Commune de Bouteville : Un chai de stockage efficace et beau

11 août 2015

A Bouteville, le chai de stockage d’un viticulteur démontre qu’efficacité ne rime pas avec monstruosité. Qu’il est possible d’allier beauté et praticité, sans altérer le paysage ni bafouer les usages d’une construction dans l’esprit charentais. A quand cette reprise de parole d’une architecture respectueuse ? Le temps presse car les dommages déjà perpétrés sont irréparables

p13.gifQui n’a rêvé un jour devant ces vertes pelouses du Pays basque piquées de bâtiments conçus dans l’esprit « pays ». Pourtant, ils ne datent pas tous de trois siècles. Chaque jour, dans chaque village, des engins de travaux publics s’activent, ici comme ailleurs. Mais les collectivités territoriales, les agences de développement et autres assemblées consulaires ont sans doute fait le nécessaire pour que soit préservé le paysage, valeur inaliénable, valeur inestimable mais ô combien salie, ô combien bafouée dans de trop nombreux endroits ! Alors, pour une fois que l’inverse se produit, applaudissons, réjouissons-nous ! L’occasion est trop belle.

A Bouteville, les ruines du château, majestueuses, s’offrent au regard dans un presque 360°. Est-ce à cette proximité que l’on doit la réalisation soignée du chai de stockage de Bernard Sicaire et de son fils Teddy ? Sans doute en partie, car le siège de l’exploitation – comme nombre de propriétés à Bouteville – se situe, pile-poil, dans la perspective du site classé. Dans ce contexte, l’architecte des Bâtiments de France a eu son mot à dire sur la construction. Le bâtiment ne jure pas. Il s’intègre harmonieusement dans le paysage.

Genèse du projet

La genèse du projet remonte à trois ans, quand il est question que Teddy s’installe. Le chai de stockage existant s’avère trop petit à loger les eaux-de-vie. Il faut penser à l’extension. Ce sera un nouveau chai, sur une parcelle enclavée à proximité du corps de ferme. Les viticulteurs père et fils contactent la chambre d’agriculture de la Charente. Ils ont entendu parler du bureau d’études bâtiment de l’organisme consulaire. Le service animé aujourd’hui par Stéphane Bireau propose d’accompagner les agriculteurs dans leur projet de construction. La commande est à géométrie variable. Elle peut se concevoir de A à Z, de la pré-étude à la livraison clé en main du bâtiment, en passant par la cotraitance avec l’architecte, le dépôt du permis de construire, les documents ICPE, la consultation des entreprises… Ou bien se décliner sous la forme de prestations séparées : étude préalable, réalisation des plans et documents… « Nous essayons de nous adapter aux attentes des agriculteurs », précise Damien Charon, le chef du service « formation, foncier, études bâtiments ». A noter que, selon les protagonistes, les demandes « clés en mains » seraient les plus nombreuses aujourd’hui, par défaut de temps, à cause de la lourdeur administrative des dossiers, parce que les suivis de chantiers ne sont pas toujours faciles. Les Sicaire père et fils choisissent cette formule, compte tenu du cacatère un peu lourd du projet : site classé, normes environnementales, etc. En janvier 2013, un pré-projet est présenté aux architectes des Bâtiments de France. S’en suivront, au fil de l’eau, le certificat d’urbanisme, le document d’arpentage, le dépôt du dossier installations classées, la réalisation et le dépôt du permis de construire… En tout, une bonne année pour boucler la partie administrative et aborder la mise en chantier. Le nouveau chai de stockage est livré début 2015. Dans la foulée, l’inauguration a lieu le 19 mai à Peuchaud, siège de la SCEA du Chevalot. Le chai, d’une surface inférieure à 300 m2, est soumis au régime de la déclaration (et non de l’autorisation). A « chai plein », le volume de stockage approche les 5 000 hl (en volume et non en alcool pur).

Avec ses pierres d’angles, ses jambages, son faux œil-de-bœuf, son portail massif en bois, le bâtiment de stockage se fond d’emblée dans l’habitat traditionnel charentais. Sans ostentation ni effet de manche. Simplement. Et, pour une fois, pourrait-on dire, nul besoin de se faire violence pour acclimater un bâtiment qui agresse la vue.

Des partis pris techniques

Dans sa conception technique du bâtiment, Olivier Guedo, l’architecte qui travaille en cotraitance avec le bureau d’études de la chambre d’agiculture 16, a fait preuve de parti pris. Sans doute ses choix ne sont-ils pas révolutionnaires mais ce sont de vrais choix. Pour les murs, il a opté non pour des parpaings mais pour des briques, des briques larges en monomur de 37,5 cm d’épaisseur (40 cm dans le tout). Par son caractère alvéolé, la brique offre un pouvoir d’isolation dont ne dispose pas un matériau aggloméré. La conception monomur, sans jointage ciment, minimise les ponts thermiques et permet ainsi une meilleure isolation. Selon l’architecte, ce mode de construction peut laisser envisager 1 % de mieux (ou de moins) en termes d’évaporation d’alcool. Ainsi peut-on raisonnablement penser que la fameuse part des anges, de 3 % en moyenne, soit réduite à 2 %. Conséquence : quelques années suffiront pour absorber le surcoût d’environ 30 000 € entre chai en agglo et chai en brique. Un « retour sur investissement » que les concepteurs ont soumis au client. Qui plus est, la situation du bâtiment dans cette partie de Charente en zone sismique d’intensité moyenne a aussi plaidé pour le choix de murs plus épais.

En termes d’ingénierie, l’architecte a conçu un bâtiment sans fondation, grâce au système dit de la « longrine », une poutre horizontale en béton armé, capable de supporter des forces importantes. Posé sur des plots, le bâtiment est comme suspendu. L’avantage, c’est qu’il est possible a tout moment de passer en dessous tuyaux, câblerie, sans impacter la structure du bâtiment. Par ailleurs, l’étanchéité exigée par les normes de sécurité incendie découle de la nature même des longrines. Pour le toit, l’option fermettes a été adoptée, avec isolation présentant une résistance au feu validée par les pompiers. Pour favoriser l’hygrométrie, le sol a été stabilisé avec du calcaire. Au total, le bâtiment aura coûté 200 000 €, financé par un prêt de la Caisse d’Epargne.

Parce qu’il n’est pas facile d’implanter un bâtiment neuf dans le périmètre d’un site classé et parce que l’opportunité se présentait, Gérard Bastit, le voisin de Bernard Sicaire, a décidé de construire sur un terrain mitoyen lui appartenant un chai de stockage identique, à 10 mètres de distance du premier. Une mise en commun de moyens qui va permettre aux deux chais de partager le même réservoir incendie.

L’inauguration de ce bâtiment un peu exemplaire a réuni dans une atmosphère conviviale tous ceux qui y avaient apporté leurs pierres à l’édifice, des concepteurs au financeur, en passant par les artisans.

 

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