Cognac – candidature à l’UNESCO : plutôt le patrimoine immatériel que le patrimoine tout court

11 décembre 2015

Voilà bientôt quatre ans que la région de Cognac réfléchit à sa candidature au Patrimoine mondial de l’Unesco. En juillet dernier, elle a franchi un pas supplémentaire en chargeant un cabinet d’audit spécialisé de porter un regard extérieur sur son initiative. Le cabinet a rendu son avis en octobre. La candidature de Cognac au Patrimoine mondial lui semble insuffisamment étayée. Par contre, pour le patrimoine immatériel, oui, deux fois oui ! La recommandation a convaincu le comité de pilotage.

Dans l’imaginaire collectif, à quoi renvoie le terme « Unesco » ? Au « Patrimoine mondial de l’Unesco » bien évidemment, c’est-à-dire à l’inscription sur la liste de l’Unesco d’un patrimoine architectural et paysager (convention de 1972). La référence est tellement connue qu’elle éclipse toutes les autres. Et pourtant, l’Unesco ne se réduit pas à cette seule dimension. L’Unesco – « la branche intellectuelle de l’ONU » (Organisation des nations unies) – a bien d’autres cordes à son arc. D’abord, elle ne s’occupe pas que de la sauvegarde des sites et des paysages. Elle s’intéresse aussi à l’enseignement, au développement durable (voir encadré ci-dessous). Ensuite, dans la partie patrimoniale, cohabite une série d’autres chartes. Dans le langage onusien, on parle de conventions. Il y en a sept au total. A côté de la plus prestigieuse – la convention pour la protection du patrimoine culturel et naturel, signée en 1972 – existent la convention pour les droits d’auteur (1971), la convention pour la protection du patrimoine subaquatique (2001), la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, ratifiée en 2003, et d’autres encore. Quand Jérôme Sourisseau, président du comité de pilotage* pour la candidature de Cognac au Patrimoine mondial de l’Unesco, sollicite l’avis du cabinet d’audit, s’attendil à la recommandation qui en ressortira ? Sans doute pas. Mais avant d’engager des frais, l’édile et ses collègues veulent savoir où ils vont. « Jusqu’à maintenant, relate le président du Pays Ouest-Charente, nous avions épluché les dossiers sans y mettre un euro. Avant de nous engager davantage, il était bon de vérifier que nous avions des chances d’être retenus. »

 

Une mission de 2 jours L

e cabinet MCC Héritage est recruté pour une mission de deux jours. Le programme ? Lui montrer quelques-uns des lieux les plus emblématiques de la région viticole, de ceux qui pourraient étayer la candidature. Le cabinet MCC Héritage a été fondé par un universitaire : Michel Cotte. Progressivement, son cabinet s’est forgé une réputation dans l’accompagnement des dossiers de candidature à l’Unesco. En France, récemment, il est intervenu sur l’inscription du canal du Midi, des plages du débarquement, des paysages viticoles de la Champagne, des sites funéraires et mémoriels de la première guerre mondiale, des beffrois du Nord, des fortifications Vauban… « De plus en plus, dit-il, mon cabinet intervient à l’international. Depuis 2006, nous avons été sollicités sur une centaine de dossiers, dans plus de 40 pays. » Le jour de la restitution, à Foussignac le 8 octobre, Pierre- François Toulze l’accompagne. Journaliste, enseignant, ce jeune consultant indépendant a collaboré avec le cabinet MCC sur le projet « Unesco 14-18 ». En juillet dernier, il se retrouve avec Michel Cotte à arpenter sur deux journées marathon coteaux viticoles, villes et villages charentais. Que vont-ils retenir ?

