De quel côté penchera la balance

18 mars 2009

rmy_fts_opt.jpegTraditionnellement calme, la période estivale se double, en ce début d’été 2008, d’un certain attentisme, après les évolutions de prix constatées en fin d’année. Ces évolutions de cours seront-elles confirmées ou infirmées dans les mois qui viennent ? Récolte, état du marché, perspectives à moyen terme, « prémiumisation » des ventes, souhaits des acheteurs, attentes des vendeurs, contractualisation… autant d’éléments qui peuvent faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Réflexion à bâtons rompus de quelques observateurs et acteurs du marché.

 

 

« Le petit problème que nous rencontrons aujourd’hui, c’est que des bouilleurs de cru veulent vendre leurs comptes 10 au prix de 3 500 € et plus et que les négociants, en face, souhaitent des comptes 4 pas du tout au même tarif. » Ces attentes divergentes entre viticulture et négoce, les observateurs du marché les perçoivent très fort en ce mois de juillet 2008. Il est clair que la référence de prix d’il y a six mois colonise encore les esprits. Il est non moins clair que le marché des comptes 10 est moins actif qu’en octobre ou novembre 2007. Par le fait « cela devient plus compliqué ». Pour autant, des prix de 3 500 € et plus sont-ils déraisonnables ? Non répond la vox populi. « Entre évaporation, et frais de stockage, à ces niveaux de prix, nous sommes presque sur des minimum pour des eaux-de-vie qui ont souvent plus de quinze ans de vieillissement derrière elles. Si l’on veut encourager les gens à stocker, il faut bien trouver une solution, leur proposer un retour sur investissement honorable, sachant qu’il est sans doute assez facile au négoce de marger sur des eaux-de-vie de compte 10. » Reste qu’un hiatus existe dans la région. Ce que les négociants veulent, ce n’est pas tant des comptes 10 que des comptes 4, denrée rare pour les raisons que l’on sait (QNV faible dans les années 2001-2002, déclassement, alimentation du compte 2 au détriment du compte 4…). Que constate-t-on depuis environ trois mois ? Une certaine pression des acheteurs pour que des cours de 2 000-2 500 € l’hl AP pénètrent les esprits. Prix de comptes 4 certes mais l’intention est assez transparente : que ces prix de comptes 4 tirent vers le bas le prix de comptes 10. Ce scénario se réalisera-t-il ou au contraire sera-t-il balayé ? « La région est à un tournant » diagnostiquent des acteurs du marché. En effet, suivant l’évolution de plusieurs paramètres, les cours risquent de pencher dans un sens ou dans un autre. Tout ce qu’il y a de plus classique dans un marché soumis à l’offre et à la demande. La nouveauté peut-être, c’est que la région redécouvre les affres de la volatilité des prix, elle qui était habituée à vivre avec des cours bas mais stables. Que vaut-il mieux ? Etre riche et anxieux ou pauvre et sûr de l’être ?

le potentiel de récolte

Le potentiel de récolte constitue naturellement l’un des premiers critères d’évolution des cours. Que peut-on en dire trois mois avant les vendanges ? Compte tenu des « apparences » et nonobstant un dessèchement des rafles courant d’été, voire une « sortie terrible de mildiou sur raisin », la région s’acheminerait vers un rendement légèrement supérieur à celui de 2007, soit autour de 90-100 hl vol./ha. En production Cognac, cela donnerait du 9-9,5 de pur ha, peut-être un peu plus mais guère. Ce rendement est-il de nature à faire « basculer » les cours, à la hausse comme à la baisse ? De l’avis général, non. « Il s’agit d’une petite récolte mais, objectivement, elle suffit à assurer les sorties. Ce qui nous manque, c’est ce qui est prévu pour faire du compte 10. »

Justement, c’est toute la question, centrale, de la « premiumisation » du Cognac. En clair, la montée en gamme des ventes de Cognac, la redistribution des sorties vers un peu moins de jeunes pour un peu plus de vieilles. Cette politique de premiumisation, une maison, plus que d’autres, semble la porter, Martell pour ne pas la nommer. Si la tendance se vérifiait dans les grandes largeurs, à coup sûr, elle ne serait pas sans conséquence sur la structure des prix des rassises. Pour autant, les ventes de V.S se maintiennent et les observateurs attentifs ne voient pas se dessiner de virages à 180°. Parallèlement à une montée en gamme des ventes de Cognac, toujours souhaitable, le maintien des V.S recueille l’adhésion d’une large part de la profession. « A l’exception peut-être d’une fraction des Champagnes, la région ne marche bien que si elle vend beaucoup de compte 2. Et puis le V.S n’est-il pas le premier ambassadeur des qualités supérieures. »

Si la répartition des ventes entre les différentes qualités interfère sur les prix, c’est bien sûr le volume global de vente qui exerce la plus grosse influence sur le cours des eaux-de-vie. A n’en pas douter, le résultat des sorties de Cognac sur le second semestre sera déterminant. On le prévoyait à la hausse, même si les ventes du mois de juin, en baisse, viennent brouiller le message, après un mois de mai correcte et un très bon mois d’avril.

