Courvoisier Ne « Bouscule » Pas Les Principes De Vieillissement

1 mars 2009

Le vieillissement des eaux-de-vie obéit à des principes que l’on ne peut pas bousculer et sa conduite nécessite un investissement personnel pour « mûrir » les qualités dans les meilleures conditions. La société Courvoisier souhaite que les bouilleurs de cru avec lesquels elle travaille abordent le vieillissement en respectant des principes fondamentaux, l’utilisation de fûts en grains fins avec des chauffes moyennes et ensuite un travail des eaux-de-vie durant tout leur vieillissement. La vie d’une eau-de-vie repose sur deux étapes incontournables, une phase d’extraction pouvant durer 2 à 3 ans et une phase d’oxydation lente permettant aux arômes et aux saveurs de « s’affiner ».

« Le stockage des eaux-de-vie, c’est une vraie dynamique. Il doit y avoir un plan d’action parfaitement organisé dès la fin de la distillation pour maîtriser l’évolution qualitative dans le temps. L’élaboration d’une eau-de-vie nouvelle ne représente que le début du travail qualitatif nécessaire au produit final qu’est le Cognac. Tout le soin apporté pour élaborer de bons vins et bien distiller ne doit pas être gâché par la suite par de mauvaises conditions de vieillissement. La première phase du vieillissement commence par un stockage en fûts neufs qui permet d’extraire une structure aromatique et tannique propice à la révélation ultérieure des saveurs spécifiques du Cognac. Ce n’est qu’ensuite que la phase de vieillissement proprement dite peut commencer. Elle se décompose en deux temps, une seconde étape d’extraction plus lente et progressive dans des fûts de 3e ou 4e rotations et un processus d’oxydation des eaux-de-vie qui contribue à les enrichir en superbes arômes au bout de quelques années. Dans la vie d’une eau-de-vie il y a un temps pour l’extraction qui peut durer de 2 à 3 ans et un temps pour l’oxydation. La mauvaise maîtrise de l’une de ces deux phases entraîne un bouleversement de la logique naturelle de vieillissement qu’aucun artifice ne pourra ultérieurement corriger. » Ces propos de M. Pierre Szersnovicz et de M. Joël Lavergne, les responsables de production de la société Courvoisier, attestent de l’investissement technique qui a été réalisé dans l’entreprise pour optimiser les conditions de vieillissement.

L’élevage en fûts neufs est indispensable à la structure qualitative des Cognacs

La phase d’élevage en fûts neufs est une étape déterminante pour affiner le style des Cognacs Courvoisier. Deux critères sont déterminants, conserver la finesse des eaux-de-vie et apporter une certaine harmonie entre les arômes de l’eau-de-vie et ceux du bois. Il doit exister une vraie complémentarité entre ces deux sources aromatiques qui au départ sont bien distinctes et au fil des années se marient de façon subtile pour favoriser l’extériorisation du floral, du bouquet et du caractère rancio si spécifique au Cognac. Le vieillissement est considéré comme réussi quand au bout d’un certain nombre d’années la perception aromatique ne permet plus de détecter ni le bois ni les eaux-de-vie, mais d’autres notes et saveurs beaucoup plus riches et complexes traduisant « la typicité des eaux-de-vie ». Si la phase bois neuf est mal maîtrisée, les eaux-de-vie ne seront jamais « matures ». M. P. Szersnovicz considère que l’élevage des eaux-de-vie nouvelle dans du bois neuf doit se faire dans des fûts de chêne français de grains fins et de grains moyens issus de préférence des forêts de Jupille, de Tronçais, de la région d’Orléans et d’Alsace. La notion de fûts neufs repose sur la capacité du bois à donner des matières extractibles, des composés aromatiques issus de la chauffe et des tannins. La durée de passage en barriques neuves est de 6 mois pour la première rotation, de 12 mois pour la seconde et de 24 mois pour la troisième. Le fait de doubler à chaque rotation les temps de stockage permet d’obtenir à peu près les mêmes niveaux d’extraction tanniques équivalentes. La perception dans les comptes jeunes des notes grillées, de l’amende, du vanillée est très appréciée par les dégustateurs de la société Courvoisier, mais par contre les surextractions tanniques ne correspondent pas à leur style d’eau-de-vie. Au-delà 5 ans, un fût ne cède plus rien et devient un contenant qui continue d’être intéressant en tant qu’outil propice aux échanges oxydatifs. L’utilisation tous les ans d’une proportion de fûts neufs de l’ordre de 15 % du volume mis en stock est un objectif conseillé pour assurer des apports aromatiques intéressants et réguliers sur l’ensemble des millésimes.

