Désormais on ne parlera plus de « l’immeuble Pellisson » mais du « château Bisquit ». Propriétaire du site depuis 2009, la marque de Cognac vient d’effectuer d’importants travaux d’aménagements. L’inauguration a eu lieu le mercredi 25 juillet, en présence des actionnaires du groupe Distell.
Le Cognac Bisquit où comment, marche après marche, retisser une histoire riche et féconde. Fondée en 1819 par Alexandre Bisquit à Jarnac, la maison a connu heures de gloire et soubresauts. Rachetée par la société Ricard en 1966, elle a déménagé à Lignières (près de Rouillac) avant d’être cédée par le groupe Pernod-Ricard en 2009. C’est le groupe sud-africain Distell qui s’est porté acquéreur.
Mais, c’est bien connu, une marque n’existe que « si elle a une histoire à raconter ». Bisquit en possédait une d’histoire, et même écrite en lettre d’or à l’époque glorieuse d’Alexandre Bisquit et de ses descendants, mais enfouie sous la poussière du temps. Vincent Chappe, le directeur de la maison, et son équipe ont entrepris de secouer les tapis, raviver les couleurs.
En 2010, ils se sont attaqués à l’essentiel, la refonte et l’enrichissement de la gamme. Les fondamentaux étant assurés, restait le symbolique et quel meilleur symbole pour une maison… que sa maison de pierre et de verre. Cela tombait bien, Bisquit en avait une sous la main et belle encore, l’ancien immeuble Pellisson, à l’angle du boulevard de Paris et de l’avenue du Général-Leclerc à deux pas de la gare de Cognac. Ce bel édifice néo-classique, construit en 1875, avait doucement vieilli et, disons, faisait son âge. Une allure vieillotte qui, sans être désagréable, n’incarnait pas le dynamisme. Les travaux durèrent environ six mois, pour un lifting « du sol au plafond ». Il ne s’agissait pas de tout casser mais d’instaurer de la contemporanéité dans un ensemble résolument classique. Un designer parisien fut chargé d’opérer. En ressort un côté cosy, discrètement moderne mais qui respecte l’atmosphère feutrée d’un lieu dédié au Cognac. Couleurs ambrées, moulures des portes redécouvertes avec une jolie inflexion arabisante, pierre calcaire en majesté. Le lieu reste à taille humaine (1 000 m2 tout de même) mais sur trois étages et surtout, il est vivant. Vincent Chappe y tenait : « Nous ne voulions pas en faire un musée ». Les bureaux des services administratifs et financiers sont « à tu et à toi » avec les espaces de réception, ce qui donne aux salariés l’occasion de fouler plusieurs fois par jour le bel escalier.
Dans l’aménagement des espaces, une attention toute particulière a été portée « au choc des images, au poids des mots ». Ici une petite salle dédiée au maître de chai – dite justement « pièce du maître de chai » – qui n’est pas son bureau mais un lieu où parler des eaux-de-vie. Sur les murs de la petite galerie attenante, des photos bien choisies illustrent les travaux de la vigne mais aussi le temps, ce temps que la marque s’est choisi comme devise : « Time is what you make it », le temps, c’est ce que vous en faite. « Le temps est quelque chose qui ne s’achète pas. Il se mérite » explique V. Chappe. Mais le lieu le plus symbolique est sans conteste le « cabinet de curiosité » que la marque s’est offert. Elle y a rassemblé par thèmes quelques-uns des souvenirs de Bisquit : « corners » sur les voyages, la céramique (allusion à Adrien Dubouché, de Limoges, gendre d’Alexandre Bisquit), les « bains de mer » début de siècle, la Russie des tsars, la Grande Guerre ou encore un clin d’œil à Joséphine Baker, grande amie de la famille Bisquit. Pas plus de deux ou trois objets à chaque fois mais évocateurs. Un endroit insolite, qui par des détails d’aménagement – plafond miroirs, éclairage, tonalité des murs – échappe au côté embaumé qui guette ce genre de lieux. Une réussite.
Le début de quelque chose
Pour Vincent Chappe, la rénovation du « château Bisquit » ne constitue pas une fin en soi mais plutôt le début d’une nouvelle ère. « Aujourd’hui, nous sommes en ordre de bataille pour nous occuper de l’activation de la marque. Nous allons pouvoir commencer à délivrer un message fort. » Le P-DG de la maison a salué le groupe Distell : « Merci au groupe Distell qui non seulement investit sur l’amont – le site, la politique d’achat des eaux-de-vie – mais aussi sur l’aval, les marchés, les circuits de distribution. » Pour la marque, cette inauguration représente un moment important.
