« Le Paysan Vigneron » – Les élections à l’ADG, en juin 2008, furent une période de haute tension entre les deux syndicats viticoles. Malgré tout, vous avez su faire taire vos divergences pour constituer une fédération commune.
Christophe Véral – Quelque part une élection est toujours une période terrible. On se renvoie à la figure un tas de choses. En ce qui concerne le SVBC, il n’a pas gagné 49 % des voix à l’élection sans exercer une certaine pression. Chacun s’est battu pour faire avancer ses idées et c’était normal. Maintenant le temps est venu de tourner la page et de construire entre gens de consensus. La création de la fédération représente un grand pas.
« L.P.V. » – Les blessures se sont refermées ?
Ch.V. – Objectivement, je crois que les sujets qui nous ont divisés par le passé se sont largement atténués. Je pense notamment aux 6 de pur du début des années 2000. La réalité de terrain est aussi plus complexe, moins manichéenne que décrite parfois. Des personnes du SGV partagent certaines de nos idées et inversement, des adhérents du SVBC ne sont pas loin d’approuver certains postulats du SGV. Au-delà de ça, la fédération est justement faite pour que la situation évolue, en essayant de transcender les clivages. Les personnes qui n’ont pas compris que la fédération était obligatoire pour rendre la viticulture plus forte ne sont plus là. Je veux dire qu’elles peuvent encore être adhérentes de nos syndicats mais elles se sont mises elles-mêmes un peu en marge.
« L.P.V. » – A quoi va servir la fédération ?
Ch.V. – Comme déjà dit à plusieurs reprises, la fédération va servir à ce que la viticulture parle d’une seule voix, une fois l’accord établi en amont. L’époque où la famille de viticulture s’écharpait devant le négoce est révolue.
« L.P.V. » – Votre syndicat n’était pas étranger à l’affichage de cette division.
Ch.V. – A un moment donné, l’écart entre nos positions était bien trop grand pour nous permettre de faire l’économie d’un combat d’idée. Nous nous sommes battus pour que notre famille de pensée soit reconnue. C’est acquis aujourd’hui. Reste à travailler pour la viticulture de demain. C’est ce que je souhaite et mes collègues avec moi.
« L.P.V. » – Est-ce à dire que les divergences n’existent plus ?
Ch.V. – Pas du tout. A coup sûr, des sujets seront encore un peu chauds. Le grand mérite de la fédération est justement d’avoir prévu dans ses statuts le moyen d’obliger les syndicats à discuter entre eux. Pour qu’une décision soit approuvée, aussi bien en assemblée générale qu’au sein du conseil d’administration, il faudra qu’elle recueille les deux tiers des voix. Que ce soit pour la proposition de rendement Cognac, les délais de paiement ou tout autre sujet, SGV et SVBC devront au préalable se mettre d’accord. Gageons que les dossiers seront débattus au sein de la fédération avec force et conviction. Mais le vote aux deux tiers va laminer les positions extrêmes. Outre la crédibilité supplémentaire conférée aux décisions, on peut imaginer que les sentiments de frustration s’en trouvent réduits. Faire du syndicalisme, c’est aussi savoir faire preuve de concession. A un moment donné, il faut arrêter de pratiquer un syndicalisme politico-viticole. Cela ne rapporte rien et stérilise les débats. Mais j’ai confiance. Des deux côtés, existe une réelle volonté d’entente. Avec Jean-Bernard de Larquier, nous avons beaucoup œuvré pour cette recherche de consensus. Jean-Bernard est quelqu’un qui connaît très bien les dossiers et je ne dis pas cela pour lui passer la main dans le dos. Nous nous apprécions et respectons mutuellement.
« L.P.V. » – Les décisions de la FVPC auront-elles un caractère « engageant » ?
Ch.V. – Absolument. Les positions arrêtées par la FVPC seront celles défendues par le chef de famille de la viticulture en assemblée plénière et comité permanent du BNIC. Il y aura une complète linéarité entre les deux. Autre élément important. Ne seront amenés à communiquer à l’extérieur au nom de la fédération que le président, le vice-président ou toute personne habilitée à le faire. Par contre, dans le cadre de leur mandat de représentation à la FVPC, les délégués ne pourront en aucun cas parler au nom de leurs syndicats respectifs, sous peine de suspension voire d’exclusion. Ceci pour éviter toute cacophonie. Enfin, à la CNAOC, c’est la FVPC qui siégera à travers quatre représentants, Bernard Guionnet, Christophe Forget, Bernard Gauthier et François-Jérôme Prioton.
« L.P.V. » – A votre avis, quels sont les sujets importants qui interpellent la région aujourd’hui ?
Ch.V. – La détermination du rendement Cognac ne sera pas facile, compte tenu de l’incertitude pesant sur les marchés et du manque de visibilité. La nouvelle OCM, le projet de dérégulation des plantations, l’environnement, la législation sur les distilleries constituent autant de grandes thématiques. Il y a aussi l’importante question de la transmission des exploitations, liée au papy-boom où celle de la mise en stock des récoltes. Si le négoce a besoin de comptes 8 ou 10, il devra aider les viticulteurs à monter en vieillissement.
