Congrès de la CNAOC

3 août 2011

En fléchant son congrès annuel sur la protection des appellations, la Confédération nationale des appellations d’origine vins et eaux-de-vie envoie un double message : oui, les AOC sont un outil de développement stratégique pour la filière vins et eaux-de-vie et oui, l’INAO est au cœur du dispositif de lutte contre les tentatives d’usurpation, de détournement de notoriété et autres contrefaçons… à condition qu’on lui en donne les moyens. Le nouveau contrat d’objectifs de l’INAO va se discuter avec l’Etat. L’occasion de faire le point sur les missions de l’INAO, son budget et qui le finance.

cnaoc.jpg« Il y a deux choses qui nous permettent de nous distinguer du reste de la production mondiale : le système des appellations d’origine contrôlées et les interprofessions. » En disant cela, Pierre Aguilas, président de la CNAOC, ne mégote pas l’attachement de la viticulture française à son mode d’organisation. Une organisation originale qui permet non seulement aux opérateurs de co-gérer leur activité avec l’établissement public INAO (sous tutelle du ministère de l’Agriculture) mais aussi de profiter de l’autorité de l’Etat pour défendre ses AOC. Ce modèle est-il menacé ? Pas fondamentalement mais c’est vrai qu’il a connu, ces derniers temps, plusieurs coups de butoir. A partir de 2007, le domaine de compétence de l’INAO s’est élargi. Alors que l’institution était jusqu’alors quasi exclusivement dévolue aux AOC viticoles et fromagères, la voilà rejointe par les labels rouges, l’agriculture biologique, les spécialités traditionnelles garanties, les IGP (dont les vins de pays), les appellations laitières, agricoles et forestières. Aujourd’hui, en plus du comité vins et eaux-de-vie, l’INAO compte quatre autres comités : un comité des appellations laitières, un comité IGP (Indications géographiques protégées), un comité AB… Symbole de ce changement, l’acronyme INAO ne se traduit plus par « Institut national des appellations d’origine contrôlée » mais par « Institut national de l’origine et la qualité ». Une manière d’afficher le ralliement à la dimension européenne des « signes de qualité ». Dans la foulée, la viticulture a connu une déclinaison immédiate de cette nouvelle approche. Ce fut la réforme du contrôle des conditions d’élaboration, pour se rapprocher du contrôle des signes de qualité. De 2008 à 2010, les services de l’INAO seront très occupés à reformater les anciens décrets d’appellation en cahiers des charges ainsi qu’à valider les nouveaux plans de contrôle.

contrôle, contrôle…

Contrôle, contrôle… Aujourd’hui, les vignerons ont le sentiment qu’on leur parle beaucoup et même un peu trop de contrôles. Surtout, ils ne veulent pas que la partie « défense des appellations » en fasse les frais. A leurs yeux, la défense des AOC par l’INAO représente même l’exacte contrepartie du contrôle de la production. C’est ce que Pierre Aguilas a signifié aux représentants de l’Etat lors du congrès de la CNAOC. « Nous nous montrerons très vigilants pour que la défense des AOC ne soit pas remise en cause. » Un autre point, lié au précédent, suscite l’inquiétude des viticulteurs : le financement de l’INAO. Fait nouveau cette année ! La dotation de l’Etat ne couvre plus l’intégralité des charges de personnel. « Cela n’était jamais arrivé depuis la création de l’institut » a noté le président de la CNAOC. « Cela illustre le désengagement de l’Etat. Avec les pouvoirs publics, nous devrons ouvrir le débat sur le financement de l’INAO. »

Aujourd’hui, le budget de l’INAO s’élève à 20 millions d’€. Il est financé aux trois quarts par l’Etat (15 millions d’€) et pour un quart (5 millions d’€) par les filières, via les redevances INAO. Sur ces 5 millions d’€, le président de la CNAOC a indiqué que les vins et spiritueux alimentaient 85 % de la somme. « Certains comités ont une contribution égale à zéro. Je ne veux pas dire mais la viticulture se montre très généreuse. Il faudra bien qu’un jour ou l’autre la question du financement de l’INAO soit abordée avec l’ensemble des produits, en se posant la question du rôle, des fonctions de l’institut, à qui il revient de payer et pourquoi faire. Ce serait par exemple intéressant de connaître le coût de gestion de chaque signe de qualité : Bio, IGP, AOP… »

