Coûts de production – Economie du Cognac : Paroles de viticulteurs

22 décembre 2016

Cinq viticulteurs expriment leurs points de vue sur la situation économique de leurs exploitations

« Main-d’œuvre et frais de mécanisation, c’est compliqué »

 

« Au niveau des coûts de production, ce qui me semble le plus compliqué, c’est le poids de la main-d’œuvre. Quand on veut travailler de manière un peu raisonnée – enherbement, traitements…- on passe tout de suite davantage de temps ; ça cube assez vite. Les années qui ne sont pas « au top » se traduisent rapidement par des varaitations importantes. Personnellement, je ne recours pas à la prestation. Je n’ai pas fait ce choix-là. Peut-être a tort . A mon avis, un autre point critique concerne le poste « entretien du matériel ». J’ai l’impression que l’on assiste à une flambée des prix. Les matériels, de plus en plus techniques, rendent difficile les réparations maisons. Il faut donc faire appel à des intervenants extérieurs. Mais je me demande si certains professionnels, concessionnaires ou autres, ne profitent pas de la situation pour pratiquer des tarifs prohibitifs. Ils doivent penser – « la région marche bien. Les viticulteurs peuvent payer ! » Parfois, ils n’ont même pas peur de le dire – « renouveler votre matériel, vous payerez moins de MSA ». Un raisonnement un peu simpliste.  La mise aux normes ! J’ai pris du retard. Dans ce domaine, les investissements peuvent peser lourd, sans générer de plus-value. On ne vendra pas plus cher notre Cognac. Pour autant, a-t-on le choix ? Quand l’acheteur dira « niet, je ne vous prends pas votre marchandise. » Pour monter les dossiers de subvention, on est bien accompagnés par le BNIC, l’UGVC. Cela facilite les choses . »

Viticulteur 35 ans, Petite-Champagne

 

« Une marge trop juste »

 

«Le coût de 8 400 € de l’ha qui ressort de l’étude du CER me semble en phase avec mes propres coûts de production. A mon avis, il correspond à une grosse majorité d’exploitations. Maintenant, il faut le rapprocher des 10 000 ou 11 000 € de l’ha obtenu par la vente de vin Cognac. La marge est-elle suffisante pour faire face aux investissements de modernisation de l’outil de production, à la mise aux normes, à la nécessité de rémunérer davantage nos salariés si l’on veut attirer et fixer une main-d’œuvre compétente et qualifiée ? Quelque part, cette marge me semble trop juste. Moi qui suis bouilleur de cru et stockeur, mes comptes 10 ne trouvent plus preneurs sur le marché. Comme la majorité des viticulteurs, je dois me contenter de vendre en 00 et compte 1. Et, malheureusement, les prix ne sont pas suffisamment rémunérateurs . A qui la faute ? A un marché trop encombré ? Je pense effectivement que nous produisons beaucoup plus que ce dont nous avons besoin. Conséquence : depuis 2010, je ne peux plus me permettre de stocker. Ma marge est insuffisante. Dans ces conditions, envisager la reprise d’exploitation s’annonce plus délicat »

Patrick V, 55 ans, Fins Bois

 

« L’avenir de manière positive »

 

« Je n’ai pas en tête mon coût de production. Je dirais qu’il se situe en 7 et 8 000 € de l’ha. Quand j’ai souscrit une assurance gel, je me suis dit que j’assurais mon coût de revient. Et j’ai signé pour 7 000 € de l’ha. Je vois l’avenir de manière plutôt positive. Les quotas sont élevés et nous n’avons pas accusé de baisse de prix. En tout cas, pas personnellement mais je sais que, l’an dernier, des maisons de Cognac, sous prétexte de qualité, ont baissé leurs prix et ça, je ne le comprends pas ! Aujourd’hui, tout le monde se cale derrière le leader. Même les outsiders se montrent toujours optimistes même si, bien sûr, nous n’avons pas accès à toutes les informations. Dans mon cas, les bons niveaux de rendement ne se traudisent pas forcément par plus de trésorerie mais j’ai fait le choix de stocker.

