Combien coûte en AOC Bordeaux la production de raisins sains et mûrs ?

27 décembre 2008

L’obtention de raisins sains et bien mûrs constitue désormais un enjeu majeur pour élaborer des vins de qualité et de typicités diverses qui soient adaptés aux spécificités des marchés. Les moyens techniques pour conduire un itinéraire cultural permettant d’atteindre cet objectif sont connus et leur mise en œuvre est tout à fait envisageable. Certains viticulteurs du Bordelais, dans les zones de productions de Bordeaux rouges ou blancs, le font d’une manière systématique depuis quelques années et d’autres s’interrogent sur les perspectives de valorisation supplémentaires que ce type d’approche pourrait leur apporter. Un véritable débat technico-économique s’est instauré en Gironde sur le coût de production des « raisins sains et mûrs ». L’URABLT de Branne, Libourne et Targon a réalisé une étude économique sur le sujet qui constitue une base de réflexion intéressant toute la filière de production.

Le vignoble de l’Entre-Deux-Mers a connu depuis une quinzaine d’années un fort développement et cela se traduit par une certaine diversité des densités de plantations. Les résultats d’une enquête récente confirment que dans cette zone du vignoble bordelais, la proportion de vignes larges est assez importante. 50 % des exploitations ne possèdent que des vignes larges et hautes (à 3 m d’écartement et plus) et à l’inverse, seules 25 % des propriétés exploitent uniquement des vignes étroites. Ces chiffres doivent être néanmoins tempérés selon les zones car, par exemple, sur le canton de Branne la proportion de vignes étroites (à 5 000 pieds/ha) est nettement plus importante alors que les vignes hautes et larges sont plus présentes sur les secteurs de Targon, de Rauzan et de Sauveterre-de-Guyenne. Le sujet densité de plantation fait l’objet depuis quelques années de débats très sérieux et parfois animés dans les appellations génériques de Bordeaux rouges et blancs.

Les clés du débat qualité ne reposent pas uniquement sur les densités de plantation

L’évolution récente des attentes qualitatives sur les marchés d’exportation tend à justifier la mise en œuvre de pratiques viticoles dites qualitatives qui ne se limitent pas au seul fait de densifier les plantations. L’obtention de raisins blancs et rouges bien mûrs et sains au moment de leur récolte ouvre des possibilités beaucoup plus larges en terme de conduite des vinifications et d’adaptation de la qualité des vins à une diversité de cibles de consommateurs. A l’inverse, le fait de rentrer en chais des raisins à la maturité incomplète nécessite la mise en œuvre de pratiques œnologiques plus correctives qui rendent plus difficile l’élaboration de vins aux caractéristiques diverses. La production d’une parcelle de 5 000 ceps/ha n’est pas forcément plus qualitative que celle d’une vigne à 2 500 ceps/ha si la conduite des vignes n’est pas maîtrisée. Les aspects liés à la maîtrise de la vigueur et de la production sont d’ailleurs peut-être plus délicats à réguler dans les fortes densités que dans des plantations larges où l’introduction de l’enherbement et la réduction des fumures constituent déjà des leviers techniques efficaces. Cette notion de maîtrise du vignoble doit aussi être en phase avec l’activité économique des exploitations, car si dans certaines zones de l’Entre-Deux-Mers la proportion de vignes larges et hautes est importante, cela correspond peut-être aussi à des contraintes de gestion des exploitations.