10 à 15 % du budget

En ce qui concerne l’enveloppe consacrée aux actions de défense des AOC, le directeur de l’INAO, Jean-Louis Buër, a confirmé qu’elle s’élevait à 300 000 €. Une portion congrue si on la rapporte aux vingt millions de budget. « En fait, a précisé J.-L. Buër, hors frais de fonctionnement, cette enveloppe représente 10 à 15 % du budget sur lequel nous avons une réelle marge de manœuvre. »

Clairement, la viticulture aimerait bien que les actions de protection soient dotées de plus de moyens. La CNAOC a émis une proposition : qu’une petite partie des droits de circulation des vins soit affectée à la protection des AOC. « Pour les seuls vins tranquilles, ces droits représentent au bas mot 100 millions d’€. Il suffirait d’en affecter 1 % pour multiplier par 6 le budget de l’institut sur la mission de protection. » « Historiquement, en 1935, les droits de circulation avaient été créés pour lutter contre la fraude. Puis, petit à petit, ils furent intégrés au budget de l’Etat. Si 1 % revient à la filière, les 99 % restants pourront rester affectés à la protection sociale des agriculteurs. C’est d’autant plus légitime que, désormais, ces droits augmentent tous les ans. La protection des AOC n’est pas une dépense mais un investissement. » Le directeur de l’INAO ne nie pas l’importance de la protection des AOC : « Pour nous, la lutte contre les atteintes aux AOC est un sujet tout à fait crucial. Il ne se passe pas de jour où mes services ne relatent une intervention auprès d’un avocat étranger. »

contrat d’objectif

L’iNAO va bientôt discuter son contrat d’objectifs avec l’Etat pour les trois prochaines années. A ce sujet, le directeur de l’institut a parlé d’un « redéploiement de moyens ». Ou comment faire mieux sans davantage de moyens. En terme « politiquement corrects », Jean-Louis Buër a parlé « de la dialectique entre le souhaitable et le possible ». Il a évoqué trois priorités : accentuer l’exercice de veille sur fond d’internet et d’usurpations de plus en plus dématérialisées ; partager les rôles – et donc les coûts – avec d’autres structures, comités interprofessionnels, syndicats de défense ; et peut-être définir des pays sur lesquels « mettre le paquet ». La Chine devrait en être, elle qui mobilise déjà un tiers des interventions de l’INAO.

un outil de développement économque

Président du Comité national des vins, eaux-de-vie et autres boissons alcoolisées à l’INAO, Yves Bénard défend avec vigueur l’idée d’appellation. « Les AOC revêtent une dimension politique grandissante. Elles jouent comme un véritable outil de développement économique. C’est le moyen de mieux valoriser nos produits. C’est aussi une réponse aux attentes des consommateurs. » Yves Bénard assigne à l’INAO un rôle pivot. « Entre l’institut et les interprofessions existe depuis longtemps une politique de défense partagée des appellations. Cependant, il est essentiel que l’INAO, en tant qu’organisme centralisateur, demeure au cœur du dispositif. » Il estime qu’un budget de 300 000 € consacré à la défense des appellations n’est pas du tout à la hauteur des enjeux. « Si, à l’intra communautaire, les appellations sont à peu près bien protégées, beaucoup de travail reste à faire dans les pays tiers. »

Hospice de Rhône, Bordeaux blend, Beau Jolée, Champagne Allal, Conhaque brésilien… Les exemples d’usurpation d’origine, de détournement de notoriété sont légion, quand ce ne sont pas des contrefaçons plus ou moins grossières. Ces pratiques font courir le risque de banalisation, de dilution de l’appellation, de perte de son caractère exclusif. Or « la valeur de l’appellation réside dans le lien exclusif entre le nom et le produit » explique Jean-Louis Barbier, directeur général du CIVC (Comité interprofessionnel des vins de Champagne). La Champagne de Reims s’est d’ailleurs appliquée à chiffrer cette notoriété. Là-bas, on estime que la valeur de la « maison Champagne – vignoble, stock, nom de l’appellation – équivaut à environ 70 milliards d’€, non compris la valeur des marques et des entreprises. Un beau pactole, qu’il convient de protéger.

Lors du congrès de la CNAOC, à Bordeaux le 18 mai, des représentants de l’INAO, de la Commission européenne, des interprofessions de Champagne et du Cognac sont venus expliquer les actions mises en œuvre pour protéger leurs appellations (voir article page…). Un travail sans fin, tant l’imagination des usurpateurs est fertile, les intérêts en jeu importants et le droit en perpétuelle construction.

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