Cécile C,40 ans, Fins Bois

 

« Un mauvais calcul »

 

Pour l’instant, la réévaluation des prix  de 30 %, intervenue il y a quatre ou cinq ans, assure encore une viabilité à nos exploitations, surtout pour les exploitations contractualisées. Mais ce qui m’inquiète un peu aujourd’hui, c’est la tendance à la baisse des prix qui semble se dessiner alors que les ventes ne se sont jamais aussi bien portées. Le marché américain « cartonne » à plus de 10 % . Malgré tout, certaines maisons vont avoir du mal à maintenir leur prix, d’autres ont déjà annoncé une baisse, sous couvert de changements de comptes d’âge, les rentrées sont impactées. Pour moi, tout cela est lié à une surproduction latente, due à un rendement trop élevé. Pour fixer le rendement, on se réfère dorénavant au Business Plan et plus du tout à l’outil de calcul interprofessionnel qui, à chaque fois, donne un rendement moindre. Le mot d’ordre du Business Plan ! Surtout ne pas surréagir. Conséquence : on accepte de produire 12 de pur ha alors que le négoce n’en achète que 10. A mon sens, c’est très dangereux. La croissance du marché américain ne va pas se poursuivre ad vitam aeternam. Que se passera-t-il en cas de tassement ? Echappera-t-on au retour de manivelle, avec un effet amplifié sur les prix ? Beaucoup pointent du doigt les 800 ha de plantations nouvelles. Pourtant, entre ce 1 % de croissance du vignoble et un hl AP ha supplémentaire, il n’y a pas photo. D’un côté, vous augmentez la production de 1 %, de l’autre de 10 %. Quelque part, tout se passe comme si la viticulture acceptait, à travers le Business plan, des rendements élevés pour limiter les plantations. Pour moi c’est un mauvais calcul.

Viticulteur, 35 ans, Fins Bois

 

« Le chiffre d’affaire plutôt que le prix »

 

« La situation économique de la viticulture Cognac me semble plutôt bonne. Malgré tout, les prix demeurent assez élevés. Après une forte hausse il  y a 4 / 5 ans, les deux dernières années se sont traduites par une sorte de maintien des prix. Et je pense que les prix des 00 de la campagne qui s’ouvre iront dans le sens de la stabilité voire d’une légère hausse. Certes, je vois les vieux démons ressurgir. La notion de prix est sur toutes les lèvres. Moi, personnellement, je préfère parler chiffre d’affaires, résultat d’un mix rendement / prix. Entre 10 hl d’AP/ha à 1 350 € l’hl € l’hl AP et 7 hl AP ha à 1 500 € l’hl AP, l’addition est vite faite. On peut toujours soutenir que les prix n’ont pas suffisamment évolué. Reste que les maisons respectent les contrats, que le chiffre d’affaires viticole a été préservé. Bien sûr, je m’insurge contre l’idée, relayer par certains « que les viticulteurs gagnent beaucoup d’argent ». C’est complètement faux. Pour autant le contexte actuel permet d’investir à la fois dans le vignoble et dans les chais. Nous disposons de la marge de manœuvre nécessaire pour nous adapter aux attentes sociétales, répondre aux exigences des maisons. Au niveau des traitements phyto par exemple, on ne peut nier qu’il faille changer nos pratiques. Impossible de continuer comme avant. Nous devons essayer de traiter un peu plus proprement,  c’est à dire de manière  plus confinée. Par ailleurs les exploitations grandissent. Si, au chai, nous ne voulons pas que le chantier de vendanges s’éternise, il faut bien introduire des systèmes de thermorégulation. Même chose pour tenir compte d’une climatologie très variable. Et je ne parlerai pas de la décantation, que certaines maisons ont inscrit dans leur cahier des charges.

Viticulteur, 40 ans, Fins Bois

 

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