Les vignes larges dans l’Entre-Deux-Mers correspondaient aux qualitatives et économiques de la filière dans les décennies 70 et 80

Le développement des vignes larges et hautes a commencé dans le courant des décennies 70 et 80, à une période où beaucoup de plantations étroites de cépages blancs étaient reconverties en rouges. Le développement des vignes à faible densité se justifiait à l’époque compte tenu des conditions de marché et des efforts financiers que représentait le développement de la production de vins rouges. Plusieurs viticulteurs produisant des Bordeaux rouges et des Bordeaux supérieurs nous ont clairement expliqué qu’ils ne regrettaient pas leur investissement « vignes larges ». Cela leur a permis en quelque sorte de structurer leur activité et inévitablement de pérenniser le développement de leurs exploitations jusqu’à ces dernières années. Le choix vignes larges a permis d’alléger les charges de main-d’œuvre/ha et les marges financières économisées au niveau de la conduite du vignoble ont pu être investies à bon escient dans les équipements de vinification. Depuis le début des années 80, les viticulteurs de l’Entre-Deux-Mers ont réellement eu la volonté d’améliorer la qualité de leur production et c’est progressivement devenu une préoccupation de premier plan. A cette époque, le niveau qualitatif des productions de vins rouges des vignes larges correspondait aux attentes de la filière commerciale et beaucoup de transactions dans les appellations génériques étaient réalisées en vrac auprès du marché de place bordelais. Depuis, de gros efforts ont été réalisés au niveau de la vinification et la technologie des chais a véritablement permis de pratiquer une œnologie préventive. Le développement de ces nouvelles approches a progressivement amené les producteurs à prendre un peu plus en considération la qualité des raisins au moment de la récolte. Les réflexions qualitatives des œnologues sont aujourd’hui complètement en phase avec les messages techniques viticoles et c’est à la vigne que se prépare la qualité des vins. Les services techniques de la chambre d’agriculture et des ADAR de la Gironde ont largement communiqué ces dernières années sur le développement de pratiques viticoles dites qualitatives comme une taille raisonnée et raisonnable, des fumures judicieusement dosées, la maîtrise de la vigueur, les interventions en vert d’ébourgeonnage et d’épamprage en tête (pour éviter les entassements), l’effeuillage et la vendange verte.

Une Étude pour cerner le coût de production des raisins sains et mûrs

Certains producteurs de Bordeaux rouges au cœur de l’Entre-Deux-Mers ont aujourd’hui la volonté de s’engager dans la mise en œuvre de pratiques viticoles dites qualitatives et d’autres l’ont déjà fait sans peut-être en avoir chiffré le coût. Au sein de l’URABLT de Branne, Libourne et Targon, les débats autour des interventions qualitatives au vignoble entre viticulteurs produisant des Bordeaux rouges génériques vendus en vrac étaient depuis quelques années fréquents et passionnés. Les réflexions de ces producteurs ne remettaient pas en cause l’intérêt qualitatif de ces pratiques, mais leurs interrogations portaient sur la valorisation commerciale de ces démarches. Le développement récent d’achat contractuel de vendange ou de vins avec des cahiers des charges de production plus restrictifs par certains opérateurs du négoce bordelais est aussi un élément supplémentaire qui traduit une évolution importante dans les relations commerciales entre viticulteurs et négociants. M. Joël Duffau, le président de l’URABLT, a donc demandé à M. Eric Chadourne, l’ingénieur chargé des projets viticoles, de réaliser une étude technico-économique du coût d’itinéraires culturaux qualitatifs. Ce travail, présenté il y a quelques semaines aux adhérents de l’URABLT et à un certain nombre de professionnels de la région (représentants de la viticulture et du négoce), suscite de nombreuses réactions qui traduisent à la fois son bien-fondé et les enjeux économiques de ce débat technico-qualitatif pour la filière. Les viticulteurs produisant des Bordeaux rouges génériques ne s’opposent pas à la mise en œuvre d’itinéraires culturaux qualitatifs, mais leur souhait est d’en évaluer le coût pour en apprécier le niveau de valorisation. C’est en soit une démarche de bon gestionnaire qui incombe aujourd’hui aux viticulteurs qui deviennent des chefs d’entreprise de PME. De leur côté, les opérateurs commerciaux considèrent l’amélioration qualitative des Bordeaux rouges génériques comme indispensable pour conquérir des parts de marché à l’exportation et faire face à la concurrence de certaines productions de l’hémisphère sud. Une demande de vins « plus markettés » auprès d’un public de nouveaux consommateurs (habitués à consommés des sodas et de la bière) existe, mais faut-il les capter avec des produits qualitativement différents et d’un rapport qualité/prix acceptable. Le marché est donc demandeur de vins d’une qualité adaptée à des goûts différents des références standards des Bordeaux rouges du début des années 90. L’enjeu de ce débat d’adaptation de la qualité aux besoins du marché n’est pas de faire le « procès des vignes larges » mais de sensibiliser les viticulteurs de l’Entre-Deux-Mers et les opérateurs commerciaux à la fois aux réalités du coût « des raisins mûrs et sains ».