 

Peu de « VUES »

« Nous avons vu un certain nombre de choses », débutent prudemment les deux hommes. A Cognac, ils citent les hôtels XVIIe siècle des négociants, l’hôtel de ville de 1840 (une ancienne demeure de négociant également), la maison Martell et ses chais, « seul élément partiellement protégé au titre des monuments historiques », soulignentils. D’ailleurs, ils reviendront plusieurs fois sur cet aspect pour dire qu’à Cognac « un vrai problème existe, c’est l’absence de protection de bâtiments liée au processus de production Cognac ». « Il faut bien comprendre, précisent-ils, qu’un dossier de candidature au patrimoine de l’Unesco doit présenter le plus haut niveau de protection au plan national. Au minimum, les édifices doivent être inscrits voire classés. » Mais outre cette question du classement, l’autre gros souci qu’ils pointent concerne la VUE (valeur universelle exceptionnelle), un mot clé pour toute candidature Unesco. Et, sur les terres du Cognac, ils ont du mal à la dégager, cette « VUE ». Sur un ton un peu monocorde, ils égrènent : « Des paysages urbains sans grande qualité architecturale, un fleuve Charente qui n’assure qu’imparfaitement le lien entre la ville et le produit, aucun monument exceptionnel au sens de l’Unesco, des éléments intéressants certes, mais disparates. Ni unité stylistique ni historique… » Et de continuer ainsi, au grand dam des personnes venues les entendre, un peu liquéfiées sur leurs chaises. Sans doute, elles ne s’attendaient pas à cette charge tranquille. Après Cognac, Jarnac. Là, les experts « ès patrimoine » se montrent un poil moins sévères. Un bâtiment les interpelle, celui de la société Braastad (chai Tiffon), sur la rive gauche de la Charente. « Il est de grande qualité. Il montre quelque chose. » Las ! « Il est un peu tout seul. » Sinon, ici, il y aurait une VUE. La maison Courvoisier et son château sont intéressants mais, là encore, un petit problème apparaît : « A proximité, figurent des éléments architecturaux plus que banals ». Dommage car « autour du pont, on comprend bien le lien entre les maisons de Cognac et la Charente, mais l’espace est vraiment trop restreint ». « Vous comprenez, expliquent les consultants, à Epernay, l’avenue de Champagne mesure 940 m, presque un kilomètre, et ce n’est qu’une succession de bâtiments de grande qualité. » Le patrimoine architectural et paysager de la Grande Champagne allait-il les séduire davantage ? Michel Cotte et Pierre François Toulze décrivent « ces fermes charentaises liées au produit Cognac, ces portails ouvragés, ces perrons, ces successions de cours… » Une architecture originale, certes. Mais outre « ces bâtiments industriels qui cassent un peu la qualité paysagère », un nouveau problème surgit : « Le territoire est trop vaste ». Territoire trop restreint en ville, trop vaste à la campagne, décidément ! Et puis, faute originelle à laquelle les deux experts reviennent toujours : « Le bâti n’est pas protégé, rien n’est inscrit ». Un défaut rédhibitoire à leurs yeux pour une candidature au patrimoine architectural et paysager de l’Unesco.

 

Beaucoup de biens viticoles Avant même que les deux hommes livrent leurs conclusions, tout le monde a compris le sens de leur préconisation. Pour se jus- tifier, Michel Cotte entre un peu plus avant dans la mécanique du classement Unesco. Il indique que, sur l’ensemble des biens classés au Patrimoine mondial pour l’architecture et les paysages (convention de 1972), une douzaine de biens sont viticoles. Une forte proportion alors que deux rizières seulement font partie de la liste, aucune plaine céréalière… La France à elle seule a réussi à faire inscrire trois vignobles, voire quatre : Saint-Emilion le premier, puis les Coteaux, Maisons et Caves de Champagne et enfin les Climats de Bourgogne. Et l’on peut presque y ajouter le Val de Loire, retenu pour ses châteaux et ses paysages mais aussi un peu pour ses vins. Pour faire bonne mesure, Michel Cotte évoque des sites viticoles à VUE incontestable, comme la vallée du Haut-Douro au Portugal ou le village viticole de Lavaux en Suisse. A-t-il réussi à convaincre l’assistance ? Pas vraiment. Le premier à s’agiter sur son siège et prendre la parole est Gilles Bernard, géographe originaire de Grande- Champagne. Il rappelle qu’à Cognac on a affaire au premier vignoble d’eaux-de-vie au monde ; que les paysages « toscans » font rêver des milliers de touristes chaque année ; que les chais Monnet incarnent un patrimoine industriel tout ce qu’il y a de plus remarquable. « En 48 heures, raillet- il, vous avez tout vu. Vous êtes très fort ! Des gens travaillent sur la région depuis 30 ou 40 ans. »

 

