CCA : de sociétaires à actionnaires

9 mars 2009

francois_mace.jpgPar l’émission de titres d’un genre nouveau – les certificats coopératifs d’associés (CCA) – la caisse régionale Charente-Périgord ouvre son capital aux sociétaires de ses 74 caisses locales. Elle invite les sociétaires à devenir actionnaires. Une façon de rénover le mutualisme, de récompenser les sociétaires et de favoriser le développement de la caisse et du groupe. Dans le groupe Crédit Agricole, Charente-Périgord est en pointe sur le dossier.

 François Macé, nouveau directeur du CA Charente-Périgord

Originaire du Morbihan, 49 ans, marié, 3 enfants, ingénieur agricole de Purpan et titulaire d’un DEA de sciences économiques, F. Macé débute sa carrière comme conseiller juridique et fiscal en Ille-et-Vilaine. Il entre au Crédit agricole en 1983 et ne quittera plus la banque verte où il exerce plusieurs métiers qui le conduiront, en 2001, au poste de directeur général adjoint de la caisse régionale Val de France puis, trois ans plus tard, à celui de directeur de Charente-Périgord. En 1999, à la caisse du Midi, il participe personnellement à la gestion des inondations dans les Corbières et dans l’Aude. Alors que Bernard Merlet entamait sa cinquième année à la tête de Charente-Périgord, il a choisi de rejoindre sa région d’origine, pour prendre en charge la caisse Atlantique-Vendée dont la direction se libérait. Avec Nantes et Saint- Nazaire comme pools économiques, la caisse Atlantique-Vendée fait partie des poids lourds du groupe CA. En terme de population, elle représente à peu près le double de Charente-Périgord (1,8 million d’habitants contre 730 000).

CA Charente-Périgord

Les modalités pratiques de l’émission de CCA

Le montant de l’émission s’élève à 40 millions d’euros. Pourquoi ce montant ? Parce qu’il correspond à une « cote mal taillée » entre un trop faible montant de souscription, qui ne permettrait pas une mobilité suffisante des titres et un montant trop large, qui risquerait de ne pas être entièrement souscrit dans le temps imparti. Car la période de souscription est strictement encadrée : du 7 juin au 16 juillet 2004. Les commerciaux disposent donc de six semaines top chrono pour vendre l’idée de la souscription à leurs clients sociétaires. Si, au bout de ce délai, la souscription n’atteignait pas les 40 millions d’€ (butant par exemple à 39,9 millions d’€), l’opération serait purement et simplement annulée. C’est pourquoi, dans ce genre d’exercice, il est d’usage de viser une sur-souscription d’environ le double du montant à souscrire.

Dans ces conditions, comment s’opère le tri entre souscripteurs. Est-ce que le premier arrivé est le premier servi ? Non, dans ce type d’opération la notion d’eurodatage ne joue pas. Celui qui souscrit le dernier jour a autant de chance de voir sa demande honorée que celui qui souscrit le premier jour. Simplement, pour permettre une certaine équité et le maximum de répartition entre les sociétaires, quelques règles prévalent.

Première règle : un ordre par sociétaire, sauf si le sociétaire à titre personnel l’est aussi au titre de son entreprise. Dans ce cas-là il peut souscrire deux ordres (ordre 1, ordre 2), ce qui ne contredit pas la notion d’un ordre par sociétaire. Une deuxième règle établit des priorités entre les différents ordres (ordre 1, ordre 2) ainsi que des quotas de souscription, c’est-à-dire un nombre minima et maxima de CCA (ex : pour un sociétaire, actionnaire de l’ordre 1, le minima s’élève à 75 titres et le maxima à 750). Quand l’ordre 1 est servi, on commence à servir l’ordre 2. En fonction de ces règles, l’allocation des titres ne se fait qu’après consolidation et, si besoin est, de réduction à la proportionnelle. C’est d’ailleurs la pratique qui prévaut pour toute émission de capital, dans la mesure où ces normes sont édictées par le marché financier.