L’acquisition d’une base de réflexions réalisée à partir des relevés de temps de travaux

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  M. E. Chadourne considère qu’actuellement que les méthodes de cultures dites qualitatives sont parfaitement connues et relativement faciles à mettre en œuvre. Dans cette région de l’Entre-Deux-Mers, l’objectif est de rentrer en chais des raisins mûrs et sains en « faisant le plein » de rendement (60 hl/ha). Des raisins mûrs facilitent grandement la conduite des vinifications et ouvrent de véritables possibilités en terme de diversité de typicité des vins. L’extraction de la matière colorante, des tannins et des substances aromatiques peut être gérée avec souplesse et efficacité, ce qui permet d’élaborer de véritables cuvées de base ayant une typicité différente pour ensuite proposer des qualités commerciales adaptées aux besoins des différents débouchés. L’époque où sur des exploitations de 20, 30 ou 50 ha, l’objectif de la vinification était d’obtenir une récolte d’une qualité homogène et correspondant à un seul type de vins semble bel et bien révolue. Les besoins en terme de diversité de vins semblent d’autant plus faciles à atteindre quand les raisins sont récoltés sains et mûrs. M. Eric Chadourne, qui travaille depuis 10 ans sur les secteurs de Branne, Targon et Libourne, a eu avec ses collaborateurs comme préoccupation d’avoir une approche pragmatique pour cerner le coût de la production de raisins mûrs. Leur objectif a été de proposer des solutions pour tirer profit des vignes existantes (étroites et larges) et non pas de remettre en cause les structures des plantations. Pour des exploitations adeptes des vignes larges, le fait de revenir à des densités de plantations élevées (5 000 ceps au lieu de 2 500 ceps/ha) rapidement présente des risques sur les plans économique et technique. On peut faire de gros rendements avec des vignes étroites, d’autant que bon nombre de viticulteurs ont perdu l’habitude de maîtriser ce type de vignes. Il faut reconnaître que des plantations à 5 000 pieds/ha au tempérament maîtrisé permettent d’obtenir à un même niveau de rendement des productions qualitativement constantes et intéressantes. Par contre, les charges de main-d’œuvre liées au coût de production sont effectivement significativement plus lourdes dans les vignes étroites que dans les vignes larges. L’approche économique s’attache à mettre en évidence le coût des interventions culturales qualitatives au niveau des vignes étroites à 2 m et des vignes larges à 3 m. L’intérêt de ce travail réside dans l’acquisition d’une base de réflexions qui s’appuie sur une analyse des temps de travaux émanant d’itinéraires culturaux de viticulteurs répartis sur les cantons de Brannes, Targon et Libourne. Il ne s’agit pas d’une étude théorique mais d’une présentation technico-économique en phase avec des pratiques viticoles qui, certes, diffèrent d’une exploitation à une autre mais qui traduisent aussi la forte variabilité des charges de main-d’œuvre liées à ces interventions. Les coûts de production et les charges de main-d’œuvre des itinéraires culturaux classiques et « qualité plus » présentés dans les pages 36 à 39 sont intéressants de par les comparaisons qu’ils permettent de réaliser. Ce travail est bien le fruit de relevés de temps de travaux moyens qui sont certes toujours un peu sujet à discussion, mais les tendances générales qui s’en dégagent ne peuvent pas être remises en cause.

