Il y a quelques mois encore, qui aurait parié une poignée de cacahuètes sur la possibilité d’un aboutissement rapide d’une procédure INAO ? De tentatives avortées en coups d’épée dans l’eau, d’atermoiements en tergiversations, depuis une petite quinzaine d’années déjà (1989), les commissions d’enquête se succédaient, en vain. Actionnées sans véritable nécessité ni véritable envie de conclure, elles apparaissaient un peu comme des coquilles vides. A coup sûr, les esprits n’étaient pas mûrs, les objectifs sans doute trop flous et la structure INAO peut-être trop rigide pour s’adapter aux spécificités du Cognaçais. Quand, en novembre 2003, la commission d’enquête revient, après quelques coups de sonde préalables, le contexte a changé. Les charentais savent pourquoi ils veulent l’INAO – l’affectation parcellaire – l’unité viticole a été réalisée (à quelques coups de canifs près) et l’INAO prend sans doute plus au sérieux ses interlocuteurs. Emmené par un secrétaire Joseph Tourmeau qui a de la « bouteille » – c’est bien le moins pour le délégué INAO de la région Bourgogne – comptant en son sein quelques grosses pointures comme le président du Syndicat des Vignerons de Champagne, Philippe Feneuil, la commission d’enquête a su « tailler sa route » et trouver des compromis entre respect de la charte INAO et adaptation aux conditions locales. Au final, cela donne un projet de décret modificatif qui a de bonnes chances d’aboutir. Si l’ordre du jour est respecté, il devrait être soumis au prochain Comité national des vins et eaux-de-vie des 27 et 28 février. Avant cette date et conformément à la procédure habituelle, tous les syndicats de la région délimitée auront reçu copie du texte et auront pu faire les observations qu’ils jugeraient utiles. Ensuite, les 70 représentants du Comité national INAO devront se prononcer.
L’AOC n’est pas vraiment une nouveauté pour le Cognac. L’eau-de-vie charentaise vit sous son empire depuis le décret du 1er mai 1909, complété par les décrets du 15 mai 1936 et du 13 janvier 1938. Mais beaucoup de blancs persistaient, empêchant le Cognac d’être une appellation « comme les autres ». C’est ce que le projet de décret se propose de gommer en partie, en introduisant notamment le principe de l’identification parcellaire, nécessaire à définir l’aire géographique avec la délimitation géographique, ou le rendement butoir. Ce rendement serait fixé à 120 hl vol./ha, à charge pour le Syndicat de défense de proposer chaque année un rendement maximum eau-de-vie. « Et quand nous aurons fait cela, nous n’aurons accompli que la moitié du chemin » disent les professionnels. Car la revendication parcellaire et le rendement Cognac ne vont pas sans l’obtention de rendements différenciés sur les vignes autres. On les dit plus faciles à décrocher. A voir. Ils exigeront certainement un intense travail de lobbying. Et puis quelqu’un comme Jacques Maroteix, président de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, n’oublie pas de rappeler que « derrière le décret INAO, il faudra obtenir très vite un autre décret imposant une affectation maximale de 80 % des droits de plantation au Cognac ». C’est tout le volet extournement, qui suscite bien des débats à l’intérieur de la région. Si tout le monde se dit d’accord sur le principe, les avis divergent sur les moyens d’y parvenir.
Les « Maritimes » sont allés à la rencontre d’Hervé Gaymard et des conseillers techniques du ministère de l’Agriculture le 15 janvier dernier. Les accompagnaient, outre les parlementaires 17, Jacques Bobe, député de la Charente et Bernard Guionnet, vice-président de la Chambre d’agriculture 16 et président du BNIC. Henri de Richemond, président de commission agricole de la région Poitou-Charentes, avait décliné l’invitation, comme étant par trop de « dernière minute ». Dès les prémices de cette réunion, régnait un léger parfum de division. Si les Charentais-Maritimes n’ont pas fait amende honorable et estiment légitime leur initiative – « il est arrivé que les Charentais aillent voir seuls le ministre ; il faut accepter que la Charente-Maritime se bouge » – ils n’ont pas souhaité mettre de l’huile sur le feu. Manifestement, « en haut », on ne voit pas d’un bon œil la division, d’où qu’elle vienne et de quelque façon qu’elle se manifeste. « Serrons les rangs ! » L’autre message à retenir est peut-être celui d’avoir voulu intégrer de manière plus étroite les parlementaires. Après tout, ce sont eux qui votent les lois.
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