En ce qui concerne les perspectives à moyen/long terme, autre facteur de formation du prix, les quatre grandes maisons paraissent toujours assez optimistes. Leur discours ne varie pas sur le sujet : « un potentiel de développement existe pour le Cognac ». Les maisons moyennes à petites s’avèrent un peu moins confiantes. Mais leur scepticisme se nourrit-il à l’aune des signaux de marchés ou à l’aune de leur difficulté à s’approvisionner ?

fermeté des eaux-de-vie nouvelles

Le léger tangage constaté sur les rassises ces derniers mois ne touche pas les eaux-de-vie nouvelles (0, 1, 2). A 1 200 € l’hl AP en moyenne sur le marché libre, le prix des comptes 2 apparaît relativement stable. A 50 € près, prix grandes maisons et prix du second marché se tiennent dans un mouchoir de poche. Certes la région a assisté il y a six mois à un « coup de feu » sur les comptes 2 (1 400-1 500 € l’hl AP), mais limité en volume. A 1 200 € l’hl AP, les comptes 2 sont donnés « à leur prix de marché ». De même les achats de compte 2 en Bonne Fin apparaissent cette année « dans le marché » (autour de 1 100 € l’hl AP). L’an dernier, ils l’étaient beaucoup moins.

chateauneuf_oct_2001_opt.jpegA entendre les uns et les autres, ressort une impression de normalisation du courant d’affaire sur les eaux-de-vie jeunes. Même la pression d’achat exercée par le négoce ces deux-trois dernières années semble se calmer. L’époque des « grandes évasions » est sans doute passée. « Il y a eu de grands départs. Il y aura peut-être de petits retours » note, un brin ironique, un professionnel. Ce qui marque bien plus la campagne 2007-2008, c’est la montée en puissance de la contractualisation. De l’avis des spécialistes, le pourcentage de contrats dans le vignoble est devenu très important aujourd’hui. Même des secteurs jusqu’alors un peu en marge de la contractualisation – le secteur de Mirambeau par exemple – commencent à être touchés par le phénomène. « Ce n’est pas nouveau, signale la vieille garde. A chaque fois que les eaux-de-vie connaissent une phase de réévaluation, la contractualisation progresse. » Pourtant, d’autres commentateurs trouvent le mouvement plus pérenne. Ils l’expliquent par le volume de Cognac vendu – « nous ne sommes plus à l’époque où la région vendait 200 000 ou 300 000 de pur » – mais aussi et surtout par la dimension entrepreneuriale des entreprises viticoles. « Les viticulteurs s’engagent sur des investissements importants. Ils se doivent de prendre des assurances. » Ces viticulteurs qui lancent des projets, « vont de l’avant », suscitent quelques craintes collatérales. « Ils ont peut-être raison mais cela suppose une production Cognac supérieure à 10 de pur pendant plusieurs années, avec des prix à la hauteur. Il faudra que le marché tienne ses promesses. » Et la production aussi, même si tout le monde a bien compris que « l’époque n’était plus à avoir le pied sur le frein ». « Il va falloir se retrousser les manches pour essayer de combler les pieds manquants. On ne produira pas 10 de pur ha avec un salarié permanent pour 50 ha. » Est-ce à dire que la viticulture charentaise est « à fond les manettes », au risque de perdre tout sens de la mesure ? Le prix d’achat de certaines vignes pourrait le faire croire. Mais l’autodérision prend vite le relais, aidant à garder la tête froide. « On n’est pas exigeant en Charentes. On a quand même quinze ans de crise tous les vingt ans. » Et de dégager une sorte de philosophie du vigneron charentais : « Savoir gérer au mieux les gains du moment, tout en appréciant au plus juste la prise de risque, pour les périodes plus difficiles qui ne manqueront pas de survenir. » Début de la sagesse ou manuel de survie ?

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