Commerce intra-communautaire : L’europe dématérialise les titres de mouvement

31 janvier 2011

Depuis le 1er janvier 2011, l’Europe se dématérialise, au moins au niveau de ses titres de mouvement. Exit les documents papier. Bonjour le support numérique. Dans la région délimitée Cognac, un outil accompagne cette mutation : Concerto.

Vous êtes négociant ou vendeur direct de moûts, vins, Pineau, Cognac, brandy. Vous voulez expédier vos produits dans un pays européen ou dans un pays tiers. Depuis le 1er janvier 2011, vous ne pouvez le faire qu’à condition que les titres de mouvement accompagnant vos marchandises – les DCA ou Documents commerciaux d’accompagnement – soient « dématérialisés ». En clair, ils doivent être saisis sur internet, sous la forme d’un document informatique validé par la Douane. Ce document s’appelle DAE ou Document administratif électronique. Le fait générateur du DAE ? Que l’opérateur fasse des mouvements dans l’U.E (l’Union européenne) ou dans les pays tiers. Pour les expéditions réalisées en France, l’opérateur dispose d’un répit de deux ans. Il pourra conserver son document papier jusqu’en 2013. Après cette date, le document « France » devra lui aussi basculer sur support informatique, sachant que rien n’interdit de le faire basculer dès maintenant.

C’est une directive européenne de 2008 qui impose cette dématérialisation des titres de mouvement. Sont concernés tous les produits fiscalisés (soumis à accises), circulant en suspension de droits : vins, alcools, spiritueux mais aussi pétrole, tabac… Au niveau européen, la dématérialisation des titres de mouvement relève du système EMCS ou Excise Movement and Control System. En français, dans le texte « Système d’informatisation des mouvements et des contrôles des produits soumis à accises entre Etats membres ». En Europe, EMCS est opérationnel depuis avril 2010 mais les Etats membres y travaillent depuis les années 2003-2004. C’est également le cas du Bureau national du Cognac avec Concerto (voir plus loin).

prodouane, le portail de la douane

Dans ce grand chantier de la numérisation, la France a tenu à avoir son propre applicatif d’EMCS. Il s’agit de Gamma. Gamma est hébergé sur le site de Prodouane, le portail des téléprocédures de la Douane. C’est dans Gamma que tous les opérateurs soumis à accises expédiant en Europe ont dû basculer le 1er janvier 2011. Sans cela, ils seraient interdits d’exporter dans l’U.E et vers les pays tiers. Mais Gamma est un site généraliste. Il propose une grille de saisie commune à tous les produits, que ce soient les vins, les spiritueux, le pétrole ou le tabac.

Dans ce contexte, la région délimitée Cognac a demandé et obtenu de mettre au point sa propre déclinaison de Gamma. C’est l’outil Concerto, conçu par les services du BNIC. Cette « solution informatique » a vocation à servir d’interface entre les opérateurs régionaux et la Douane. Ainsi, au lieu de rentrer leurs documents d’accompagnement sur Prodouane, les ressortissants de la région délimitée sont invités à les saisir sur Concerto, la plate-forme informatique du BNIC. Didier Vassor, directeur du département « Contrôle des âges » du BNIC, parle d’une « facilitation » associée à Concerto. « Concerto, dit-il, permet à l’opérateur de retrouver, sous le support numérique, son document habituel. Il bénéficie également de la « connaissance métier » du BNIC, de sa « hot line » – une assistance opérationnelle de 8 h à 18 h – ainsi que d’un programme de formation. » Au cours des trois semaines « ouvrables » du mois de décembre, le service de Didier Vassor a dispensé des formations à environ 300 opérateurs, négociants et vendeurs directs.

Comment la Douane perçoit-elle Concerto ? On peut imaginer qu’elle y trouve son intérêt dans la mesure où elle n’aura à gérer qu’une seule connection, celle du BNIC, au lieu de plusieurs centaines avec les opérateurs. Par ailleurs, le Bureau national du Cognac se charge du support d’aide et de la formation.

concerto, un outil stratégique

Mais si Concerto est déterminant pour quelqu’un, c’est bien pour l’interprofession de Cognac. A cet égard, l’outil est tout simplement stratégique. Pour le BNIC, Concerto est le gage de pouvoir continuer à remplir sa mission de service public. Car l’interprofession de Cognac a reçu, par délégation des Douanes, le soin de suivre les stocks de Cognac et de délivrer les certificats d’âge Cognac. De cette mission, confirmée par arrêté de juillet 2003, le Bureau national du Cognac tire l’essentiel de sa légitimité et de ses prérogatives. C’est la seule interprofession en France à disposer d’une telle délégation de service public. Chaque année, le service « contrôle des âges » du BNIC est amené à délivrer environ 15 000 certificats d’âge Cognac, à destination de 150 pays. Mais, pour ce faire, faut-il encore qu’il connaisse tous les mouvements de Cognac qui ont lieu dans la région délimitée. De cette connaissance exhaustive des transactions découle tout le reste et notamment le suivi statistique des marchés. D’où l’importance proprement stratégique de Concerto.

