Christophe Véral : « Que voulons-nous pour demain? »

28 novembre 2012

La Rédaction

Sollicité à s’exprimer après l’annonce d’Hennessy, Christophe Véral, chef de famille de la viticulture au BNIC, se réjouit de l’augmentation de prix. « Un message fort du négoce. » Persuadé que l’avenir réside dans la productivité du vignoble, il encourage la viticulture à se poser une question de fond : « Que voulons-nous pour demain ? »

 

 

Vos réactions à l’annonce d’une augmentation de prix de 10 % par le leader du marché ?

p10.jpgJe dirais de manière un peu simpliste que c’est une très bonne chose. Je vois dans cette augmentation de prix un message de confiance dans le Cognac. Le négoce croit au produit. Il investit dans les chais, les chaînes de mise en bouteilles, les forces de ventes. Il a bien compris aussi que s’il voulait que la viticulture investisse dans l’outil de production, il fallait lui en donner les moyens. En plus du partage de la valeur ajoutée – un élément très important pour les viticulteurs – c’est un signal fort adressé au monde viticole.

L’UGVC demandait une revalorisation des prix de 6,3 %.
Rétrospectivement, peut-on dire qu’il s’agissait d’une
position un peu « timorée » ?

Pas du tout. Je dirais que demander une telle augmentation était au contraire très professionnel de la part de l’UGVC. Il ne s’agissait pas de faire n’importe quoi. Aux 5 % de rattrapage au titre de l’année, se rajoutait 1,3 % d’inflation. Des chiffres incontestables, découlant directement des études de coûts de production du Bureau national du Cognac. Nous avons obtenu davantage. C’est très bien. Pour autant, notre demande témoignait de la grande maturité de l’UGVC. Notre syndicat n’est pas une formation politique qui réclame 15 pour obtenir 6.

Quelle vision avez-vous de la situation aujourd’hui ?

Je pense que le métier du viticulteur charentais va changer. En Charentes, un grand tabou existe, celui de l’argent. Le viticulteur charentais a un peu honte de gagner de l’argent. Non et non ! C’est un métier où beaucoup de capitaux sont engagés. Nous avons la chance d’avoir un produit connu et reconnu dans le monde entier. Nos viticulteurs sont d’excellents professionnels et, surtout, nous pouvons compter sur des maisons de négoce extrêmement performantes. La question qui va falloir se poser maintenant, c’est de savoir ce que nous voulons faire demain. Doit-on rester comme aujourd’hui à 500 000 hl AP et vivre notre vie tranquillement ou passer à la vitesse supérieure ? Le Cognac ne représente qu’1,8 % des spiritueux dans le monde. N’oublions pas que l’on ne vend que ce que l’on produit.

Personnellement, qu’en pensez-vous ?

Je pense que le propre d’une industrie est de s’agrandir. Qui dit plus de ventes dit plus de publicité, plus de moyens pour le Cognac. Veut-on pouvoir partir à la conquête de marchés émergents comme l’Inde ou l’Afrique du sud ou évoluer à la manière de l’Armagnac ? Je considère qu’à travers l’annonce d’une hausse des prix de 10 %, le négoce a envoyé un signal fort à la viticulture. Nous avons tout à y gagner. C’est du « gagnant/
gagnant ». Mais pour recevoir, il faut aussi savoir donner.

Qu’entendez-vous par là ?

La viticulture a un virage à prendre, celui de la productivité de son vignoble. Elle doit se retrousser les manches. Comment ? La première chose est de remettre en route le vignoble, par l’entreplantation notamment. C’est une étape indispensable. Est-ce que ce sera suffisant ? Tout le monde sait très bien que l’entreplantation ne procurera jamais la même productivité qu’un vignoble jeune. Je sais que dans la région, le mot « plantation » hérisse le poil de beaucoup. Certains viticulteurs y voient l’amorce d’un scénario catastrophe. Pourtant, là aussi, il faut se montrer mature. Il y a un travail de réflexion à conduire au sein du BNIC, entre la viticulture et le négoce. L’étude d’Eurgoup devrait nous y aider.

La communication sur les prix intervient toujours
tardivement. Qu’en pensez-vous ?

Je le regrette. Avoir connaissance des prix après les vendanges n’est pas normal. Ce n’est pas conforme à l’esprit de confiance constructive qui anime la viticulture et le négoce aujourd’hui. Nous devrions connaître les prix avant les vendanges. Les grandes maisons ont déjà fait un gros effort en communiquant leurs ordres d’achat avant l’affectation des surfaces. L’information sur les prix doit connaître la même évolution et intervenir avant la récolte. Nous ne pouvons pas gérer nos exploitations « au petit bonheur la chance ». C’est un message qu’en tant que chef de famille de la viticulture, je ferais passer lors du prochain comité permanent du 26 octobre.

 

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