« Un terrien sur trois sera chinois ou indien » Michel Cotte lui répond point par point. « Les chais Monnet ne sont pas inscrits. Il s’agit d’un patrimoine privé qui va bientôt changer de destination, pour devenir un hôtel. Vous parlez d’un paysage toscan. C’est révélateur. Vous devriez parler d’un paysage charentais. En deux jours, c’est vrai que nous ne pouvions pas tout voir, mais notre mission consistait justement à porter un regard extérieur. N’oubliez pas que, demain, un terrien sur trois sera chinois ou indien. Nous ne contestons pas la qualité de ces paysages viticoles, mais il y a une petite marche entre un beau paysage et un paysage exceptionnel. Il ne s’agit pas de lancer une candidature vouée à l’échec. » Avec une habileté sans doute forgée à l’aune d’une longue pratique, le consultant n’a pas tardé à rebondir sur du positif. « Finalement, nous nous sommes dit que la convention de 2003 liée à la culture immatérielle était sans doute beaucoup plus adaptée à Cognac. Certes, il s’agit d’une convention plus récente et donc moins connue. Mais les usages et pratiques associés au Cognac nous ont parus exceptionnels. Cette succession de savoir-faire autour des tonneliers, des merrandiers, des maîtres de chai, des bouilleurs de cru… L’exceptionnalité, elle existe, elle est là ! Ce que vous avez à léguer à la société réside bien davantage dans ce patrimoine immatériel autour des eaux-de-vie que dans la patrimoine architectural. » De façon pragmatique comme à son habitude, Jean-Bernard de Larquier, le président de l’interprofession du Cognac, a rappelé que l’on ne pouvait s’engager dans une candidature qu’avec de bonnes chances de réussite. « Par ailleurs, cela pourra nous permettre de défendre nos paysages par une autre approche. » Que va-t-il se passer maintenant ? Jérôme Sourisseau, président du comité de pilotage, a indiqué le sens de la marche. « Nous allons créer une association pour porter les résultats de l’audit et nous lancer dans une candidature au patrimoine immatériel. Il nous faudra encore beaucoup travailler, mais je ne suis pas trop inquiet sur le résultat. » Le maire de Bourg-Charente a signalé que les parfums de Grasse, dans les Alpes-Maritimes, entamaient la même démarche. « Il s’agit d’une fréquentation tout à fait honnorable. » (*) Le Comité de pilotage intègre, outre le Pays Ouest- Charente, les trois pays Saintonge romane, val de Seudre et Haute-Saintonge ainsi que le responsable du comité régional du tourisme (Michel Gourinchas, maire de Cognac) et diverses structures comme les chambres de commerce, etc

 

 

Unesco, construire la paix à travers la culture

L’Unesco, acronyme de United Nations, Educational, Scientific and Cultural Organization (en français, Conférence générale de l’Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture), est née au sortir de la guerre, en 1945. Son projet ? « Construire la paix dans l’esprit des hommes et des femmes ». Comment ? En s’appuyant sur ce qui relie les peuples : la culture, l’accès à l’éducation, la protection du patrimoine, la diversité culturelle, les droits de l’homme… Même si elle a son siège à Paris et non à New York ou Genève, l’Unesco fait bien partie des agences de l’ONU (l’Organisation des nations unies), au même titre que la FAO (agriculture et alimentation), l’Unicef (enfance), le HCR (réfugiés)… On dit parfois de l’Unesco qu’elle représente l’organisation « intellectuelle » des Nations unies. Signées par les Etats, les conventions de l’Unesco ont la nature de traités internationaux. En 2003, a été adoptée la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Entrée en vigueur en 2006 mais plus encore en 2008, la Convention est ratifiée à ce jour par 163 Etats. Que recouvre-t-elle ? Le patrimoine immatériel embrasse cinq grandes rubriques : les traditions et expressions orales – les arts du spectacle – les pratiques sociales, rituelles et événements festifs – les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers – les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel. C’est dans cette rubrique que le Cognac concourrait. Sur une liste déjà longue de presque 400 entrées, les « savoir-faire et artisanats traditionnels » recensent 85 éléments. Les récentes inscriptions au patrimoine immatériel (toutes rubriques confondues) donne à voir un inventaire hétéroclite allant de la diète méditerranéenne (2013) à la fauconnerie (2012), en passant par la fête des Patios de Cordoue (2012), la calligraphie mongole, la tradition de l’empaako (système d’attribution de noms) des Battooro, Banyoro, Batuka, Batagwenda et Bamyabindi de l’Ouest de l’Ouganda, la méthode géorgienne de vinification à l’ancienne dans les Kvaris (Géorgie), le Washoku, habitude culinaire du Japon, ou le Sankirtana, chants rituels du Manipur (Nord-Est de l’Inde). Un puissant véhicule pour voyager par l’esprit. 