Pour les futurs détenteurs de CCA, la date de jouissance des titres prend effet le 1er juillet 2004 mais plus concrètement début 2005, après l’assemblée générale ordinaire de la caisse régionale fixant le dividende (détachement du coupon). Les CCA sont mobiles, c’est-à-dire que l’on peut en acheter et en vendre. L’échange de CCA repose sur trois mécanismes : le mécanisme du rapprochement organisé par la caisse régionale une fois par mois entre acheteurs et vendeurs – la vente de gré à gré entre deux sociétaires qui se mettent d’accord sur un nombre de CCA à échanger mais également sur un prix, prix qui peut être inférieur au prix de marché et qui donc, dans l’absolu, pourrait présenter un intérêt pour la transmission du patrimoine sauf que le fisc aurait tôt fait d’effectuer le rattrapage – le mécanisme de liquidation au cas où la société émettrice serait défaillante. Dans ce cas-là, il est prévu un mécanisme de cautionnement de la valeur avec une décote de 10 %, un pare-feu présenté comme un cas d’école.

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L’idée émerge pour la première fois à Rouillac en juin 2001, à l’occasion des Printaniales, le rendez-vous annuel de la caisse de Charente. On y parle rénovation du mutualisme, de rajeunissement du sociétariat, d’élargissement de sa base… et de CCA, déjà. L’idée doit être dans l’air du temps puisqu’une autre caisse du groupe Crédit Agricole, la caisse Val de France, regroupant l’Eure et le Loire et Loir-et-Cher, va faire office de défricheur en ouvrant son capital à ses actionnaires. La presse économique spécialisée se fait l’écho de cette initiative, présentée comme pratiquement une première en Europe au sein d’une société coopérative. A l’époque, le directeur général adjoint de la caisse Val de France, en charge du projet, s’appelle François Macé, celui-là même qui a remplacé, le 1er avril dernier, Bernard Merlet à la tête de Charente-Périgord. De là à penser que cette expérience a pu peser dans le recrutement du nouveau directeur ! Quoi qu’il en soit, Charente-Périgord fait partie des toutes premières caisses du groupe Crédit Agricole SA – avec celles de Pyrénées-Gascogne, Anjou-Maine, Franche-Comté, Nord-Est – à se lancer dans une opération d’émission de Certificats coopératifs d’associés.

En ce qui concerne la caisse de Soyaux, la période de souscription s’est ouverte le 7 juin et se clôturera le 16 juillet prochain (voir encadré sur les modalités pratiques). Que recouvre l’émission de CCA ? Les sociétaires des caisses locales se voient proposer par les commerciaux du Crédit Agricole de souscrire un produit financier qui présentent toutes les caractéristiques d’une action, à deux différences près cependant : les CCA sont réservés aux seuls sociétaires des caisses locales (ou à ceux qui le deviendraient au moment de l’opération de souscription) et le titre ne subit pas « les affres du marché ». En d’autres termes, le CCA n’est pas coté en bourse. Fondées uniquement sur les performances de la caisse régionale, constatés deux fois par an, en juin et en décembre, les dividendes du CCA s’exonèrent donc de toute spéculation. « Ici, on ne joue pas au Casino » résume François Jaubert, président du Crédit Agricole Charente-Périgord. La valeur du titre est directement liée aux actifs et aux résultats de l’entreprise. C’est pourquoi certains ont pu parler à l’égard des CCA « d’un engagement mutualiste des sociétaires qui croient dans leur entreprise » et, à l’inverse, « d’un retour financier et d’un partage des fruits de l’expansion de la caisse régionale vis-à-vis de ses sociétaires ». Les édiles de la coopération y voient en tout cas « un maillon important de la rénovation du mutualisme » et sont même tentés d’en faire « une opération historique ». « On ouvre son capital qu’une fois ! » Il faut dire que l’opération n’allait pas de soi. Traditionnellement on ne connaissait au Crédit Agricole que les parts sociales de caisses locales et, depuis novembre 2001, les actions du groupe Crédit Agricole SA qui, elles, sont cotées en bourse. Entre ces deux échelons – caisses locales et groupe – manquait un étage, celui des caisses régionales. Jusque-là, le capital des caisses régionales étaient verrouillé car dévolu aux seules caisses locales et à un actionnaire complémentaire, le groupe Crédit Agricole SA (pour un montant fixe de 25 %). Demain, le capital des caisses régionales va s’ouvrir à des dizaines de milliers d’actionnaires particuliers. En Charente-Périgord, on table par exemple sur 15 à 20 000 nouveaux actionnaires personnes physiques. Pour toute entreprise, le fait d’ouvrir son capital à un large public n’est pas une opération neutre. Elle représente une sorte de défi, correspond à une phase de maturation et d’émancipation et s’accompagne d’obligations. Le Crédit agricole de Soyaux n’y échappe pas, qui a déjà subi une analyse drastique de ses comptes par les instances boursières et n’en a pas fini avec ces mêmes autorités. Car si la société n’est pas cotée en bourse, l’opération d’émission s’assimile bien à un appel public à l’épargne. De ce fait, elle doit répondre à toutes les règles édictées par les marchés financiers. Dorénavant, Crédit Agricole Charente-Périgord va devoir régulièrement publier ses comptes dans la presse et communiquer spécifiquement auprès des sociétaires-actionnaires. Pour les dirigeants de la caisse, cette opération vérité peut aussi servir de vitrine à l’entreprise, être l’occasion de « montrer ce que l’on fait ». Le président de la caisse régionale le reconnaît volontiers. Cette opération d’appel public à l’épargne n’aurait pas pu avoir lieu il y a cinq ans. Les résultats de la caisse n’étaient pas assez bons. A ce titre, François Macé a salué le travail accompli par Bernard Merlet et son équipe pour restaurer « les fondamentaux et remettre en ordre de marche la caisse régionale ». Le coefficient d’exploitation – le coût de revient de la caisse conditionnant sa compétitivité – a gagné 28 % en 10 ans (aujourd’hui de 66 %, il devrait passer à 60 % à l’horizon 2005), le résultat net a été multiplié par trois au cours des trois dernières années, le tout accompagné d’un indéniable dynamisme commercial. Le PNB (produit net bancaire) de Charente-Périgord rejoint désormais celui des autres caisses régionales. C’est ce « dividende mutualiste » qui va servir à rémunérer les titres.