Environ quatre-vingts personnes du siège de Johannesbourg ainsi que des différentes plateformes du groupe (Londres, Francfort, New York, Singapour…), des clients, des distributeurs se sont retrouvés à Cognac pendant quatre jours, pour la découverte du lieu mais aussi pour une « conférence de la marque » les jeudi 26 et vendredi 27 juillet. Avant cela, avaient été organisés une visite et un dîner privés pour les actionnaires de la marque. La soirée du mercredi 26, elle, fut réservée à l’inauguration du site. Une centaine de personnes avaient été conviées : responsables professionnels du Cognac et du Pineau, courtiers, distillateurs de profession… Ambiance conviviale où chaque heure fut marquée par un intermède musical. Time is what you make it. En l’occurrence, le temps a filé à la vitesse d’un coup d’archet.
« L’Expérience Bisquit »
La maison de Cognac a recruté un « ambassadeur de la marque », Alexandre Lechat. Cet ancien de chez Grand-Marnier a accompli le début de sa carrière dans l’hôtellerie. Il est en train de mettre la dernière main à « l’Expérience Bisquit » (appellation non arrêtée). Il s’agira d’ouvrir le château de façon « différenciante » à de petits groupes de visiteurs. Un format original, qui devrait être activé à partir d’avril 2013. Une communication sera faite en septembre prochain.
« Dans le business plan »
« Nous avons tout à prouver mais nous sommes animés d’une confiance raisonnable » Si Vincent Chappe ne veut pas être suspecté du péché d’arrogance, s’il ne souhaite pas communiquer sur les chiffres, confidentialité oblige, il indique néanmoins être « dans le business plan ». « Depuis que nous avons repris la marque il y a trois ans, nous sommes sur une croissance à deux chiffres. » Il affiche des ambitions pour sa marque, « même s’il faut les situer à notre échelle. »
Le projet d’entreprise, celui qui fait rêver et avancer, « c’est que Bisquit retrouve son rang d’antan ». Toujours leader – de très loin – en Belgique où elle continue d’être distribuée par Pernod-Ricard, la marque s’est déployée en Chine, en Russie, s’implante au Vietnam. Avec le groupe Distell, elle jouit d’une position privilégiée en Afrique du sud et sur des marchés émergents comme le Nigeria, pays qui est en train de faire une apparition remarquée dans les statistiques du BNIC.
Autrefois centré sur l’Afrique du sud, le groupe Distell s’internationalise depuis 10 ans. Son chiffre d’affaires s’élève aujourd’hui à 1,3 milliard d’€ et il emploie 5 000 personnes dans le monde. Il est le fruit de la fusion, il y a douze ans, de deux sociétés très anciennes – au moins aussi anciennes que Bisquit – l’une de viticulteurs, l’autre de distillation. Depuis le départ, Jan Scannell préside le groupe. Il était présent à Cognac pour l’inauguration du château Bisquit. Le groupe produit et commercialise des brandies mais aussi du vin dont le Sauvignon blanc « Fleur du Cap ». A l’international, son produit le plus connu est Amarula, une crème de type Bailey’s, qui arrive en deuxième position derrière le leader du marché.
Si Distell est impliqué dans le brandy, Bisquit est uniquement voué au Cognac et au Pineau, les seuls produits qu’elle commercialise. L’équipe, constituée de 23 salariés, dont cinq anciens de Chez Reynal, se structure autour de Vincent Chappe P-DG, Stanislas Ronteix, directeur marketing, Denis Lahouratate, maître de chai et Naas Van Rooyen, directeur administratif et financier. Ce Sud-Africain, qui travaille depuis 25 ans chez Distell, assure l’interface entre Bisquit et le groupe. Depuis 2009, il vit à Cognac. « C’est très important pour nous d’avoir ce lien humain » note Vincent Chappe.
Concernant sa politique d’approvisionnement, Bisquit privilégie la contractualisation « autant que faire se peut et pour le maximum ». Quand la maison est arrivée sur le marché, en 2008-2009, la région connaissait « un petit coup de mou ». « Un peu d’espace se libérait. Nous nous y sommes engouffrés » précise V. Chappe. Avec son maître de chai D. Louharatate, la maison travaille un style de distillation « différenciant », celui qui consiste « à prolonger le plus possible la première chauffe, une méthode qui procure des arômes bien plus riches ». C’est aussi une pratique qui demande pas mal de savoir-faire. D’où un accompagnement, par le maître de chai, des fournisseurs partenaires.
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