 

 

ENVIRONNEMENT – PAYSAGES :

"Une beauté qui nous a ravis"

 

 Véronique Dubuisson et Gilbert Courraud (mariés dans la vie) sont tombés amoureux des paysages charentais. Plus exactement celui qui se dégage des collines et vallons à proximité de Brie-sous-Archiac, dans cette région de Petite Champagne où la terre se décline en de délicats camaïeux de gris. En 2011, ils ont ouvert des chambres d’hôtes (le Clos des Pierres-Blanches). Le 8 octobre dernier, Gilbert Courraud assistait à la réunion sur le classement au patrimoine de l’Unesco. Il regrette que la région ne s’oriente pas vers une telle approche.

« Le Paysan Vigneron » – Qu’est-ce qui a fait que vous vous soyez installés ici ? Gilbert Courraud – Notre choix fut dicté par une seule chose : la beauté du paysage. Nous sommes littéralement tombés sous le charme. Auparavant, nous travaillions tous les deux à Lyon, Véronique dans un magasin de luxe, moi dans la banque. Personnellement, je suis originaire de Rioux, près de Saintes. Alors, la Charente- Maritime s’est assez vite imposée à nous. Mais après avoir visité beaucoup de lieux, un seul nous a fait craquer, là où nous sommes aujourd’hui. Il se dégage une telle atmosphère, une telle quiétude. Si nos chambres sont confortables et agréables je crois, nous avons très vite compris que notre premier atout serait la vue magnifique qui s’offrait sur le vignoble et les terres en contrebas. D’ailleurs, dans les articles qui nous ont été consacrés – Figaro Magazine… – revient toujours la même image, celle que vous avez devant vous. Un photographe qui accompagnait une journaliste nous a dit un jour : « Est-ce que vous vous rendez compte de “ça” ! ». Même appréciation de nos clients, dont certains pourtant sont familiers de beaux endroits. « C’est vraiment fantastique ici. L’on peut toujours essayer de se demander où est la faille – train, autoroute – mais il n’y en a pas. »

« Le Paysan Vigneron » – Alors, vous auriez trouvé votre Eden ? Gilbert Courraud – D’une certaine façon oui, même si nous sommes passés à deux doigts de la catastrophe. En 2013, s’est dévoilé un projet d’éoliennes, tout près d’ici, dans la perspective de la maison. Vous imaginez le désastre visuel que c’eût été. Cette nuisance paysagère aurait réduit à néant notre implantation, notre activité. Nous avons beaucoup investi dans la réalisation de ce projet, en argent, en temps, en efforts. Nous n’aurions jamais accompli cette « folie » si nous avions pensé pouvoir nous retrouver un jour dans un environnement dégradé. Heureusement, les deux propriétaires du terrain se sont opposés au projet et il a été abandonné ou, plus exactement, il a été déplacé juste derrière, à moins d’un kilomètre. Ce qui ne règle rien, je vous l’accorde. C’est absolument gravissime que de telles implantations puissent s’envisager sans véritable concertation, sans vraiment que soit envisagée la pollution visuelle qu’elles engendrent. Ainsi, quand j’ai vu dans le journal qu’une réunion se tenait à Foussignac le 8 octobre dernier sur le thème du classement au Patrimoine mondial de l’Unesco, je m’y suis précipité.