Mais, pour lancer une émission de CCA, les performances financières ne suffisent pas. Faut-il encore posséder un sociétariat vivant. Car une règle émise par les autorités financières précise que les certificats coopératifs d’associés ne doivent pas représenter plus de 49 % du capital social, capital détenu par les caisses locales au sein de la caisse régionale. Ce qui fait dire au nouveau directeur de Charente-Périgord que le CCA n’est qu’un « périphérique » du sociétariat. « Sans capital social, il ne pourrait pas y avoir de caisse régionale Charente-Périgord. En la matière c’est le capital social qui est structurant. » Depuis plusieurs années déjà, les caisses locales ont mené une politique de renouvellement de leur sociétariat. Près de 7 000 nouveaux sociétaires les ont rejoints, portant ainsi le nombre de sociétaires à plus de 142 000 sur 300 000 clients, soit un sociétaire pour deux clients. Cette performance figure parmi les objectifs nationaux du Crédit agricole à échéance 2010. Charente-Périgord l’a réalisé en 2004. Ceci dit, la banque n’a jamais eu l’image d’une entreprise philanthropique, pas plus la banque verte que les autres. L’ouverture du capital de la caisse régionale draine bien entendu un enjeu financier. Il s’agit d’améliorer les fonds propres pour financer le développement régional de la caisse et, le cas échéant, « participer aux opérations de croissance externes du Groupe CA SA », opérations qui ouvrent droit à dividendes pour les caisses régionales au prorata du capital qu’elles détiennent dans la tête de pont du Crédit Agricole. Dans ces conditions, on comprendra que Charente-Périgord trouve un intérêt patent à l’émission de titres coopératifs. Mais que peut en attendre un sociétaire ? C’est très clairement la question de la rentabilité du titre. Cette rentabilité se compose de deux éléments : les dividendes et la plus-value latente du titre. Prudent, François Macé situe les futurs dividendes du CCA entre 7 et 11 %, même s’ils devraient être plus proches de la partie haute de la fourchette. En gros, ils représenteraient deux fois la rentabilité d’un livret. Un score pas négligeable. Tous les ans, c’est à la fin du premier trimestre, au moment de l’assemblée générale ordinaire de la caisse régionale, que sera fixé le montant des dividendes, en fonction des performances de l’entreprise constatées fin janvier et fin décembre de l’année précédente.

Le 6 avril dernier, lors des Printaniales, René Carron, président de Crédit Agricole SA, a relié cette émission de CCA aux valeurs du mutualisme. « Ce n’est pas pour rien que le Crédit Agricole a été créé il y a un peu plus de 110 ans par une poignée d’agriculteurs désireux de s’affranchir des usuriers. Le mutualisme, c’est un concept d’adaptation au monde tel qu’il est. Le Crédit Agricole est le deuxième groupe financier au monde. En même temps, le mutualisme véhicule des valeurs d’humanisme, de respect, de démocratie. Face à la globalisation ambiante, il peut jouer comme un vrai contrepoids. Le mutualisme, c’est un anachronisme résistant ! »

 

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