Interférer sur la vigueur en raisonnant les fumures de manière plus fine

La première série d’interventions qualitatives concerne la surveillance du potentiel de productivité des sols et la maîtrise de la vigueur. Il s’agit en fait de mettre en œuvre des démarches préventives pour maîtriser le développement végétatif et limiter les entassements de végétation. M. E. Chadourne considère que, d’une manière générale, les sols sur sa zone d’activité sont assez riches et cela permet d’envisager une gestion des fumures plus fine en abandonnant les démarches d’apports systématiques au profit d’approches plus fines par îlots de parcelles. La réalisation d’analyses de sols sur un tiers des surfaces tous les ans, complétée par des diagnostics pétiolaires (à la fermeture de la grappe), permet de connaître à la fois les réserves disponibles en éléments fertilisants et aussi les besoins foliaires. La prise en compte de ces deux éléments donne des indications du fonctionnement « du robinet », et les petits investissements en analyses génèrent des économies substantielles et ont une influence à terme sur la vigueur des vignes. La matière organique contribue également à la stabilité des sols et le fort développement de l’enherbement ces dernières années permet de contrôler l’équilibre humique. Globalement, les sols de l’Entre-Deux-Mers sont bien pourvus en matière organique et heureusement car le coût des apports est assez onéreux.

L’enherbement, un régulateur de « tempérament » à savoir moduler

La remise en cause des méthodes d’entretien des sols en intensifiant l’enherbement permanent des allées représente un excellent moyen de réguler la vigueur. Cela génère peu de coûts supplémentaires dans la mesure où beaucoup de vignes étaient jusqu’à présent enherbées dans une allée et désherbées en plein dans l’autre. Les charges des quatre ou cinq passages de broyeurs dans l’ensemble des allées sont en général compensées par les économies d’herbicides qui ne sont plus utilisées. Par contre, l’introduction de l’enherbement permanent doit être gérée comme une technique d’entretien des sols à part entière qu’il faut savoir moduler selon la nature des sols et parfois l’évolution de la climatologie. Au printemps, il est indéniable que le couvert végétal permet en quelque sorte « de pomper » les excès d’eau sans que cela crée des phénomènes de concurrence pour la vigne. Par contre en cours d’été, toutes les parcelles ne supportent pas d’être enherbées en plein, surtout si des périodes de sécheresse apparaissent durant la véraison et la maturation. Il faut savoir moduler l’enherbement en tenant compte des réserves hydrique des sols en n’hésitant pas à partir de fin juillet certaines années à « griller » le couvert végétal pour permettre aux raisins d’avoir une alimentation normale en eau.

Tailler pour obtenir un développement végétatif homogène

Le souci d’obtenir une végétation plus homogène et de limiter les entassements de végétation a aussi été pris en compte comme des critères d’amélioration qualitatifs qui contribuent à améliorer l’aération des raisins, et donc leur état sanitaire et leur maturation. La réalisation d’une taille en Guyot double courte attachée à plat à la place de petites arcures permet à la fois d’avoir une végétation plus homogène en terme de stade végétatif et de répartition de la végétation. La limitation du nombre de coursons est aussi un moyen d’éviter les phénomènes d’entassement de végétation au niveau de la fourche des ceps, et cela a aussi une incidence directe sur les temps de travaux d’égourmandage des têtes de souches. L’introduction de ce mode de taille n’est peut-être pas à généraliser dans les zones gélives, compte tenu du débourrement très homogène.

