La Croissance Des Spiritueux Tire Les Bouchons

18 mars 2009

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Christian Delage.

Que serait une carafe sans son bouchon et, à Cognac, un bouchon sans sa tête ? Petit objet fonctionnel autant que porteur d’image, le bouchon à tête surfe sur la vague des spiritueux premium et super-premium, Cognac mais aussi Whisky, Vodka, Tequila… Une niche (mondiale) qu’exploitent avec succès les bouchages Delage et leur P-DG, Christian Delage.

 

 

 

« Le Paysan Vigneron » – Comment se porte votre activité ?

Christian Delage – L’entreprise enregistre une activité assez soutenue, avec une croissance à deux chiffres depuis au moins trois ans. Je pense que cette tendance est à mettre sur le compte de la bonne santé du Cognac mais aussi de notre diversification produit ainsi qu’à une extension de la clientèle, en France et à l’export.

« L.P.V. » – Vous intervenez sur quels créneaux de marchés ?

C.D. – La société est spécialisée à 100 % sur les spiritueux et je dirais sur le segment haut de gamme des spiritueux, premium et super-premium. Mais alors que le Cognac représentait 80 % de notre activité quand j’ai repris l’entreprise, en 1990, il en représente moins de 50 % aujourd’hui. Dans le même temps, la part export est passée de 2-3 % à plus de 25 %.

« L.P.V. » – Cette évolution s’explique de quelle manière ?

C.D. – Nous constatons une croissance mondiale des spiritueux premium. Tous les spiritueux, partout dans le monde, souhaitent monter en gamme, que ce soient les Whiskies, les Vodkas, les Rhums, les Tequilas. Cela ne porte pas forcément sur des volumes énormes mais génère à coup sûr des niches assez rentables pour nos clients. Les sociétés rivalisent d’imagination pour sortir des présentations luxueuses. Jusqu’alors, le Cognac figurait comme la Rolls Royce des spiritueux en terme de présentation, de packaging. Aujourd’hui, il est talonné par d’autres spiritueux, même si les maisons de Cognac conservent sans doute une forme de leadership, par la masse des efforts consentis, qui valorise l’ensemble de la catégorie.

« L.P.V. » – Quelle place occupe les bouchonniers dans cette entreprise de « premiumisation » ?

C.D. – Je n’insisterai pas sur la fonction d’étanchéité du bouchon. Que serait une carafe sans son bouchon et, à l’inverse, un bouchon sans sa carafe. Mais, dans l’univers des spiritueux, nos bouchons à tête se doublent d’une fonction d’image. Plastique, métal, verre, porcelaine, bois…les conceptions et les fabrications les plus sophistiquées se côtoient. Les bouchons à tête pour les spiritueux sont des produits infiniment plus complexes que le simple cylindre de liège ou de matière synthétique qui équipe les bouteilles de vin. Dans le monde du bouchage, dominé par le vin, les bouchons à tête représentent un petit segment. Par contre, toutes les entreprises spécialisées se retrouvent à Cognac, dans la mesure où la région reste le plus grand marché mondial du bouchon à tête. Je pense que les bouchages Delage arrivent en première position sur la place. Ceci dit, nous avons de sérieux concurrents, y compris parmi les groupes portugais.

« L.P.V. » – Le bouchon liège remporte toujours la palme.

C.D. – Pour les alcools bruns comme le Cognac, le Rhum, le Whisky, le Calvados, l’Armagnac il reste le nec plus ultra. Il s’agit d’un produit naturel, exceptionnel par ses qualités mécaniques. Très souple, il épouse bien la bouteille ou la carafe et permet ainsi de s’adapter facilement aux tolérances verrières. Sur les chaînes de mise en bouteilles, je me suis laissé dire que le bouchon générait peu de problèmes. A côté du bouchon liège traditionnel, existe le liège composite dit encore technologique, produit moulé composé de micro-granulés de liège naturel. Moins onéreux, plus « industriel », il commence à faire une percée à Cognac. Le bouchon synthétique, autrement dit plastique, représente une autre alternative. En fait, cette solution de bouchage s’adresse en priorité aux alcools blancs. Apparu il y a cinq ans dans le domaine des spiritueux, le bouchon synthétique est en train d’occuper une position dominante sur marché des Vodkas et autres Aquavits. Certes, il ne possède pas la souplesse du bouchon liège. En contrepartie, le corps synthétique du bouchon n’apporte aucune coloration, contrairement au liège, susceptible de dégager un peu de tanin naturel. Un défaut rédhibitoire pour les alcools blancs qui recherchent une limpidité parfaite. Enfin les capsules à vis constituent la dernière réponse à la question du bouchage. Leurs places demeurent marginales pour le Cognac même si certaines sociétés commencent à y recourir.

