Ciel bleu avec nuages

27 juin 2013

Ce n’est pas que le ciel soit à l’orage ou plombé par de lourds cumulo-nimbus. Non ! Sur le Cognac, la voûte céleste est toujours azurée. Mais quelques nuages flottent cependant dans l’air. Le premier d’entre eux a pour nom la Chine.

En mai 2013, les expéditions sur le périmètre chinois (Chine, Hong Kong, Singapour) ont rétrogradé de plusieurs points, en volume et même en valeur. Cela fait suite à un mois d’avril déjà un peu dégradé, même si les exportations sur Singapour avaient permis de limiter la baisse. Rien de vraiment grave pour l’instant, surtout que les expéditions dans d’autres parties du monde – les Etats-Unis pour ne pas les nommer – relèvent la tête dans une sorte d’effet de vases communicants (+ 5 % en volume, + 14,8 % en valeur sur l’année mobile arrêtée à fin mai). Pour autant, ce « coup de mou » sur l’Asie ne laisse pas indifférent. « Il ne faudrait pas que ça persiste » signalent, avec une once d’inquiétude, tous les « sachants » du Cognac. Leur crainte ! Que les prévisions de vente du négoce se retrouvent démenties par les chiffres et que la situation interne à la région en pâtisse. On n’est jamais assez prudent avec le climat psychologique.

Est-ce une raison pour « crier avant d’avoir mal ? » Le négoce, justement, se montre plutôt rassurant. Dans une conférence de presse donnée fin mai, Jean-Marc Morel, président de l’interprofession du Cognac et directeur général adjoint de Martell, relatait de la manière suivante les statistiques à fin avril 2013 : « Les volumes totaux de ventes progressent en volumes de 2,6 % et de 13,8 % en valeur. Bien des pans de l’économie française s’en contenteraient. »

Certes, un mois plus tard, sur l’année mobile arrêtée à fin mai, ces chiffres avaient été légèrement revus à la baisse (+ 2 % / + 12 %). Toutefois, en valeur absolue, ils restaient éminemment honorables. Sur l’année, la région de Cognac n’expédie-t-elle pas 450 000 hl AP, pour un chiffre d’affaires frisant les 2,4 milliards. Comme l’a indiqué Jean-Marc Morel, ces performances la classent légèrement en tête des exportations de vins & spiritueux français (2,3 milliards d’€ pour le Bordeaux, 2,2 milliards d’€ pour le Champagne). Une situation assez nouvelle pour la région des Charentes.

Le plus inquiétant peut-être réside dans cette espèce de « guerre commerciale larvée » qui semble tenailler Europe et Chine aujourd’hui. Dernier épisode en date : le différend sur les panneaux solaires. L’Europe a émis l’idée d’appliquer des taxes anti-dumping sur les panneaux solaires importés de Chine. En rétorsion, la Chine a tout de suite répliqué avec une enquête « anti-dumping et anti-subvention » contre le vin en provenance de l’Union européenne. Si les spiritueux ne sont pas expressément cités, gare aux dommages collatéraux, jamais exclus dans ce genre de conflits. Une balle perdue est si vite arrivée ! L’Europe et la Chine sauront-elles trouver une parade à ces tensions commerciales ? L’escale serait le pire des scenarii.

Autorisation des plantations nouvelles

L’autre nuage à l’horizon concerne le dossier des droits de plantation ou, plus exactement, celui des autorisations de plantations nouvelles*. Mais, d’ailleurs, à ce stade, doit-on parler de nuages ou bien d’éclaircies ? La réponse sera connue avant la publication de ces lignes. Car c’est les 24 et 25 juin prochains que l’accord du Conseil agricole de l’Union européenne sur la réforme de la PAC devrait intervenir avec, en son sein, une décision sur le nouveau système d’autorisations des plantations nouvelles.

A J-5 de la réunion, soufflaient encore le chaud et le froid au sein de la profession viticole. Tandis que certains parlaient « d’une semaine de tous les dangers, soumise au grand jeu des tractations entre nations », d’autres se montraient assez optimistes. Et ce malgré l’absence de décision lors du trilogue du 6 juin. A cette date, Commission, Conseil et Parlement européen n’ont pas réussi à s’entendre sur le sujet du nouveau système d’autorisation des plantations nouvelles, « considérant qu’il s’agissait d’un dossier politique, à arbitrer au dernier moment ».

Ce qui se dessinait le 20 juin (date de bouclage du journal), c’était plutôt une application du nouveau dispositif en 2016 (position de la Commission) alors que le Conseil plaidait pour une entrée en vigueur du système d’autorisation de plantations nouvelles en 2019. Mais peut-être s’orienterait-on vers une coexistence des deux systèmes entre 2016 et 2019. Sur le plafond annuel d’autorisation de plantations nouvelles, le chiffre de 1 % semblait tenir la corde (contrairement aux 2,5 % de la Commission), en sachant que l’Espagne défendait 0,5 % les trois premières années et 1 % par la suite. Enfin, la durée du système d’autorisation (avant la clause dite de « revoyure ») pourrait courir jusqu’en 2028 voire même 2030, une position proche de celle du Parlement européen (2030) et du Conseil (2024), beaucoup plus éloignée de celle de la Commission (6 ans).

Tout cela pour dire que durant le dernier week-end de juin, le monde viticole croisait les doigts, en espérant que les négociateurs ne reviennent pas sur le chemin déjà accompli.

* Informations sur le nouveau dispositif d’autorisation des plantations nouvelles à retrouver sur le site internet du « Paysan Vigneron » :

www.lepaysanvigneron.fr

 

 

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