Des opérations en verts coûteuses pour aérer la végétation

Le deuxième volet des pratiques dites qualitatives concerne les opérations en vert qui regroupent trois interventions : le dédoublage des contre-bourgeons dans la première quinzaine de mai, l’ébourgeonnage des pousses mal placées et l’épamprage de la tête des souches. La finalité de ces interventions est de favoriser ultérieurement l’aération des grappes La réalisation de ces travaux nécessite des charges de main-d’œuvre plus ou moins importantes selon la vigueur des plantations qui se situent autour de 25 heures/ha dans une vigne large et 30 heures dans une vigne étroite. Le coût de ces opérations en vert varie de 274 à 324 E/ha (1 800 et 2 160 F), ce qui représente une charge supplémentaire que l’on peut qualifier de non négligeable. L’expérience des viticulteurs a permis d’observer que plus ces travaux étaient réalisés tôt en saison, plus leur mise en œuvre était facile et rapide. La réalisation de ces travaux nécessite aussi un certain savoir-faire pour conserver les sarments bien placés et maintenir un bon équilibre végétatif sur les souches. En effet, l’ébourgeonnage des contre-bourgeons peut avoir un effet régulateur marqué sur la vigueur des vignes et c’est une opération dont il faut savoir moduler l’intensité en fonction de l’évolution végétative des parcelles. Par ailleurs, sur des cépages comme le Merlot ou le Cabernet, le fait de réaliser ces interventions en vert facilite les travaux de taille l’hiver suivant et la charge de travail supplémentaire au printemps est partiellement compensée par des gains de temps en hiver. M. E. Chadourne pense que la réalisation des opérations en vert nécessite une véritable compétence en terme gestion de l’équilibre végétatif des souches. L’idéal serait de faire effectuer ces travaux par les tailleurs qui ont naturellement le sens du bois à sélectionner et à enlever. Le recours à de la main-d’œuvre saisonnière pour réaliser ces travaux peut être une solution dans la mesure où ce personnel est encadré et formé.

Effeuillage et traitements anti-botrytis, deux approches importantes et indissociables

L’épamprage mécanique constitue aussi une intervention qualifiée de qualitative en raison de son principe qui est respectueux des contraintes environnementales. Les charges supplémentaires générées par deux épamprages mécaniques du tronc s’élèvent à 81 E (530 f Ht) dans les vignes larges. L’épamprage chimique demeure une technique efficace mais son principe est de plus en plus décalé par rapport aux démarches de lutte raisonnée. L’effeuillage mécanique est par contre une opération incontournable et effectuée dans de bonnes conditions, son efficacité en terme de lutte contre le botrytis est assez spectaculaire. M. E. Chadourne considère qu’un effeuillage précoce (côté soleil levant) aussitôt la floraison représente en soi un premier traitement contre le botrytis. La réalisation trop tardive d’un effeuillage mécanique favorise les phénomènes de grillure des baies au moment de la véraison. En effeuillant précocement, les jeunes grains ont le temps de s’habituer aux fortes insolations estivales et elles acquièrent alors une résistance naturelle aux phénomènes de brûlure au moment de la véraison. Le coût de cette intervention, qui est directement proportionnel au frais de mécanisation, varie de 154,74 E/ha (1 015 F ht) dans les vignes à 3 m à 249,71 E/ha (1 638 F HT) dans les vignes étroites. Dans les itinéraires culturaux qualitatifs, la réalisation de deux traitements anti-botrytis spécifiques est devenue systématique, ce qui génère des charges supplémentaires de 274 E ht/ha (soit 1 797 f ht). Sur le plan technique, le fait d’associer effeuillage et traitements contre la pourriture sont des démarches préventives et systématiques qui contribuent à prolonger la conservation des grappes en bon état sanitaire le plus tard possible en saison et donc à en optimiser la maturation.