Comment fait-on pour se connecter à Concerto ? Il faut disposer d’un ordinateur, avoir un accès internet et demander un accès Concerto au Bureau national. Les techniciens parlent de « solution DTI » ou de « solution EDI ». Dans l’un et l’autre cas, il s’agit de transmission automatisée de données. La solution DTI ne réclame rien d’autre qu’un ordinateur et un accès internet. On peut ainsi saisir les documents en ligne. La solution EDI est un peu plus sophistiquée. Elle passe par la construction d’une interface (l’installation d’un logiciel) chez l’opérateur, installation qui peut prendre un peu de temps. A priori, elle s’adresse à des entreprises plus importantes.

En terme de sécurité et de confidentialité des données, Didier Vassor indique que la plate-forme Concerto présente le même niveau de sécurité que le site de déclaration TVA du ministère des Finances. Depuis avril 2010, la plate-forme Concerto est certifiée par les Douanes pour Gamma (et depuis décembre 2007 pour Delta).

Qu’est-ce que Delta ? Delta, c’est l’équivalent de Gamma sur Prodouane mais pour les expéditions vers les pays tiers (hors Union européenne). Ces expéditions, en suspension de droits, se font sous DAU (Document administratif unique). La dématérialisation des DAU s’applique depuis le 1er janvier 2007, en sachant que, cette fois, ce n’est pas l’Europe qui a pris l’initiative de la numérisation mais la France. Concerto héberge une déclinaison « maison » de Delta.

Aujourd’hui, restent en dehors de la dématérialisation les seuls titres de mouvement « France », DCA ou DSA (Document simplifié d’accompagnement). Comme déjà dit, leur passage au support numérque pour les expéditions sur le territoire national est prévu le 1er janvier 2013, même si rien n’empêche de « devancer l’appel ».

Comment vont être traités les mouvements de chai à chai à l’intérieur de la région ? Les livraisons de vin ou de Cognac du chai du viticulteur au chai du négociant ou du bouilleur de profession vont échapper à la dématérialisation des titres de mouvement jusqu’au 1er janvier 2013. Mais elles n’y couperont pas ensuite. A noter cependant que pour les viticulteurs vendeurs de vin ou d’eaux-de-vie, cette nouvelle procédure sera transparente car ce ne sont pas eux qui réalisent les titres de mouvement. Ce sont les donneurs d’ordre qui s’en chargent – bouilleurs de profession, négociants – car ce sont les seuls à être cautionnés et donc à pouvoir effectuer cette formalité.

A ce jour, les seuls viticulteurs touchés par la dématérialisation sont donc les vendeurs directs. Et, à écouter leurs premières réactions (voir article ci-contre, le passage au « tout numérique » ne s’assimile pas vraiment à une promenade de santé. Cela dit, « il faudra bien s’y faire ». A terme, personne n’y échappera.

En 2007 déjà, 30 opérateurs – les plus importants de la place – étaient montés dans le train de Delta. Aujourd’hui, le passage à Gamma (commerce intra-européen) concerne environ 300 opérateurs. Dans deux ans, en 2013, avec l’extension de Gamma au territoire national, on estime que la numérisation des titres de mouvement touchera 1 800 opérateurs ; en fait tous ceux qui, peu ou prou, font du commerce de bouteille. Et les autres ? Les « exclusifs » viticulteurs seront aussi rattrapés par la numérisation, via la déclaration de récolte. En fait, au niveau douanier, la déclaration de récolte est déjà dématérialisée depuis la récolte 2010. C’est le Bureau national du Cognac qui se charge de la tâche de numérisation. Dès la prochaine récolte 2011, le BNIC testera avec un groupe pilote de viticulteurs la saisie en ligne des déclarations d’affectation et de récolte. C’est lors de la campagne 2012-2013 que la généralisation de la dématérialisation pourrait intervenir.

Une Autre Musique
Tous les avis sont dans la nature. Une viticultrice également vendeur direct ne nourrit pas de réticences particulières à l’égard de Concerto. Pour elle, « c’est jouable ».
« Moi j’aurai tendance à dédramatiser. Comparé aux titres de mouvement que je remplissais à la main, globalement je retrouve les mêmes informations sur le support informatique. C’est vrai qu’avec le papier, nous avions tendance à « zapper » pas mal d’informations qu’il faut dorénavant renseigner. Courant décembre, après avoir suivi la formation, je me suis entraînée à remplir les documents comme je le faisais auparavant. Pour voir ce qui passait et ce qui ne passait pas. C’est clair aussi que les gens du BNIC savent pertinemment qu’ils ont des améliorations à apporter. A juste titre, ils nous conseillent de préparer à l’avance les documents pour, qu’à la dernière minute, il ne reste plus que des choses très simples à rentrer. Je reconnais que ce sera plus compliqué pour les personnes « qui ne touchent pas du tout à l’informatique ». Je pense au grand-père présent à la maison. Les gens qui font les foires devront sans doute mettre en place une organisation un peu différente. Mais tous les problèmes sont surmontables. Nous ne pouvons pas lutter contre la dématérialisation. Peu à peu, elle s’impose à nous. Personnellement, je fonctionne déjà pas mal de cette façon, pour les salaires et autres. Le BNIC a annoncé longtemps à l’avance l’arrivée de Concerto. Nous avons reçu de multiples mails. Mais, quelque part, trop d’information tue l’information. L’information n’a pas été bien digérée. Nous nous sommes retrouvés au pied du mur le 1er janvier. Ceci dit, nous allons nous adapter. C’est le propre de l’homme que de s’adapter. Sinon il meurt. »

 

 

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