« Le Paysan Vigneron » – Et alors, que pensez-vous des conclusions de l’audit rendu par le cabinet MCC Héritage ? Gilbert Courraud – Je ne suis pas spécialiste en la matière. Sans doute ces personnes sont-elles très professionnelles et habituées à voir de belles choses. Cependant, leur diagnostic me paraît pour le moins sévère sinon approximatif. Comment se forger une opinion un tant soit peu consistante si rapidement, en à peine deux jours ? Moi, je suis désolé ! Quand les gens viennent ici et qu’ils font le tour de la maison, il y a très peu de personnes à ne pas être saisies d’admiration par le paysage. Je trouve que cette région mérite amplement un classement au Patrimoine de l’Unesco. Voyez ces murs en petits moellons, ces porches… Un classement au Patrimoine mondial, c’est la garantie de ne plus pouvoir faire n’importe quoi, et ça c’est très important ! Le projet de classement au Patrimoine immatériel c’est bien, mais je ne suis pas sûr que ce soit d’une grande efficacité pour protéger nos paysages et notre bâti ancien. Qui plus est, à Lyon, nous avons pu mesurer l’impact très fort qu’engendrait un tel classement. Du jour au lendemain, des centaines de milliers de touristes se sont arrêtés à Lyon, ce qui n’arrivait jamais auparavant. Ils filaient tous sous le fameux tunnel de Fourvière, sans s’intéresser un tant soit peu à la ville. Savez-vous que c’est à cause de Lyon qu’André Malraux a promulgué sa loi sur la « protection du patrimoine historique et esthétique de la France ». C’était dans les années 60. Le maire de l’époque, Louis Pradel, avait décidé de raser le quartier Saint-Jean pour y faire passer une quatre voies. Or, le quartier Saint-Jean est le plus grand quartier Renaissance au monde après Venise. André Malraux a piqué un « coup de sang » et décidé d’accorder des réductions d’impôt sur le montant des travaux de restauration, en secteurs sauvegardés ou protégés. C’est ainsi qu’en France les centres-villes anciens ont pu être sauvés. En secteur rural, ce serait peut-être bon de s’inspirer de cette loi. Nombre de maisons et bâtiments anciens s’écroulent alors que les subventions sont accordées à la construction de maisons neuves, pas toujours heureuses en termes d’esthétique ou d’empreinte paysagères. Nos paysages sont fragiles, ils ne sont pas inaltérables ni reproductibles. Et si l’on aidait ceux qui veulent les entretenir et les protéger ?

 

 

Clos des pierres-Blanches :

Plongée dans la quiétude charenataise

 

Il n’y avait pas d’électricité, pas de chauffage… Ils ont rénové cette vielle ferme, « du sol au plafond ». Au final, en ressortent trois chambres d’hôtes de standing qui jouent l’immersion paysagère, sans m’as-tu-vu, sauf la vue, d’une exquise séduction. A la belle saison, quand le temps se montre clément – et c’est souvent le cas ici – les hôtes ont l’habitude de se rendre au fumoir, après dîner. Entre dedans et dehors, c’est un bel endroit. On y goûte le message subliminal du confort et de la détente. Il y a aussi la salle à manger d’été, là où le maître des lieux réalise les barbecues. D’ailleurs, il va bientôt changer de système. Ne dit-on pas que les barbecues classiques ne seraient pas d’une parfaite innocuité pour la santé. Un peu en contrebas, la piscine s’appuie sur la petite tour sans prétention, avec ses tuiles mécaniques laissées dans leur « jus ». Juste le bon équilibre, ni trop ni trop peu. Les chambres, elles, ne sont pas passéistes pour un iota. Du marbre, des matériaux nobles, un pilier en pierre du temps des anciennes étables, une douche à l’italienne qui évoque… l’Italie et les bains romains, les décors en moins.

 

Une clientèle plutôt cosmopolite

 

