Christophe Forget, président de l’UGVC, garant de la représentativité syndicale

9 avril 2014

Durant six ans, d’abord à la tête du SGV puis de l’UGVC, Christophe Forget fut le garant de la représentativité syndicale au sein du vignoble cognaçais. Sans forfanterie ni effets de manche, il réussit à faire s’écouter tout le monde. « Ma plus grande satisfaction » dit-il. Aujourd’hui, il parle d’une « sécurisation du métier de viticulteur, grâce à de beaux outils mais aussi à un climat économique favorable ». Et demain ? La filière Cognac s’est lancée dans une étude prospective à échéance 2026, qui pourrait aboutir à une ouverture – mesurée – des plantations. Le président de l’UGVC prône un « partage du risque avec le négoce ». Christophe Forget revient sur ses engagements et la vie du syndicat. « L’UGVC sera ce que les viticulteurs voudront en faire. »

 

 

p15.jpgD’ici à juin, le syndicat va boucler un cycle électoral complet : élection des délégués, du conseil d’administration, du bureau, du président. Vous avez vous-même évoqué votre intention de ne pas solliciter un nouveau mandat à la tête de l’UGVC. Pourquoi ?

Je crois qu’il s’agit de la vie normale de toute structure. Si l’on compte les deux syndicats SGV et UGVC, j’exerce mon mandat de président depuis six ans. Le temps est venu de laisser à quelqu’un d’autre le soin d’assumer cette responsabilité. J’envisage de le faire en douceur. Je veillerais à ce que cette transition s’opère le mieux possible et le plus simplement possible, à la fois pour les représentants de l’UGVC et le fonctionnement du syndicat. Si je dois rester quelques mois supplémentaires pour assurer un bon passage de relais, cela ne me posera pas de souci. Mais je ne repartirai pas pour un nouveau mandat.

Pour beaucoup, vous incarnez aujourd’hui une sorte de caution morale, la garantie d’une représentativité de tous les courants de pensée au sein de l’UGVC.

Quelque part cette représentativité cons-titue la marque de fabrique du syndicat. C’est de cette façon que nous l’avons cons-truit. Je ne doute pas que mes successeurs auront toujours cette motivation à cœur. Il faut que le viticulteur de Montlieu-la-Garde, de Rouillac, de Pons ou d’Archiac se reconnaissent dans le syndicat. Même chose pour les différents métiers, livreur de vin, bouilleur de cru à façon, à domicile, vendeur direct.

Comment avez-vous vécu ces six années ?

Les trois premières furent, vous vous en doutez, assez conflictuelles, quand les deux syndicats s’opposaient. Les trois suivantes s’avérèrent bien plus consensuelles. C’est à mettre sur le compte du rapprochement des deux structures mais aussi des circons-tances économiques. Ce climat favorable a permis, me semble-t-il, de construire plus durablement et solidement. On se met plus facilement d’accord quand la situation économique est plus faste.

Votre plus grande satisfaction ?

Je pense que ma plus grande satisfaction découle de ce qui s’est passé autour de la table du conseil : avoir réussi à faire s’écouter des gens aux origines très diverses. Il y avait beaucoup de monde à la table du conseil (54 administrateurs ndlr). Pourtant les discussions furent toujours d’une très grande dignité, tout en reflétant les débats du moment. Et une fois les positions formalisées, nous nous y sommes tenus. C’est une vraie fierté, davantage pour l’UGVC que pour Forget.

Y a-t-il eu des dossiers plus compliqués ?

Le président doit porter la position de son syndicat. Une position qui, parfois, ne correspond pas tout à fait à la sienne. Mais il ne représente qu’1/54e des voix de l’assemblée. La vie démocratique d’un syndicat est à ce prix. On ne peut l’envisager que de façon collégiale. Au plan des réalisations, je pense que nous pouvons qu’être satisfaits. Nous avons réussi à mettre en place quelques beaux outils comme la réserve climatique, la réserve de gestion… Plus globalement, il y a quand même eu une avancée en terme de sécurisation du métier de viticulteur. Aujourd’hui, à travers le Business plan, nous nous attaquons à une vision plus prospective. Quelle stratégie développer pour que le Cognac se porte bien à
échéance des quinze prochaines années ? Tout en limitant autant que faire se peut les erreurs. A partir de l’étude d’Eurogroup, la réflexion va porter, dans les mois à venir, sur les indicateurs de pilotage les plus pertinents.

Sur ce dossier, estimez-vous disposer d’une marge de manœuvre suffisante ?

C’est la viticulture qui a déterminé son
objectif de production. Des délégués du syndicat furent interrogés sur le sujet. Ils vont de nouveaux l’être sur un aspect qui nous semble essentiel : le retour sur investissement, le partage du risque avec le négoce, tout ce qui doit accompagner notre réflexion autour des plantations nouvelles, si elles doivent se faire bien entendu.

Quelle est votre opinion personnelle sur la question ?

Je crois qu’il faut véritablement que le renouvellement du vignoble soit premier dans la démarche. On ne peut pas en faire l’économie. Maintenant, compte tenu de la mortalité des ceps, ne faut-il pas accompagner ce renouvellement d’une part de plantations nouvelles ? A terme, le Cognac a l’obligation d’honorer ses marchés, d’en défricher de nouveaux. A cette fin, il doit mettre ses stocks en adéquation avec ses sorties. Dans ce sens, oui, je pense que l’ouverture des plantations est quelque chose qui peut s’avérer positif. Maintenant, si vous me demandez s’il faut le faire à la hauteur d’il y a 40 ans, ma réponse est non. Ce serait catastrophique.