Une maîtrise totale de la forêt à la barrique

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MM. Pierre Szersnovicz et Joël Lavergne, les responsables de production.

Pour les besoins propres en fûts neufs de la société Courvoisier, M. Jean-Marc Olivier, le directeur général actuel, a mis en place une filière bois totalement maîtrisée de la forêt à la fabrication de la barrique. Depuis une quinzaine d’années, les achats de billes de bois sur souches dans les forêts de chênes sessiles (de grains fins) sont effectués dans le Centre de la France directement auprès de l’ONF, ce qui permet d’avoir une parfaite traçabilité de la filière bois. Les billes brutes sont acheminées à Jarnac où une merranderie appartenant à Courvoisier en assure la fente et le stockage des merrains à l’air libre pendant trois ans. MM. P. Szersnovicz et J. Lavergne insistent beaucoup sur l’intérêt du séchage à l’air libre des merrains qui permet d’éliminer un certain nombre de composés indésirables pour la qualité des eaux-de-vie. : « Au fil des saisons, il se développe sur les douelles une flore de champignons microscopiques donnant une apparence grisâtre aux merrains qui se nourrissent de substances indésirables pour la finesse des eaux-de-vie. Ce n’est qu’au bout de 30 à 36 mois de séchage à l’air libre que le bois a atteint une maturité suffisante vis-à-vis des attentes qualitatives du vieillissement des eaux-de-vie. » La fabrication des barriques est ensuite sous-traitée à deux tonneliers, la tonnellerie Gatard à Sigogne et la tonnellerie Doreau à Gensac-la-Pallue. Un cahier des charges de fabrication bien précis est remis aux entreprises et le responsable bois de la société Courvoisier, M. Yves Chaudet, suit la fabrication des barriques. En effet, la maison de négoce a mis au point un système de stockage performant où les barriques en position verticale sont regroupées par quatre sur une palette (et stockées sur plusieurs niveaux, en général sur 5 hauteurs). Cela oblige les deux tonneliers à fabriquer des fûts ayant une longueur de douelles identique à des 350 l traditionnelles mais dont le bouge (le cintrage) moins important les rend plus solide et accroît leur capacité à 400 l (les fonds sont plus larges). Le remplissage et les ouillages des fûts sont effectués par un trou de bonde situé sur un fond. L’avantage de ce système de stockage réside à la fois dans le gain de capacité de 15 % pour une même surface de bois et la simplicité des opérations de manutention des fûts dans les chais. Le deuxième aspect très important pour la société Courvoisier dans la fabrication des fûts concerne la conduite des chauffes. Avec les bois de grains fins et moyens, il est demandé aux tonneliers de réaliser des chauffes moyennes uniquement sur la coque des barriques (d’une durée n’excédant pas 30 à 40 minutes) avec un brasero traditionnel. Ce choix repose sur une volonté de conserver et de tirer profit de la complémentarité entre les arômes des eaux-de-vie et ceux provenant du bois. Les bouilleurs de cru de la coopérative associée ACBC ont la possibilité d’acheter des fûts (avec bonde traditionnelle dessus) fabriqués avec les merrains de la société Courvoisier auprès des deux tonneliers référencés.

Une prime de qualité « au bois neuf » pour les bouilleurs de cru

L’appréciation qualitative des eaux-de-vie rassises de compte 2 ou plus âgées reste principalement fondée sur la dégustation, mais tous les échantillons achetés font l’objet d’une analyse en chromatographie en phase liquide. M. P. Szersnovicz explique qu’un lot d’eaux-de-vie n’ayant pas vu de barriques neuves est très facilement identifié à la dégustation : « Le premier passage des eaux-de-vie nouvelles dans des barriques neuves extrait des composés aromatiques dont la présence et l’absence sont facilement détectées à la dégustation. Il en est de même pour l’utilisation de bois neufs inadaptés à nos attentes comme des gros grains de type Limousin qui confère aux eaux-de-vie un profil aromatique bien spécifique. La rénovation de vieux fûts par le changement des deux fonds et de quelques douelles ne présente pas d’intérêt qualitatif, c’est juste un moyen de restaurer l’étanchéité d’un contenant. L’utilisation de produits de substitution aux barriques neuves n’est jamais en mesure de compenser l’apport aromatique issu des douelles neuves chauffées. Au sein de la coopérative associée ACBC, nous avons justement introduit une prime de qualité sur les prix de base des rassises pour récompenser les bouilleurs de cru qui font l’effort d’acheter régulièrement des barriques neuves correspondant à nos attentes. » Le dosage de certains composés extraits au moment de la chauffe comme la vaniline, le syringaldéhyde, le coniféraldéhyde et le sinapaldéhyde, permet d’apprécier de façon fiable la proportion de bois neufs utilisé dans le vieillissement d’un lot d’eaux-de-vie. Bien que M. J. Lavergne reste assez évasif sur ce sujet, un travail scientifique important a été réalisé par la société Courvoisier sur tous les aspects du vieillissement.

