Le Haut De La Pyramide

10 mars 2009

A Bordeaux, moins de deux cents crus ou propriétés ont droit aux dénominations convoitées de « Cru Classé », « Grand Cru Classé », « Premiers Grands Crus »… Une distinction « gravée dans le marbre » ou qui se rejoue à épisode régulier. Dans tous les cas, des enjeux financiers forts et des questions d’ego sont à la clé.

propriete_medoc.jpgUn cru classé, c’est une exploitation viticole inscrite dans un classement officiel. Voilà pour la définition administrative. Et puis il y a tout l’aura qui entoure le cru classé. Pour « Le » classement qui fait référence sur la rive gauche de la Garonne, celui de 1855, on parle rien moins que d’un « monument historique ». A l’occasion de l’Exposition universelle de Paris, Napoléon III demande à chaque région viticole d’établir un classement des vins présentés. La chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux confie le dossier au Syndicat des courtiers. A l’époque, le classement ne concernera en fait que les régions Médoc, Graves et Sauternes-Barsac. Sont retenus au total 87 châteaux, 61 en Médoc et 26 pour les vins blancs liquoreux. Rien n’a changé depuis lors, à une nuance près. Le classement de 1855 a vocation à rester immuable. En plus de sélectionner les propriétés, il établit une hiérarchie : Premiers Crus, Seconds Crus, Troisième Crus… Composent par exemple les Premiers Crus du Médoc les châteaux Haut-Brion, Lafite-Rothschild, Latour, Margaux, Mouton-Rothschild. Appartiennent aux Seconds Crus du Médoc les châteaux Brane-Catenac, Cos d’Estournel, Ducru-Beaucaillou… toutes dénominations qui résonnent à l’oreille de l’amateur de grands vins. « Le classement de 1855 recouvre les vins les plus qualitatifs des appellations concernées et donc les plus chers, comme il y a 150 ans » confirme-t-on au Conseil des vins du Médoc. A titre d’exemple, certaines bouteilles de Premiers Grands Crus du Médoc, millésime 2005, peuvent atteindre jusqu’à 900 € le flacon, assurant à ses heureux propriétaires un taux de profitabilité exceptionnel, digne de « l’ultra luxe ». D’autant que dans les Premiers Crus du Médoc, les châteaux jouissent de surfaces importantes, toutes supérieures à 60-70 ha.

différents classements

A côté du classement de 1855, d’autres classements existent à Bordeaux. On en recense trois : le classement de Saint-Emilion, le classement des Graves (Pessac-Leognan) et celui des Crus Bourgeois, un cran au-dessous. Depuis sa création, le classement de Saint-Emilion relève de la responsabilité de l’INAO (il s’agit d’ailleurs d’un particularisme girondin, qu’on ne retrouve pas dans les autres régions viticoles). En 1954, à la demande du Syndicat de défense des vins de Saint-Emilion, l’INAO effectue le premier classement des Crus de l’appellation Saint-Emilion, en distinguant trois niveaux : Premiers Grands Crus Classés A, Premiers Grands Crus Classés B et Grands Crus Classés. Le décret précise que l’INAO devra procéder tous les dix ans à la révision de ce classement. Promesse tenue. La dernière révision en date remonte à 2006 (publication au JO du 5 janvier 2007), précédée des révisions de 1969, 1979, 1984 et 1996. A ce jour, le classement de Saint-Emilion retient 61 châteaux, un nombre appelé à varier au fil du temps. Ainsi, à l’occasion du dernier « brassage de cartes », onze propriétés ont été exclues et six intégrées. Pour fonder son jugement, le jury examine « l’assiette foncière » – le terroir – ainsi que la dégustation des dix derniers millésimes (pour le classement 2006, les millésimes de 1993 à 2002). Comme toute sélection, le classement charrie des enjeux financiers, des enjeux de reconnaissance et d’ego des producteurs. « Une exploitation exclue se pose nécessairement des questions sur la qualité de son travail. »

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Evolution par groupe d’AOC Après que l’augmentation des plantations jusqu’en 2000 ait produit son effet, la superficie viticole girondine s’est stabilisée depuis deux ans. Evolution des surfaces en production par groupe (indice base 100 en 1981).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A cet égard, on peut noter le caractère courageux de la démarche de Saint-Emilion. Le Classement des Graves, lui aussi effectué par l’INAO en 1953 et 1959, ne donne pas lieu à remise en cause. Il porte exclusivement sur l’appellation Pessac-Léognan.

