A l’occasion de son point annuel sur l’agriculture, la caisse régionale CMDS a fait part de sa vision stratégique du risque viticole. Si la doctrine, forgée après la crise des années 1990 n’a pas varié, elle n’est pas non plus imperméable aux évolutions récentes.
Traditionnellement animée par le président de la caisse régionale, Michel Roullin et par son directeur général Jean-Yves Hocher, cette conférence de presse dépasse largement le périmètre viticole. Tous les ans, courant octobre, elle a pour but de balayer l’ensemble des productions agricoles des deux départements, dans ses interactions avec le Crédit. Cette année cependant, et à Saintes en tout cas (conférence de presse similaire à Niort le matin même) l’aspect viticole a peut-être pris le pas sur le reste, dans la mesure où des évolutions se dessinent dans l’économie du Cognac : restauration des grands équilibres, besoin de marchandises affiché par le négoce…
Dans ce contexte, il y a un double intérêt à savoir comment le principal financier de l’agriculture perçoit la situation et comment il entend répondre à d’éventuels nouveaux besoins. Sur l’appréciation générale du risque, M. Roullin s’est livré à une analyse à la fois très consensuelle et très mesurée. « La progression régulière des ventes, d’environ 5 %, a entraîné une diminution des stocks. En résulte un taux de rotation d’environ 6 années, de nature à susciter quelques espoirs. Nous nous approchons de la rotation idéale au plan économique. Il faut espérer que la maîtrise de la production et la distillation de la récolte 2004 fassent nous maintenir à l’équilibre car il existe tout de même une adéquation pas très satisfaisante entre les vieilles qualités en stocks et les besoins d’eaux-de-vie jeunes. » La caisse régionale Charente-Maritime Deux-Sèvres se dit « ni attentiste ni pessimiste » et se déclare prête à intégrer la nouvelle donne. Elle réfute le qualificatif de « frilosité ». « Nous entretenons des relations régulières avec les grands acheteurs, ce qui semble normal », relève J.-Y. Hocher. Ce dernier précise tout de même le cadre dans lequel s’exerce son activité de crédit à la viticulture. « Depuis les années 1990 et la crise, notre politique consiste à financer les exploitations qui possèdent une garantie de sortie pour les eaux-de-vie (contrats de bonne fin) ou qui ont une structure financière qui leur permette de supporter des emprunts. »
Le directeur général avoue volontiers que depuis les années 90 toute exploitation viticole dont la structure financière paraît fragile fait l’objet d’une surveillance rapprochée. « L’économie viticole a une capacité à s’emballer mais aussi à “déballer” assez forte. » J.-Y. Hocher indique que l’an dernier à pareille époque, 19 % des encours de crédits à la viticulture présentaient une structure financière réclamant une vigilance. « Avec le temps et l’assainissement de la situation du Cognac, ce chiffre s’améliore mais reste élevé, compte tenu de son importance de départ. »
Au Crédit agricole on dit pourtant « faire confiance à l’homme » et ne s’en être pas si mal porté. « Face aux difficultés engendrées par les crises sectorielles, le Crédit agricole ne s’est jamais montré impatient et, en général, s’en est très bien sorti. En viticulture notamment, il faut avoir la patience d’attendre. Plus qu’une politique de résultats, nous privilégions une politique orientée vers la gestion. Les agriculteurs sont d’excellents gestionnaires et viennent presque toujours à bout des crises. » En ce qui concerne le portage des stocks de Cognac, d’actualité plus immédiate, le directeur général de la caisse régionale considère qu’il relève davantage de l’autofinancement que du crédit. « A mon avis, il faut avoir des fonds propres pour stocker. D’ailleurs, au Crédit agricole, nous ne constatons pas d’augmentation significative des demandes de financement de stocks. Le niveau d’intervention de la banque reste modeste sur ce domaine d’activité. Je crois que nous finançons quelque chose comme 8 ou 9 % du stock total d’alcool, pas plus de 10 % en tout cas. »
Une forte progression des crédits moyen terme
Toutes productions confondues, la banque verte régionale constate une forte progression des crédits moyen terme à l’agriculture (+ 30 % sur le 1er semestre 2004 en CMDS), un peu surprenante dans la mesure « où ce n’est tout de même pas l’euphorie ». Mais deux raisons principales expliquent ce phénomène : la réalisation, en 2004, des prêts sécheresse 2003 et une augmentation bien réelle des investissements en machinisme agricole (prêts Agilor). A titre d’exemple, la Charente-Maritime a vu son chiffre d’immatriculations de tracteurs neufs – un bon indicateur, que la banque regarde toujours de très près – passer de 163 à 208 sur la période de janvier à mai 2004 (comparé à la même période en 2003). Michel Roullin a tendance à y voir l’effet d’une logique d’agrandissement, qui conduit les exploitants à changer d’équipement à chaque fois qu’ils s’agrandissent. Par ailleurs, les taux d’intérêt relativement bas favorisent sans doute l’accès au crédit tandis que la réforme de la PAC a érodé les grands cycles d’investissement sur 6 ans et plus. Les crédits J.A. augmentent un peu – + 28 % de hausse – mais sur des chiffres qui ne sont pas « énormes, énormes » (3,2 millions d’€ au cours du 1er semestre 2004). Parlant installation, l’an dernier, la caisse de Charente-Maritime a le sentiment d’avoir réalisé une bonne performance en participant à l’installation de 58 jeunes, soit 24 % de plus qu’en 2002. Si le pourcentage n’est pas très significatif, compte tenu des faibles chiffres de départ, il reflète néanmoins une hausse. Et 2004 s’annonce conforme à 2003. « dans la mesure où la caisse régionale réalise 80 à 90 % des prêts d’installation, nos chiffres reflètent très probablement la tendance en Charente-Maritime », relève le directeur général de la caisse. Reste que le nombre de producteurs diminue sous l’assaut de la concentration des exploitations. Par contre l’appareil de production se maintient. Un département comme la Charente-Maritime ne constate pas de déprise agricole. D’où la réflexion de Jean-Yves Hocher : « Sans nier les véritables problèmes, nous n’avons pas une vision tout à fait noire de l’agriculture. »
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