en prime, une petite réserve de sécurité, au cas où une cuve “louperait”. La réserve climatique ? L’an dernier, j’en ai fait un peu. Cette année, je compléterai peut-être en fonction des disponibilités. Je ne sais pas si je monterai à 5 de pur/ha. Certes, cela permet de sécuriser des récoltes déficitaires mais c’est toujours pareil, ça génère un coût. Quant à la réserve de gestion, je trouve son fonctionnement aberrant. Pour que la réserve soit intéressante, il aurait fallu qu’elle reste révisable, c’est-à-dire qu’elle ne s’assimile pas à une QNV constatée d’avance. Pour moi, une réserve de gestion digne de ce nom eut été une réserve débloquée à la demande de l’interrprofession. Là, on nous dit que la réserve sera déblocable dans 4 ans. Mais quand on sait que le Cognac n’est pas vendable avant 3 ans, c’est une ineptie. A mon sens, la bonne formule aurait été de dire : “commerciale au plus tard en compte 10, avec possibilité de déblocage avant”. A cette condition, la réserve aurait vraiment joué son rôle d’amortisseur. Là, ce n’est pas une réserve mais un rendement.

Le climat commercial ? Tout le monde est un peu attentiste. Comme d’habitude les négociants s’observent. Personne ne sort ses prix. Les acheteurs ne sont pas sur la place publique, à nous réclamer nos eaux-de-vie. Par contre on se sent, disons, “écoutés”. Aujourd’hui le marché semble équilibré. »

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