Crise De Rendement

19 mars 2009

En Charentes, en cette période de fin de vendange, la notion de crise renvoie davantage à celle des rendements qu’à la crise financière internationale. Encore que… Capricieuse, aléatoire, baissière, sujette à des sautes d’humeur assez indéchiffrables, la récolte 2008 reflète une irrationalité bien en phase avec celle des marchés boursiers. A n’y rien comprendre ! Des gens qui s’attendaient à une récolte convenable sont déçus. La vigne n’a pas « pissé ». Un orage de 40 mm ici, des terres fortes là ont valu par contre quelques belles concrétisations. D’une parcelle à l’autre, d’une région à l’autre, une grande hétérogénéité marque les rendements 2008. Ils s’étalent de 40 à 130 hl vol./ha, sans que le savoir-faire du viticulteur soit vraiment au cœur du sujet. De l’avis général, les vignerons ont su dompter le mildiou – en anticipant les traitements, en augmentant les cadences – même si certains évoquent de sournoises attaques précoces de mildiou, passées inaperçues ou que les viticulteurs ont préféré taire. Elles expliqueraient en partie les déceptions du jour. Cependant, le juge de paix le plus discriminant semble encore être l’effet terroir. En règle générale, les terres légères – terres de champagnes, terres de groies – connaissent des rendements faibles, de 70 à 110 hl vol./ha. Le degré suit les rendements. Quand il y a du volume, il n’y a pas de degré et inversement. Concrètement, à 100 hl vol., le degré sera plutôt de 9 et à 70 plutôt de 10. « Si on arrive à 8,5 hl-9 hl AP par ha, ce sera pas mal » relèvent les viticulteurs des crus concernés. Les terres froides du nord de l’appellation – nord de Cognac, varennes, Pays bas de Matha – ne sont pas gâtées non plus. L’arrêt des pluies et le refroidissement de fin septembre ont bien stoppé le botrytis mais la gelée de sol du samedi 4 octobre s’est révélée particulièrement meurtrière. Sur un vignoble accusant toujours une bonne semaine de retard de végétation, cette gelée a bloqué les degrés à 8,5 % vol. Face à un feuillage rapidement dégradé, ne restait plus qu’une solution : vendanger. Le même phénomène de blocage des degrés a d’ailleurs joué un peu partout, dans les vallées de bord de rivière. Le secteur de Jonzac paraît avoir un peu mieux tiré son épingle du jeu. Grosso modo, est annoncé un rendement moyen de 100 hl vol. à 10 % vol., dans une fourchette de 90 à 110, voire même 120. Un viticulteur de cette région pointe du doigt l’effet densité de plantation : « globalement, les 2 m s’en sortent mieux que les 3 m. » Selon lui, même la gelée d’avril aurait causé moins de dégâts sur les vignes de 2 m, généralement plus âgées. Même relative satisfaction du côté de Mirambeau et plus globalement du secteur côtier. Un viticulteur de la région de Cozes s’avoue assez content : « Avec 11 de pur/ha, nous sommes dans le quota. » Une tonalité positive qui paraît presque incongrue en ces temps de morosité ambiante. Dans les rangs viticoles, l’heure serait plutôt aux doutes et à l’inquiétude. « En terme de volume, cela ne passera pas et je ne suis pas sûr que le négoce accepte de monter les prix pour compenser la perte de rendement. Je ne veux pas jouer les Cassandre mais j’ai un peu peur pour notre peau » avoue un professionnel engagé dans la sphère contractuelle. Un syndicaliste viticole ne se livre pas tout à fait à la même analyse : « Pénalisante au plan individuelle, la petite récolte va peut-être nous sauver collectivement en maintenant les prix. » Les deux hommes expriment par contre les mêmes craintes sur la situation économique générale. « La consommation aux Etats-Unis va décrocher et comment se comportera la Chine ? Ses usines tournent aussi pour les Américains. »

Car la crise des subprimes – l’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis – s’est invitée sans coup férir à la table du Cognac, comme avant elle la bulle spéculative au Japon, dans les années 90. En quelques semaines, la foi dans le « mieux disant » du marché global a connu de sérieux revers. La mondialisation, incroyable accélérateur d’échanges sur la planète entière – et donc à cet égard providentielle pour le Cognac – produit aussi son exact contraire. Elle dispatche les titres « pourris » à la vitesse de l’éclair. Tout le monde « en mange » et tout le monde en souffre. Doit-on redouter une contamination en chaîne durable de toutes les économies, économies matures comme économies émergentes ? A entendre les commentaires massivement diffusés, la réponse est oui. Quelques voix divergentes s’élèvent cependant pour temporiser les effets de la crise. Tel Valéry Giscard d’Estaing, ancien président de la République. Son idée générale est de dire « retrouvons notre calme. Tout le monde n’est pas exposé de la même façon au risque. La France par exemple n’a que peu de chose à craindre de la crise immobilière américaine. Par ailleurs, la croissance des pays émergents va se poursuivre, à un niveau inférieur certes mais elle se poursuivra. » La croissance à deux chiffres de certains pays est certainement révolue, au soulagement de leurs gouvernements d’ailleurs. Mais une étude du FMI table encore sur une croissance de ces pays de 7 %. Et de citer un point positif, assez souvent passé sous silence : la spectaculaire baisse du prix du pétrole.

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