Cognacs Bisquit : La renaissance d’une marque

29 juin 2010

Rachetés par le groupe sud-africain Distell à Pernod-Ricard, les Cognacs Bisquit mettent la dernière main au repositionnement de la marque. De nouveaux axes de marchés se dessinent et l’équipe travaille à la typicité de la gamme. La maison s’est installée avenue du Général-Leclerc à Cognac, dans l’immeuble de prestige laissé vacant par Raynal-Pellisson. Un bel écrin pour une marque partie à la reconquête de son « ADN ». Interview de Vincent Chappe, directeur de Bisquit.

bisquit.jpg« Le Paysan Vigneron » – Racontez-nous la « saga » des Cognacs Bisquit.

Vincent Chappe – L’aventure commence en 1819, quand Alexandre Bisquit fonde sa maison à Jarnac. C’était alors un tout jeune homme – il avait vingt ans – et venait de Saint-Jean-d’Angély. On retrouve trace de sa famille, fortement impliquée dans la viticulture, jusque dans les années 1692. Alexandre Bisquit vivra relativement vieux puisqu’il mourra à l’âge de 87 ans. Sa fille épouse Adrien Dubouché, d’où le nom de Bisquit-Dubouché & Cie, nom que nous avons souhaité reprendre. Adrien Dubouché, originaire de Limoges, est un grand amateur d’art, ami d’Edouard André Jacquemart (musée Jacquemart-André à Paris), collectionneur de tableaux et d’objets d’art. En tant que mécène, Adrien Dubouché donnera son patronyme au musée national de la Porcelaine de Limoges. A Jarnac, les Bisquit-Dubouché s’investissent fortement dans le social. Ils créent école, hôpital, la sécurité sociale pour leurs employés. Ce sont aussi de grands voyageurs, des « baroudeurs ». Dès 1849, ils emmènent leur Cognac en Chine, parcourent l’Afrique du nord. Ils font partie des tout premiers à lancer la Fine à l’eau ainsi qu’à vendre du Cognac plutôt en bouteille qu’en fût. Leur politique de marque est innovante et la qualité toujours mise en avant. Ils s’adaptent à l’évolution des affaires et suivent les nouveaux gisements de marchés. C’est ainsi que Bisquit s’implante dès le 19e siècle en Allemagne, au Mexique, aux Etats-Unis, en Chine. C’est cet « ADN » que nous essayons de retrouver, afin de redonner à la marque le lustre de son passé.

« L.P.V. » – Que se passe-t-il après cette période faste ?

V.C. – En 1966, la marque est vendue à la société Pernod-Ricard qui la transporte dans son fief de Lignières près de Rouillac. Elle est alors adjointe à la maison Renault et vivra sa vie comme « Renault-Bisquit » jusqu’en 2009. Entre-temps, le groupe Pernod-Ricard a racheté la maison Martell. La marque Renault-Bisquit n’est plus stratégique pour le groupe. C’est ainsi que le 31 mars 2009, le groupe Distell se porte acquéreur de Bisquit, pour un montant de 31 millions d’€. Cette somme recouvre non seulement la marque mais aussi des lots importants d’eaux-de-vie. Distell complétera son investissement de 3 millions d’€ supplémentaires pour racheter à la société William Grants les actifs mobiliers et immobiliers de l’avenue du Général-Leclerc, siège du brandy Raynal avant sa délocalisation.

« L.P.V. » – Qui est le groupe Distell ?

V.C. – C’est un groupe de vins et spiritueux sud-africain coté à la bourse de Johannesburg. En terme de chiffre d’affaires, il pèse un peu plus d’1 milliard d’€ et emploie 4 200 collaborateurs de par le monde. Avec des marques comme Nederburg ou « Fleur du cap », un Sauvignon blanc, il fait partie des premiers acteurs mondiaux dans le domaine du vin (n° 10 mondial). Sur le marché des brandies, il occupe la 4e place mondiale, essentiellement avec des marques locales, tandis qu’il arrive au 3e rang du marché des cidres. A l’international, sa marque la plus connue est un spiritueux à base de crème, Amarula, qui ressemble assez à la liqueur Baileys. Aujourd’hui, le groupe Distell s’internationalise.

« L.P.V. » – Pourquoi épingler un Cognac à son portfolio ?

V.C. – Quand vous êtes un des premiers acteurs mondiaux des brandies, il y a quelque légitimité à s’intéresser au Cognac. De par ses spécificités, l’eau-de-vie de Cognac dégage une sorte d’aura. Les dirigeants du groupe Distell connaissaient bien la région pour s’y rendre depuis des années et souhaitaient procéder à une acquisition. A l’annonce de la cession de Bisquit, ils ont jeté leur dévolu sur la marque car le groupe a toujours eu la passion de la qualité.

« L.P.V. » – Pourquoi vous être installé dans l’ancien immeuble Pellisson, avenue du Général-Leclerc ?

V.C. – Si vous le voulez bien, l’on parlera désormais de la maison Bisquit (sourire). L’intérêt de ce site saute aux yeux. C’est un ha et demi au cœur de Cognac, doté d’un beau bâtiment néo-classique. Nous pratiquons ici nos assemblages, coupes, de même que la mise en bouteille et l’entreposage des produits finis. Les eaux-de-vie sont stockées ailleurs, pour les raisons réglementaires que l’on sait.

« L.P.V. » – A Cognac, la société compte quel effectif ?

V.C. – L’équipe se compose de quinze personnes. Elle se partage entre une direction marketing, animée par Stanislas Ronteix, une direction administrative, financière et de reporting, pilotée par Navas Van Rooyen, collaborateur de longue date du groupe Distell, et une direction opérationnelle gérée par le maître de chai Denis Lahourarate et par moi-même, en tant que directeur de la société. Parmi les quinze employés, cinq sont des ex Raynal. Cela représente un tiers de notre effectif.