L’éclaircissage, une technique difficile à mettre en œuvre et lourde sur le plan économique

La dernière intervention réalisée qui interfère en fin de saison sur la charge de grappes et leur aération est l’éclaircissage en vert. C’est véritablement une opération corrective qui ne peut être envisagée qu’à partir de la fermeture de la grappe, lorsque les viticulteurs ont pris la juste mesure de charge de grappes de leurs parcelles. Les paquets de grappes peuvent faciliter le développement de foyers de botrytis et rendre la véraison et la maturation difficiles (même dans des vignes effeuillées). L’élimination de grappes dans le courant du mois de juillet présente toujours certains risques vis-à-vis de la productivité, notamment sur un cépage comme le Merlot qui possède une bonne capacité de compensation et peut aussi réagir fortement aux excès climatiques de fin de saison. Les caractéristiques du climat pendant la phase de maturation peuvent influer de manière très significative sur le poids des grappes, ce qui rend complexe la gestion par anticipation des vendanges vertes. Bon nombre de viticulteurs réalisent un premier éclaircissage aussitôt la fermeture de la grappe et ensuite repassent dans les semaines qui suivent la véraison pour enlever les grappes trop vertes. M. E. Chadourne considère que réaliser l’éclaircissage en deux phases est une démarche sage par rapport au double objectif de rendement proche de 60 hl/ha et de meilleure aération des grappes. La mise en œuvre de ce travail est une opération difficile à gérer sur le plan technique et en terme d’organisation. Réalisé trop tôt, un éclaircissage provoque une forte compensation des souches et son intérêt vis-à-vis du rendement est limité, et réalisé tard (au-delà 2 à 3 semaines après le début véraison), l’incidence sur la qualité des raisins sera réduite. Dans des vignes à 3 m, l’éclaircissage nécessite en moyenne 40 heures de main-d’œuvre/ha et 55 h/ha, soit des coûts qui se situent entre 480 E et 604 E (3 149 F et 3 965 F/ha). Le coût de cette opération est donc lourd sur le plan économique mais, les années de faible maturité, il peut s’avérer intéressant sur le plan de la qualité. Néanmoins, M. E. Chadourne considère que la réalisation dans la première partie du cycle végétatif des interventions de maîtrise de la vigueur et des opérations en vert (dédoublage, ébourgeonnage et épamprage des têtes) devrait permettre d’éviter de réaliser la mise en œuvre de l’éclaircissage en fin de saison dont les résultats sont assez aléatoires.

Les vignes étroites génèrent des charges supplémentaires

Le coût de production des vignes étroites est par ailleurs plus élevé de 15 % par rapport à celui des plantations larges, ce qui représente en valeur une somme de 787 E/ha (soit 5 163 f ht). Cette différence de coûts de production alimente actuellement un débat passionné au niveau des densités de plantation au sein des zones de production Bordeaux. Le retour à des densités de plantation élevées est prôné par certains producteurs qui misent sur une stratégie de développement à moyen terme de leur vignoble au niveau de la régularité de production et de l’image de marque de leurs domaines. D’autres continuent de défendre l’intérêt des vignes larges qui, à des rendements de 50 à 60 hl, permettent d’élaborer des vins de très bonne qualité à un niveau de coût moindre. Les notions de pénibilité des travaux et de formation du personnel constituent aussi des éléments à ne pas sous-estimer dans le choix d’un système de conduite. Par exemple, le niveau d’établissement des pieds contribue à une incidence directe sur la vitesse et la pénibilité des travaux sur les souches. Sur le plan technique, les vignes basses bénéficient d’un effet de rayonnement sur les sols de graves mais pas sur les argilo-calcaires de l’Entre-Deux-Mers et, à l’inverse, 15 cm de hauteur peut aussi constituer un avantage non négligeable vis-à-vis des gelées sur des cépages précoces comme le Merlot et le Sauvignon blanc. Un certain nombre de producteurs adeptes des vignes larges opte actuellement pour des densités de plantation intermédiaires à 2,50 m d’écartement et 4 000 pieds/ha qui permettent d’utiliser le même matériel que dans les vignes larges. C’est un compromis technico-économique qui traduit à la fois la volonté des entreprises viticoles de faire des efforts tout en ayant une gestion pragmatique à court terme. Les récentes fluctuations des marchés et la concurrence de plus en plus vive de pays nouveaux producteurs rendent de plus en plus difficile, dans des aires de production générique, la mise en œuvre sur les exploitations de stratégies d’entreprises à moyen terme qui sont pourtant totalement en phase avec la pérennité des vignobles.

