Cognac – Scrutin Viticole à l’ADG Des Enjeux Syndicaux Exacerbés

17 mars 2009

Cognac ne serait pas Cognac si le négoce ne se voyait pas accorder, toujours et en toutes circonstances, une place pivot, centrale, pour tout dire exorbitante. Comme tous les trains partent de la capitale et reviennent à Paris, tous les débats ramènent au négoce. Les élections à l’ADG Cognac ont eu lieu. Une partie significative de la viticulture s’est exprimée, représentant l’équivalent de 43 000 ha de vignes sur 74 000 ha. Et au fond, tout tourne autour de la question de l’indépendance du syndicalisme viticole vis-à-vis du négoce. Le SGV Cognac a obtenu la majorité des voix et la majorité des postes de délégués à l’ADG mais il est non moins clair que le SVBC sort renforcé du scrutin. En Fins Bois, la formation présidée par Christophe Véral rafle 23 des 29 postes de délégués à pourvoir dans ce cru. En nombre de voix, la confrontation SGV/SVBC se traduit par 49 % des voix pondérées pour le SVBC (45,5 % des voix non pondérées). Alors que l’unité viticole constitue le thème récurrent de ces derniers mois, un tel score serré pourrait apparaître comme idéal. N’est-ce pas la configuration rêvée pour forger l’unité syndicale dont on parle tant ! Sauf que le SGV nourrit des suspicions sur l’indépendance du SVBC à l’égard du négoce. Des membres du SVBC ne seraient-ils pas « dans la manche » de certaines maisons ? Accessoirement, des représentants du négoce ne souhaiteraient-ils pas s’immiscer dans les débats internes à la viticulture pour tenter d’infléchir des positions. Quand il s’agira de voter – et notamment de voter sur le rendement – des membres de la famille viticole ne seront-ils pas tentés de joindre leurs voix à celles du négoce ? Ce genre de débat n’est pas nouveau dans la région délimitée. Sans remonter aux calendes grecques, les « anciens syndicats », FVC, FSVC en ont tour à tour fait les frais, quand ce n’est pas au Modef lui-même d’avoir été accusé de servir les intérêts objectifs du négoce dans l’affaire des dépassements de QNV. Mais les accusations étaient proférées à mots couverts. Fait nouveau aujourd’hui : la question de l’indépendance syndicale est abordée au grand jour, de manière frontale. Question d’homme peut-être. Le SVBC lui-même ne se dérobe pas au débat et apporte des démentis. « Non, disent ces représentants. Nous ne sommes pas sous influence du négoce. On peut accuser tout le monde de tout mais ce n’est pas nous, à l’époque ultra-minoritaires au BNIC, qui avons accepté une formule de calcul du rendement sans parler de prix minimum. Depuis l’origine, le négoce réclame l’affectation parcellaire alors que nous y sommes globalement opposés. Même chose pour les jus de raisins au-dessus des ha Cognac. Le négoce est contre. Nous lui avons répondu qu’alors, il devrait nous payer la différence ! Ces exemples, parmi d’autres, démontrent notre totale indépendance vis-à-vis du négoce. »