crus bourgeois

La légende – ou l’histoire ? – raccroche la terminologie des « Crus Bourgeois » à ces bourgeois bordelais détenteurs de charges qui, au Moyen Age, auraient acquis les meilleures terres du Médoc. Pourtant, pendant longtemps, aucun classement officiel ne vient accréditer la qualité de ces propriétés. Une première liste voit le jour en 1932, établie sous l’impulsion des courtiers, de la chambre d’agriculture et de la chambre de commerce de Bordeaux. Mais cette liste de 444 noms ne sera jamais homologuée par le ministère de l’Agriculture. En 1962, après les crises viticoles successives, ne reste plus de la liste originelle qu’une petite centaine de Crus Bourgeois. La création, à même date, du Syndicat des Crus Bourgeois du Médoc relance l’intérêt autour de cette mention traditionnelle, mention reconnue par l’Europe en 1979. La Communauté européenne y met cependant une condition : que l’Etat français puisse se porter garant de cette mention. Un arrêté ministériel du 30 novembre 2000 établit le cahier des charges du classement. Outre la qualité « du jus », seront examinées la qualité des propriétés, la manière globale de travailler… Sous l’autorité de la chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux, de la chambre d’agriculture de la Gironde et de la Fédération des grands vins de Bordeaux, une commission, composée d’un jury d’experts de 18 membres, va travailler pendant un an et demi. S’en suit le classement officiel, en juin 2003, de 240 propriétés sur 500 candidats. Trois catégories sont créées – Crus Bourgeois, Crus Bourgeois Supérieurs, Crus Bourgeois Exceptionnels – avec l’engagement de rendre le classement révisable tous les douze ans. Une nouvelle structure, l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc, sera chargée de resserrer les liens entre les propriétés et veiller à ce que chacune « soit à la hauteur de son classement ». Pourtant, des contestations se font jour parmi les recalés du classement. Des propriétaires obtiennent de repasser de façon individuelle l’examen. Début 2007, la profession est en attente de publication des résultats quand tombe la nouvelle : le commissaire du gouvernement auprès du tribunal administratif, chargé de formuler des recommandations au juge, a proposé une annulation intégrale du classement 2003. Raison invoquée : des viticulteurs candidats participaient au jury. Les Crus Bourgeois sont en attente du jugement.

Bordeaux : la vie en groupes

Bordeaux et Bordeaux supérieur – Médoc et Graves – Saint-Emilion/Pomerol/Fronsac – Côtes rouges – Blancs secs – Blancs doux composent les six groupes dans lesquels se distribuent les 57 AOC bordelaises.

Si le groupe des Bordeaux – Bordeaux supérieur ne se déclinent, en rouge, qu’en Bordeaux rouge, Bordeaux supérieur et en blanc qu’en Bordeaux blanc, tous les autres groupes ne prétendent pas au même dépouillement. La plupart comptent de nombreuses appellations, appellations sous-régionales, voire appellations communales. Le Médoc (dans le groupe Médoc-Graves) possède par exemple deux AOC sous-régionales (Médoc et Haut-Médoc) et six AOC communales (Margaux, Saint-Estèphe, Pauillac, Saint-Julien, Listrac-Médoc, Moulis). Quant aux Graves rouges, elles se partagent entre Graves rouges et l’appellation communale Pessac-Léognan (rouges). Au sein du groupe Saint-Emilion/Pomerol/Fronsac, les appellations sont nombreuses. On les recense par secteur – Secteur de Saint-Emilion : AOC Saint-Emilion Grand Cru, Saint-Emilion, Montagne-Saint-Emilion, Lussac-Saint-Emilion, Puisseguin-Saint-Emilion, Saint-Georges-Saint-Emilion – Secteur de Pomerol : Pomerol, Lalande de Pomerol – Secteur du Fronsadais : Fronsac, Canon-Fronsac. Les Côtes rouges sont au nombre de six : Premières Côtes-de-Blaye, Côtes-de-Bourg, Premières Côtes-de-Bordeaux, Côtes-de-Castillon, Graves-de-Vayres, Côtes-de-Francs. Le groupe des Blancs secs embrasse, lui, huit appellations : Bordeaux blanc, Entre-Deux-Mers, Graves, Crémant de Bordeaux, Pessac-Léognan, Premières Côtes-de-Blaye, Blaye, Graves-de-Vayres, Côtes-de-Bourg, Côtes-de-Blaye, Côtes-de-Francs. Enfin le groupe des Moelleux et Liquoreux abrite plusieurs AOC vins blancs moelleux (Graves supérieures, Premières Côtes-de-Bordeaux, Bordeaux supérieur, Côtes-de-Bordeaux-Saint Macaire, Sainte-Foy-Bordeaux) et plusieurs AOC vins blancs liquoreux (Sauternes, Sainte-Croix-du-Mont, Loupiac, Barsac, Cadillac, Cérons).

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