En haute saison (du 1er mai au 1er octobre), deux chambres sont à 150 € petits déjeuners compris (190 € pour la suite). En basse saison, les prix redescendent à 110 € et 140 €. Le dîner, sur réservation, est à 30 €. La clientèle du Clos des Pierres- Blanches s’avère plutôt cosmopolite. Les gens viennent « d’un peu partout » : Belges, Hollandais, Anglais, Allemands, Américains, Suisses, Finlandais, Chinois, Néo- Zélandais, Français bien sûr… Souvent, des raisons professionnelles motivent le séjour des personnes. Ou alors, elles font un « stop » sur la route des vacances vers Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, l’Espagne. Quant au tourisme oenologique, Véronique confirme son peu d’audience, au moins pour l’instant. Compte tenu de la taille des chambres et des commodités offertes, les séjours peuvent s’allonger sur trois ou quatre jours, voire plus dans une optique « famille ». Véronique et Gilbert proposent systématiquement des balades à proximité. La Maison de la vigne et des saveurs à Archiac représente une sorte de passage obligé, comme la tonnellerie Allary et bien sûr la visite à Cognac, dans les maisons de négoce dont Otard et son château. Si l’été se traduit par des journées de 16 heures « d’où nous sortons épuisés », la fin d’automne et l’hiver sont plus calmes, parfois un peu trop. Les recommandations, le bouche-à-oreille mais aussi une excellente note (9,6) sur Booking, le site de réservation en ligne, permettent aux clients de repérer cette adresse à la campagne mais pas loin de tout. Tout près se trouvent deux distilleries, la distillerie Charpentier et la distillerie Vinet-Delpech.

 

Michel Guillard : Il a participé à la candidature de la champagne viticole

 

Michel Guillard, l’homme aux sept vies. Non seulement il est docteur en chirurgie dentaire, mais c’est aussi un homme de culture, qui s’est pris de passion pour les terroirs et paysages viticoles. D’abord par le prisme de la photo, puis de l’histoire. Il a participé – entre autres – à la grande équipée du classement de la Champagne viticole au Patrimoine mondial de l’Unesco. Celui qui partage sa vie entre Paris, Talmont et bien d’autres lieux encore s’apprête à sortir avec plusieurs contributeurs une encyclopédie du Cognac. L’écouter, c’est mieux comprendre le cheminement qui conduit à un classement Unesco. Michel Guillard « Il faut savoir qu’aujourd’hui, le classement au Patrimoine mondial est quelque chose d’extrêmement complexe. Car la liste à laquelle appartiennent les paysages et autres lieux remarquables compte déjà un peu plus de mille noms. Au fil du temps, la concurrence se fait de plus en plus rude. En ce qui concerne les paysages proprement dits, 1992 a constitué une année à part. C’est en effet à cette date que fut classé au Patrimoine mondial le premier paysage culturel. Il s’agissait d’une rizière d’altitude aux Philippines. Ce classement a effectivement évité qu’elle disparaisse. De là est née toute une réflexion sur ce qu’il fallait entendre par “paysage culturel”. Les paysages viticoles répondaient-ils à cette définition ? A l’évidence, oui. Modelés par la main de l’homme, ils étaient éminemment culturels. En 1999, la juridiction de Saint-Emilion fut la première région viticole à être classée. Au départ, le projet se bornait à la seule cité. Mais il est très vite apparu que vignoble et cité étaient indissolublement liés. La juridiction n’avait pratiquement pas bougé depuis le Moyen Age. Sont arrivés par la suite les classements des vignobles du Douro au Portugal, de la région de Tokaÿ en Hongrie, d’un vignoble sans doute peu connu mais magnifique aux Açores, le vignoble de l’île volcanique du Pico. La liste s’est prolongée par Lavaux, le vignoble suisse en terrasse, un ensemble de cinq vignobles du Piémont, entre vallée du Pô et Ligurie, pour arriver aux deux derniers en date, Bourgogne et Champagne. La candidature champenoise a mis sept ans avant d’aboutir. Comment y fûmes-nous associés, ma femme et moi ? Dans une “autre vie”, j’ai participé à une activité d’éditeur, d’abord d’images (mon frère possédait une agence photo), puis de textes. Avec Jean-Paul Kaufmann, j’ai créé “L’amateur de Bordeaux” puis, peu à peu, je me suis intéressé à l’architecture et aux paysages viticoles. En 1988, au centre Georges-Pompidou, nous avons participé au projet d’exposition “Châteaux Bordeaux”, un événement qui s’est déplacé à Lausanne, Francfort, Porto, Séville (en 1991). A partir de là, avec mon épouse, qui avait fait l’école du Louvre, nous avons creusé le sujet du paysage viticole. Nous nous sommes aperçus par exemple que le vignoble n’avait que très tardivement été représenté par les peintres. Objet décoratif, allégorique, religieux, il n’apparaît vraiment sur la toile qu’au XIXe siècle avec Van Gogh qui peignit trois tableaux sur ce thème : Champ de Vigne, Vignes avec vues d’Auvers et, le plus connu des trois, La Vigne rouge, conservé au musée Pouchkine à Moscou. C’est la seule toile que Van Gogh ait vendu de son vivant. C’est aussi la première fois que le nom de “vigne” est associé à une toile. Toulouse-Lautrec reprendra le motif mais peu, très peu. A la fin du XIXe siècle, quelques dessinateurs précurseurs crayonnent des paysages viticoles. C’est le cas, remarquable, de Fernand Cornu en Champagne, de Gustave de Galard à Bordeaux, d’un dessinateur en Hongrie. Mais il faudra attendre le XXe siècle et surtout l’après-deuxième guerre mondiale pour que le paysage devienne vraiment le continuum du vin. Aujourd’hui, il n’y a pas une propriété viticole qui ne se revendique des ondulations de son territoire.