Occupés à traiter leurs vignes, les viticulteurs de « base » ont-ils perçu toute cette agitation ? Pas sûr. Pourtant, entre le 12 juin, date du dépouillement des élections à l’ADG et le 24 juin, constitution de la nouvelle ADG, les états-majors syndicaux de la viticulture se sont offerts une de ces crises dont ils ont le secret. Les choses avaient plutôt bien commencé. Et puis le ton s’est très vite envenimé, le SVBC affichant son « droit » à 8 délégués sur 17 au conseil d’administration de l’ADG, tandis que le SGV, majoritaire en voix et en délégués, ne lui en concédait que 6 (5 en FB et 1 « tous crus »). L’échange pris même un tour paroxysmique le 23 juin, veille de l’assemblée constitutive, quand les syndicats tinrent conférence et contre-conférence de presse à quelques heures d’intervalle. Stratégie délibérée pour faire monter les enchères ou stigmate de nerfs à fleur de peau ? En tout cas, la formule belliqueuse et le propos guerrier portèrent beau en ce joli mois de juin, entre « mes gars chauds-bouillants » (SVBC), « ils iront se faire voir chez les Grecs » (SGV), les deux se déclarant unanimement « à l’aise dans ses baskets » (SGV) ou « droit dans ses bottes » (SVBC). Et puis, au pied du mur, la tension est un peu retombée. Le jour de l’assemblée constitutive de l’ADG – et quand même trois suspensions de séances plus tard – « le SVBC a fait un pas en arrière et nous avons fait un pas en avant » dixit J.-B. de Larquier. Autrement dit, les deux syndicats ont produit réciproquement ce « geste » qu’ils attendaient tant l’un de l’autre. Le SVBC consent à « rabattre ses prétentions » de 8 à 7 et, de fait, il voit son nombre de sièges passer de 6 à 7. Outre le nombre, un autre sujet de discussion a porté sur l’origine des administrateurs. Le « deal » de départ du SGV consistait à attribuer au SVBC 5 délégués FB et 1 délégué « tous crus ». Finalement, le SVBC obtient un délégué Grande Champagne, 4 délégués Fins Bois et 2 délégués tous crus (voir liste ci-dessous). Heureux dénouement, le vote des administrateurs issus de la viticulture s’est fait à main levée et à l’unanimité du collège viticole, à l’étonnement sans doute du négoce. Commentaire d’un syndicaliste viticole : « Ils ne pensaient pas qu’on y arriverait. » A la présidence de l’ADG, le SGV a proposé la candidature de Bernard Laurichesse. Il fut élu à l’unanimité des deux collèges. Le SVBC a salué cette élection. « Bernard Laurichesse est quelqu’un de très consensuel. Son exploitation est spécialisée Cognac, il emploie du personnel, il sait ce qu’un prix de revient veut dire. Nous sommes très contents que ce soit lui. »

Maintenant, reste le renouvellement du BNIC. Et là, c’est une tout autre paire de manche. Au sortir de l’ADG, les deux syndicats ont prévenu : « On ne cédera rien. Le modus vivendi dégagé à l’ADG n’interfère d’aucune façon sur le BNIC. » Le SVBC n’entend pas changer ses positions d’un iota : « Nos 49 % des voix (réalisées aux élections ADG valant test de représentativité – NDLR) nous donnent droit à 8 personnes en assemblée plénière du BNIC et à 3 personnes au comité permanent. Notre syndicat ira jusqu’au bout. Aucune transaction n’est possible. » De son côté, le SGV manifeste une égale fermeté. « Comme nous l’avons toujours dit, nous allons proposer une liste de 12 représentants du SGV et de 5 représentants du SVBC. » La première assemblée plénière du BNIC renouvelé se tiendra le 23 juillet. D’ici là, la viticulture va devoir envoyer la liste des membres de la famille viticole siégeant au BNIC, liste conjointe entre les deux syndicats ou bien listes séparées, la seconde hypothèse s’annonçant comme la plus probable. Au final, qui validera les 17 noms composant la famille de la viticulture à l’assemblée plénière du BNIC ? Et, question à cent euros, qui sera élu président du BNIC, sachant qu’il s’agira de toute façon d’un viticulteur ? Un syndicaliste viticole fait remarquer que la balle sera alors dans le camp du négoce puisque les deux familles élisent de concert les membres du comité permanent, président en tête. Une occasion en or de tester, in vivo, l’indépendance des uns et des autres.

ADG Cognac – Composition du conseil d’administration

Grande Champagne : Bernard Gauthier (SVBC), Bernard Laurichesse (SGV) – Petite Champagne : Philippe Guélin (SGV), Jean-Bernard de Larquier (SGV) – Borderies : Marie-Laure Saint-Martin (SGV) – Fins Bois : Isabelle Clochard (SGV), Philippe Martineau (SVBC), Michel Saunier (SVBC), Christophe Véral (SVBC), Rolland Vilneau (SVBC) – Bons Bois et Bois Ordinaires : Jean-Christophe Baraud (SGV), François Bonneau (SGV) – Tous crus : Eric Gauche (SGV), Paul Giraud (SGV), Christophe Turpeau (SGV), Stéphane Roy (SVBC), Michel Vallet (SVBC).

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