« L.P.V. »- Quelles sont vos missions au siège de la marque ?

V.C. – Nous avons en main la gestion globale de la marque, en nous appuyant bien entendu sur les savoir-faire, le pôle d’expertise et les réseaux de Distell, dont les bureaux se situent à Sao-Paulo, New York, Francfort, Singapour et bien sûr Stellenbosch en Afrique du Sud. Au niveau marketing, nous sommes en train de redéfinir le positionnement de la marque. Nous mettons la dernière touche à de nouveaux packagings, réfléchissons à des cibles pays plus conformes aux marchés stratégiques du Cognac. Aujourd’hui, la marque Bisquit est leader incontesté en Belgique. Elle est également bien implantée en France et en Suisse. Nous regardons un peu du côté de certains pays émergents et de quelques places fortes du Cognac. Bien sûr, nous n’allons pas tout révolutionner. On ne nous attend pas sur les marchés et la compétition est rude. Ceci dit, nous sommes convaincus de la résonance très forte de la marque. Nous avançons « step by step », étape par étape.

« L.P.V. » – Qui vous distribue ?

V.C. – Sur nos trois marchés phares – Belgique, Suisse et France – nous avons un accord de distribution avec Pernod-Ricard, qui court sur deux ans. Le réseau est très performant et nous assure de bonnes retombées. En Russie, en Chine, nous venons d’identifier de nouveaux partenariats, que nous sommes en train de finaliser. En Afrique du Sud nous passons naturellement par Distell.

« L.P.V. » – En terme de qualité, quelle politique conduisez-vous ?

V.C. – Là aussi restons modestes. La gamme demeure très classique avec un VS, un VSOP, un XO. Nous sommes tout de même en train de travailler à une extension de cette gamme vers le haut, avec la volonté d’introduire certains éléments spécifiques au niveau des eaux-de-vie. Nous souhaiterions apporter beaucoup de caractère à nos Cognacs, comme ce fut le cas par le passé. En matière de distillation par exemple, nous allons revenir à une typicité Bisquit. Notre maître de chai Denis Lahourarate – un ancien de chez Gourmel – cultive une passion pour le Cognac. Son influence est déterminante.

« L.P.V. » – Où vous approvisionnez-vous ?

V.C. – Notre première campagne, nous l’avons mené avec huit partenaires distillateurs de profession. Leur marchandise a couvert une grande partie de nos besoins. Pour nous aider à lisser nos apports, nous avons également fait appel au second marché, via les courtiers et marchands en gros. Cette démarche ne présente rien d’original. Pa contre, nous sommes résolus à instaurer un partenariat durable avec les viticulteurs, pour assurer une majorité de nos apports. Nous voulons nous inscrire dans la durée, en respectant les règles du jeu.

« L.P.V. » – Aujourd’hui, comment vous situez-vous dans le spectre des maisons de Cognac ?

V.C. – Je dirais que nous sommes une petite maison moyenne. Il y a les quatre grandes, une cinquième maison, Camus et puis les autres, en sachant bien sûr que le palier est énorme entre les petites et les grandes. Evidemment, nos ambitions ne s’arrêtent pas là. En tant qu’acteur indépendant, nous disposons de moyens importants sans être démesurés. Nous devons justifier l’emploi des fonds qui nous sont accordés et c’est très bien ainsi.

« L.P.V. » – Comment devient-on directeur d’une maison de Cognac ?

V.C. – Comme toujours, c’est le fruit des hasards de la vie et d’un réseau professionnel tissé tout au long d’une carrière. J’ai commencé ma vie professionnelle dans le domaine des eaux-de-vie. Par ma mère, je suis lié à la famille Pinard et j’ai débuté dans la distillerie familiale. J’y ai appris pendant quatre ans les rudiments de la distillation et de la viticulture. Ensuite j’ai rejoint mon père dans l’activité packaging (les cachets Chappe), avant d’intégrer la société L & L (Lafragette) en tant que directeur marketing. J’y suis resté sept ans puis ai retrouvé le domaine du packaging. Mon parcours, mon implantation locale, ma connaissance globale du secteur, correspondaient au profil recherché par Distell. Je crois pouvoir dire qu’il y avait aussi entre nous un partage de valeurs. Le groupe Distell a beau être puissant, il n’en reste pas moins attaché à tout l’aspect humain. Aujourd’hui, pour moi, animer une équipe présente quelque chose d’exaltant, d’autant plus que nous avons confiance dans le potentiel de la marque. Et les faits nous donnent raison. Malgré la crise, qui s’est traduite par une dépression des volumes, Bisquit est resté en ligne avec le « business » général du Cognac. Grâce au réseau de Pernod-Ricard, il n’y a pas eu de rupture de distribution.

« L.P.V. » – Quel accueil vous ont réservé vos collègues négociants ?

V.C. – Il a été très positif, je dirais même confraternel. La maison vient d’intégrer le Syndicat des maisons de Cognac. Si la compétition existe sur les marchés ainsi que sur beaucoup de paramètres, elle n’empêche pas une forme de réflexion commune sur des sujets transversaux ainsi qu’une certaine convivialité.

« L.P.V. » – En tant qu’adjoint de Jérôme Royer à la mairie de Jarnac, les racines jarnacaises de la société Bisquit sont-elles importantes pour vous ?

V.C. – A coup sûr, Jarnac nourrit un lien affectif avec Bisquit. A titre personnel, je me souviens que mon père fut un ami de François Laporte-Bisquit, celui par qui s’est faite la passation avec Paul Ricard. Bisquit est une vieille grande marque en train de vivre sa renaissance. C’est assez formidable de participer à cette aventure.

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