 

Projet éditorial : une encyclopédie autour du Cognac

 

Début 2015 paraissait l’« Encyclopédie des caves de Champagne », livre coordonné par Michel Guillard et Pierre-Marie Tricaud (ingénieur agronome, architecte paysagiste). Objectif revendiqué : accompagner le dossier de candidature des caves de Champagne à l’Unesco. Sous la coordination de trois auteurs – Nicholas Faith, Michel Guillard, François Julien-Labruyère – une encyclopédie du Cognac est en préparation. Le projet éditorial cultive la même veine tout en ne répondant à aucune « commande ».

A Cognac qui ne connaît Nicholas Faith ! Cet auteur anglais, totalement immergé dans le milieu, a écrit plusieurs ouvrages sur le Cognac dont un qui est devenu un classique. Son titre ? « Cognac », tout simplement. Michel Guillard (voir article ci contre) est non seulement un fondu des vins et des civilisations autour du vin (Bordeaux n’a plus de secrets pour lui), mais c’est encore un producteur de vin. Avec le viticulteur Lionel Gardrat et Jean-Jacques Vallée, ils ont fondé les Hauts de Talmont, un vignoble de 5,5 ha sur les falaises crayeuses qui dominent la Gironde. Avec Le Croît Vif, François Julien-Labruyère est « the » éditeur des Charentes. Mais en tant qu’historien régionaliste, c’est aussi un auteur. Sur le Cognac, il a commis « Cognac story », un livre qui ne laisse pas indifférent. Ces trois-là se sont retrouvés sur le projet d’une encyclopédie du Cognac. « Entendons-nous bien, précisent-ils, il s’agit d’un titre de travail, fort susceptible de changer au fur et à mesure de l’avancement de nos travaux. » Ce titre provisoire n’est pourtant pas tombé du ciel. Ils l’ont emprunté à l’« Encyclopédie des caves de Champagne », une somme parue début 2015. Et c’est bien dans la même veine que se situe l’ouvrage : « Accompagner quelque chose autour d’une future candidature à l’Unesco de la région du Cognac, du vignoble charentais, de la région des Charentes… tous ces points restant à définir ». En tout cas, aucune commande n’a téléguidé ce projet éditorial, parfaitement indépendant. Commentaires des mêmes : « Une demande d’inscription est toujours très longue, très compliquée, très politique ». Pour cet ouvrage, les trois comparses ont fait appel à une quarantaine de contributeurs chargés d’alimenter des rubriques de type « abécédaire », portraits, chroniques… Le livre sera co-édité par les éditions du Croît vif et François Baudez Edition. Date de sortie pressentie : septembre 2016. Voilà qui est net et précis.   

 

BIO EXPRESS• Agé de 76 ans, Michel Guillard est un Odontologiste exerçant à Paris. • Il possède une maison à Talmont. • Au début des années 80, il fonde avec Jean-Paul Kauffmann la revue « L’amateur de Bordeaux ». • Participe à plusieurs conférences et expositions sur le paysage viticole. • En 2003, il fonde en Charente-Maritime le vignoble des « Hauts de Talmont » avec deux autres associés. • En 2005, il fait partie de l’équipe qui soutiendra la candidature de la Champagne au Patrimoine mondial. • En 2014, il coordonne un ouvrage sur les caves de Champagne.  

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