« L.P.V. » – Votre entreprise propose les quatre solutions.

C.D. – Tout à fait. Nous intervenons dans le process de fabrication des trois premières et jouons le rôle d’intermédiaire pour la quatrième. A mes yeux, ces solutions ne sont pas concurrentes mais complémentaires. Elles répondent à des besoins différents. En proposant la panoplie complète à nos clients, nous sommes en mesure de satisfaire l’ensemble de leurs attentes.

« L.P.V. » – Comment évolue le prix des matières premières ?

C.D. – Après avoir connu de fortes hausses, le prix du liège est un peu plus stable depuis quelques années. Je ne vous apprendrai rien en disant que le prix des matières plastiques, lié au pétrole, flambe et que le cours des métaux n’a pas tendance à diminuer non plus. En face de nous, nos clients sont des professionnels, habitués à négocier les prix. Ils nous demandent de gros efforts de compétitivité, nous expliquant qu’ils vendent leurs produits en dollars et, qu’à ce titre, ils gagnent de moins en moins d’argent. Par des astuces de productivité, nous essayons de ne pas répercuter l’intégralité des hausses, en excluant bien sûr de travailler à perte.

« L.P.V. » – En terme de livraison, quel degré de réactivité vos clients attendent-ils de vous ?

C.D. – Nos grands clients fonctionnent généralement avec zéro stock. Ils nous demandent d’assumer un stock de sécurité, en fonction de prévisions qu’ils nous donnent. Selon les maisons, ces prévisions jouent à très court terme, presque au jour le jour ou à plus long terme. Certaines prévisions font l’objet d’un contrat cadre, trimestriel voire d’une négociation annuelle sur un volume global. Si la fabrication d’un bouchon synthétique peut aller assez vite, celle d’un bouchon liège, issu d’un produit naturel, réclame plus de temps. Sur de tels produits, il nous arrive d’avoir trois mois de stock, afin de pouvoir réagir très vite. La capacité à nous montrer réactif, à gérer les stocks et la logistique font partie intrinsèque du métier. Après tout, ce sont autant d’avantages concurrentiels par rapport à nos concurrents.

Un métier composite

Les bouchages Delage emploient 90 personnes, 80 à l’usine de Gensac et 10 dans les bureaux de Cognac. Sur la partie liège, l’entreprise travaille en relation étroite avec ses fournisseurs-partenaires portugais. Ces fournisseurs exploitent les « suberaies », les forêts de chênes-lièges. Contrairement à une idée répandue, le liège n’est pas soumis à la pénurie. Les replantations interviennent régulièrement et surtout les forêts de chênes-lièges, correctement entretenues, ne brûlent pas, contrairement aux autres massifs. La transformation du liège en bouchons se réalise en amont, au Portugal. où la société cognaçaise dispose d’une structure légère (deux personnes), chargée de s’assurer de la qualité de l’approvisionnement. L’usine de Gensac reçoit des corps pratiquement « à la forme », sur lesquels elle réalise perforation et traitement de surface (paraffinage). Après finition, un laboratoire in situ réalise de nombreux contrôles – macération des bouchons dans l’eau, tests sensoriels, dégustation – pour vérifier l’absence de risque d’altération du goût. Métier de l’emballage lié au contact alimentaire, les bouchages se doivent de respecter à la lettre les prescriptions de traçabilité, d’HACCP. Certifiée Veritas, l’entreprise Delage a initié une démarche Iso 22 000 et entame une démarche environnementale Iso 14 000. « Nos clients ne nous imposent rien mais il paraît difficile de s’exonérer de telles pratiques » note Christian Delage. La partie « tête » des bouchons est confiée à un atelier injection intégré. L’atelier occupe une vingtaine de personnes travaillant en 3/8, parfois en « VSD » (vendredi, samedi, dimanche). Vient ensuite l’étape d’assemblage des bouchons et des têtes.

Le bouchonnier met en œuvre deux types de produits : des produits « clients » spécifiques aux maisons de spiritueux (bouchons spéciaux, conception confiée à un designer extérieur) et des fabrications un peu plus standards, créées par ses soins. La société possède ses propres gammes de « standards » avec plus de 100 modèles de bouchons à tête et de cachets. Ces modèles, en général déposés, sont mis au point par le bureau d’étude interne, qui compte en son sein cinq personnes. Il est installé sur le site de Gensac.

 

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