Suivre et travailler les eaux-de-vie

Le travail d’élevage des eaux-de-vie ne se limite pas à la seule utilisation d’une proportion suffisante de fûts neufs. La société Courvoisier conseille aux bouilleurs de cru d’aborder le stockage d’une manière dynamique en pratiquant un suivi qualitatif régulier par la dégustation de l’évolution de chaque millésime. La première intervention consiste à réduire les eaux-de-vie de 65 % vol. aussitôt la distillation pour faciliter ensuite les phénomènes d’extraction dans le bois neuf et l’enclenchement du processus de vieillissement. La durée d’élevage dans les fûts neufs lors des deuxièmes et troisièmes rotations doit faire l’objet d’un suivi attentif pour justement essayer de bien cerner la capacité du fût à céder des composés intéressants aux eaux-de-vie. A l’issue de chaque rotation dans les fûts neufs, la réalisation d’un assemblage de ces fractions de lots « boisées » avec le reste de la production d’un même millésime est toujours bénéfique pour la qualité. Cette homogénéisation est indispensable à l’obtention d’un bon équilibre entre les arômes des eaux-de-vie et ceux issus du bois neuf. La réalisation des assemblages s’effectue par un pompage des eaux de vie qui entraîne aussi des phénomènes d’aérations toujours propices à l’accélération du processus de vieillissement. La réalisation par des pompages d’une à deux aérations par an contribue à l’extériorisation aromatique des eaux de vie quels que soient leur structure et leur âge.

Les chais humides renforcent le moelleux des eaux-de-vie

Le climat des chais de vieillissement joue un rôle important sur l’évolution qualitative des eaux-de-vie et tout particulièrement sur leur vitesse de maturation, et MM. P. Szersnovicz et J. Lavergne tiennent sur ce sujet un discours intéressant : « Les meilleurs bâtiments pour le stockage des eaux-de-vie ont toujours été les chais humides en terre battue où règne un climat tempéré quelle que soit la saison. Ce n’est tout de même pas un hasard si beaucoup d’eaux-de-vie à Jarnac et à Cognac ont été stockées pendant très longtemps dans des chais proches de la Charente. Le maintien d’un niveau d’hygrométrie important mais pas excessif permet aux pores du bois des douelles de s’ouvrir et de faire respirer plus facilement les fûts. Ce phénomène provoque une perte de TAV plus importante et les eaux-de-vie gagnent en moelleux. On assiste naturellement à un renforcement des composés les moins volatils qui participent à l’extériorisation des belles structures des Cognacs. Un bon chai à eaux-de-vie ne doit pas non plus posséder une très forte inertie thermique. Au contraire, nous sommes convaincus qu’un bon chai doit respirer quelle que soit la saison. Dans nos nouveaux chais de stockage plus rationnels sur le plan de la manutention, nous réfléchissons actuellement à la mise en place de systèmes de maîtrise de l’hygrométrie à certaines périodes de l’année. » Les eaux-de-vie ont besoin de suivre en douceur les amplitudes climatiques des saisons car cela joue un rôle sur les phénomènes d’extraction et les processus d’oxydation. Durant la phase de stockage en fûts neufs, les phénomènes de migration des composés aromatiques et de tannins dans les eaux-de-vie sont accentués par des niveaux de températures plus élevées. Durant la phase de vieillissement oxydatif, la dégustation des eaux-de-vie dans le courant du printemps et à la fin de l’automne atteste du rôle bénéfique du climat extérieur et intérieur des chais sur la structure aromatique et les saveurs.

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