« L.P.V. » – Et les prix ?
Ch.V. – Personnellement, je ne suis pas partisan des prix trop hauts pratiqués par des « tireurs d’élite ». Ils ont pour effet de bloquer le marché. Plutôt que des comptes 2 à 1 400 ou 1 500 € l’hl AP, je préférerais voir les vins Cognac augmenter de 5 à 10 % par an. Bien sûr que je suis pour que la viticulture sorte gagnante. Mais à mon avis, elle aura plus de chances d’y parvenir avec des progressions linéaires, en volume comme en prix, plutôt qu’avec des + 50 et des – 30 %. Nos exploitations, pour investir, ont besoin de lissage et de stabilité.
« L.P.V. » – Comment percevez-vous l’interprofession du Cognac et quel climat y règne-t-il ?
Ch.V. – Je dirais que le comité permanent est vraiment l’outil de pilotage de l’interprofession, le lieu où l’on va au fond des choses. J’ai le sentiment qu’il y règne une certaine sérénité, peut-être plus grande que par le passé. Et puis il n’est pas complètement anodin qu’un viticulteur, Bernard Guionnet, soit à la tête du BNIC. L’homme est bon et il connaît les sujets. Il est capable de faire la part des choses entre viticulture et négoce.
« L.P.V. »- Jean-Bernard de Larquier et vous-même avaient abandonné vos mandats de présidents de syndicat, lui du SGV, vous du SVBC.
Ch.V. – Après cette période élective, il paraissait souhaitable de « marquer le coup » et, en quelque sorte, « tirer un trait » pour passer à autre chose. Il est important de donner un second souffle à nos représentants. Dans nos formations respectives, les portes sont grandes ouvertes. J’entends parfois des viticulteurs se plaindre que les décisions se prennent « en petit comité. » Qu’ils nous rejoignent ! Malheureusement, ce sont toujours un peu les mêmes que l’on retrouve dans les différentes instances, CETA, GDA, BNIC… Que les viticulteurs se rapprochent davantage de leurs syndicats. Nous avons besoin de leur force. Et le syndicalisme est une formidable caisse de résonance pour être au courant des choses. Si vous restez assis dans votre coin en attendant que ça arrive, vous êtes sûr que rien ne se passera. La viticulture a besoin de nouvelles têtes, venant de différents horizons et pas forcément nées dans une chinte de vigne. Il est important d’avoir un autre regard sur la viticulture et surtout la viticulture de demain.
« L.P.V. » – La notion de syndicat unique revêt-elle un sens pour vous ?
Ch.V. – Pour l’instant, il n’est pas question de porter un syndicat unique sur les fonts baptismaux. Il faut laisser vivre la fédération et voir comment elle se comporte pendant au moins un ou deux ans. Il conviendra aussi d’entendre ce que veulent les viticulteurs. Ce sont eux qui auront le dernier mot.
FVPC
Composition Du Conseil d’Administration
Président : Christophe Véral
Vice-président : Jean-Bernard de Larquier
Jean-Christophe Baraud, Jean-Paul Barbut, Eric Billhouet, François Bodin, Patric Brisset, Philippe Deloume, Xavier Desouche, Chistophe Forget, Eric Gauche, Philippe Guélin, Olivier Louvet, Raphaël Martinaud, Philippe Martinaud, François-Jérôme Prioton, Stéphane Roy, Marie-Laure Saint-Martin.
« Je suis un épicurien »
C’est en 1994 que Christophe Véral fait sa première incursion en terre charentaise. Son beau-père, Jean-Marie Boisfron, l’initie à la distillation. Ch. Véral est un élève doué. Ayant travaillé, « dans une précédente vie », dans le domaine de l’hôtellerie en Afrique et en France, c’est un homme d’odeurs et de saveurs. La distillation, il la compare à de la « grande cuisine ». « C’est comme voir un grand chef associer des mets. » Il se définit lui-même comme un épicurien, qui aime bien manger et boire du bon vin. « Tout est lié » dit-il. Et d’avouer : « Une bonne eau-de-vie, moi, elle me donne faim ! » L’art de la distillation – « un savoir ancestral – il l’acquiert petit à petit, avec son beau-père qui lui transmet les subtilités du métier, avec son voisin aussi, Philippe Touchard, du village du Plessis à Mareuil. « C’est un adhérent du SGV (sourire) mais il travaille très très bien. » D’autres rendez-vous le marquent comme les stages ORECO ou encore les dégustations organisées par les bouilleurs de cru de l’ACBC, la coopérative associée de Courvoisier. « Je suis un passionné. Il faut d’abord écouter et puis sentir. » En période de distillation, Christophe Véral sent chaque matin toutes ses eaux-de-vie. S’il distille maintenant depuis dix ans, il reconnaît n’être qu’au début du parcours. « Il faut savoir être humble. » Il a entraîné dans le cercle de la bonne chauffe un de ses bras droits. « La distillation représente une sorte d’aboutissement. J’ai envie de partager ce moment avec mes salariés. J’ai toujours appris qu’il n’y avait qu’une seule façon d’avancer, en se formant et en formant les autres. »
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