Les interventions qualitatives génèrent une augmentation du coût de production/Ha d’environ 20 à 22 %

La présentation des prix de revient/ha dans les vignes larges et étroites montre que les écarts de coût de production entre les itinéraires culturaux dits classique et qualité + sont de l’ordre de 20 à 25 % quel que soit le niveau de rendement des parcelles. Le surcoût/ha véritable d’un itinéraire
qualité + s’élève à 1 241 E (8 142 F) dans une vigne large et 1 474 E (9 668 F) dans une vigne étroite. Ces sommes globales peuvent paraître élevées car elles traduisent une augmentation des charges à l’échelle d’un hectare et leur poids économique est amplifié par la diminution des rendements/ha. La prise en compte du coût de la qualité ramené à l’hl ou à la bouteille donne une idée plus juste de l’incidence de ces charges supplémentaires. Le surcoût au niveau d’un hl se situe dans des vignes larges entre 22 à 27 E (144 à 181 F) et 24 à 32 E (157 à 215 F) en sachant que l’objectif des exploitations est quand même de rechercher un rendement de 60 hl/ha. Le surcoût au niveau d’une bouteille qui varie entre 1 et 1,60 F (0,15 à 0,24 E) paraît un peu plus dilué. Néanmoins, les charges directement liées aux interventions qualitatives sont tout de même significatives et cela suscite un véritable débat autour de leur valorisation. Les viticulteurs qui commercialisent leur production en vrac auprès du négoce de place peuvent-ils réellement valoriser ces efforts ? Les opérateurs du négoce et de la filière commerciale ont-ils la possibilité de vendre cette qualité sur le créneau de marché des vins génériques ? Les exploitations qui s’engagent dans ces démarches qualitatives ne font-elles pas un investissement à moyen terme qui leur permettra dans 5 ou 10 ans de pérenniser des courants commerciaux plus porteurs ? Les approches qualitatives développées sont-elles réellement en phase avec les attentes du marché ? Le concept production de terroir est-il cohérent par rapport à une demande de vins plus « markettés « et de qualité sûrement évolutive dans le temps ? Toutes ces interrogations traduisent en fait aussi les différences d’approches des entreprises viticoles au niveau de leur commercialisation, car certaines ont les moyens de valoriser les stratégies qualitatives et d’autres pas.

L’itinéraire Qualité Plus c’est :

l Des analyses régulières de sol et de pétioles pour maîtriser la fertilisation.
l La maîtrise de l’enherbement et du désherbage sous le rang.
l Une taille raisonnée pour gérer le rendement, la vigueur et la répartition de la vendange sur le pied.
l Le dédoublage qui consiste à supprimer les contre-bourgeons.
l L’ébourgeonnage pour enlever les bourgeons principaux mal disposés et pour éviter l’entassement.
l L’épamprage de la tête.
l Des rognages maîtrisés (hauteur, largeur, cadences) pour gérer au mieux la surface foliaire.
l L’effeuillage mécanique précoce côté soleil levant.
l L’éclaircissage uniquement pour limiter l’entassement et ajuster le rendement.
l Un programme de traitement phytosanitaire raisonné et un contrôle technique périodique du pulvérisateur.
l Un suivi technique tout au long du cycle végétatif par des ingénieurs et techniciens du Service Vigne de l’URABLT.
l Un accompagnement personnalisé des vinifications par les œnologues.

La Qualité : Combien ça coûte en AOC Bordeaux

Synthèse – Coûts complets (en F et en E/ha) pour des vignes hautes et larges à 3 m x 1 m et des vignes basses et étroites à 2 m x 1 m

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