Vous n’êtes pas sans savoir que les viticulteurs restent très partagés, très réservés vis-à-vis de l’augmentation de surface. Ils sont dans l’expectative.

Je le comprends parfaitement. D’une part, en tant que représentants professionnels, nous nous approprions peut-être un peu mieux qu’eux cette vision anticipatrice véhiculée par l’étude d’Eurogroup et nous échangeons plus fréquemment avec le négoce. D’autre part, tout ceci doit être corrélé avec les garanties que nous pourrons obtenir des négociants. Ils ont bien compris que s’ils voulaient que le dossier des plantations avance, ils devaient s’engager, au plan contractuel notamment. A ce jour, c’est probablement la partie de la discussion la plus stratégique. La viticulture n’assumera pas seule le risque de la plantation. Ce risque devra être supporté conjointement avec le négoce.

Pour revenir à la question précédente, je ne suis pas hostile, par dogmatisme, aux plantations nouvelles, si le besoin est avéré.

A votre avis, quel pourrait en être
le calendrier ?

D’ores et déjà, nous savons que le travail d’Eurogroup va se poursuivre sur les six mois prochains. Ce sont ses conclusions qui nous donneront des indications sur le bon tempo, le bon rythme. On ne peut pas présumer des résultats d’une étude avant que celle-ci soit terminée.

Que pensez-vous du clivage qui paraît se manifester entre le Cognac et les autres régions viticoles ?

Comme cela n’a échappé à personne, le dossier des plantations en constitue un bel exemple. Nous essayons de faire comprendre aux autres régions viticoles que nous sommes différents et que, quelque part, nous sommes assez grands pour nous gérer. Mais, en l’état actuel des choses, ce n’est pas gagné. Nos collègues ont du mal à percevoir la spécificité d’une région d’eau-de-vie comme la nôtre, dont la production ne répond pas aux mêmes critères qualitatifs que les vins de bouche. Nous avons besoin de volumes alors que chez eux, c’est la concentration qui prévaut. Notre mode de fonctionnement diffère aussi. Les décisions se prennent au sein de l’interprofession, entre les deux familles. Partout où nous siégeons les uns et les autres – à France-AgriMer, l’INAO, la CNAOC, le CNIVE – nous expliquons nos positions, tentons de faire partager nos convictions. Nous plaidons notre cause, en souhaitant être entendus.

Pour revenir à la vie interne de l’UGVC,
certains se plaignent que le syndicat ne soit pas assez revendicatif, pas assez
« syndicat-syndicat ».

Il y a deux manières d’envisager les choses. Ou l’on se montre très revendicatif avec des actions « coup d’éclat ». Ou l’on mène un travail de fourmi, un peu dans l’ombre, par petites touches. Je ne suis pas persuadé que les grands coups d’éclat favorisent le résultat. Je pense par exemple à la valorisation du prix des eaux-de-vie. C’est vrai que l’UGVC, ces dernières années, fut beaucoup dans la construction. Cela tient peut-être aux personnalités des gens qui le composent. A titre personnel, je ne trouve pas très pertinent de montrer ses muscles en permanence. La recherche du consensus me semble plus judicieuse pour avancer. Cela dit, je suis convaincu qu’il faut garder la capacité d’avoir des coups de gueule.

Trois ans après la fondation de l’UGVC, la greffe a-t-elle bien pris entre les
eux syndicats ?

En 2011, pour composer le nouveau conseil d’administration de l’UGVC, nous sommes partis des deux anciens conseils d’administration du SGV et du SVBC. Eh bien trois ans plus tard, au vu des débats, je mets au défi quiconque de retrouver qui appartient à l’une ou l’autre des formations. Il y a des gens très libéraux dans les deux camps, comme des adeptes de la régulation. Véritablement, je crois que nous avons réussi à nous détacher des étiquettes. A meilleure preuve, le combat contre la libération des plantations a été très largement partagé au sein du syndicat. Ce fut l’une des pierres angulaires de son action.

Ces derniers temps, le syndicat a vu le nombre des adhésions progresser de manière significative.

Dès le départ, l’ambition de l’UGVC était de devenir incontournable aux yeux des viticul-
teurs. Cela paraît évident mais la force d’un syndicat tient à la base de ses adhérents. Ce que nous n’avons pas pu faire en créant une Cotisation Volontaire Obligatoire (sourire), nous l’avons fait à travers les services, notamment ceux relatifs au Plan collectif à la restructuration mais pas seulement. Je pense que l’adhésion des viticulteurs sera durable car ils reconnaissent la qualité des prestations qui leur sont proposées. A ce propos, je remercie l’équipe de syndicat qui ne compte pas son temps, écoutent les viticulteurs, les renseignent vite et bien. Cela se dit. Le bouche à oreille fonctionne. Maintenant, l’UGVC est un syndicat de filière – viticole en l’occurrence – et d’aucune façon un syndicat généraliste. Pour que notre sensibilité viticole soit entendue sur tous les dossiers transversaux – structures, fiscalité… – j’encourage les représentants viticoles à siéger au sein des syndicats généralistes.

Pour participer à la vie syndicale, il faut du temps et quelque part, des moyens. N’y a-t-il pas là un ferment de déséquilibre en terme de représentativité ?

De façon générale, le syndicat sera ce que les viticulteurs voudront en faire. Prenons mon cas personnel. Je ne m’appuie pas sur une structure de 10 salariés. C’est vrai que l’implication syndicale est un choix qui coûte cher. Mais si certaines structures d’exploitations ne sont pas représentées, si elles laissent la place vacante, on ne s’étonnera pas du résultat. La solution, à mes yeux, c’est de s’impliquer à fond mais sur une période courte, très mesurée dans le temps. A cette condition, me semble-t-il, tout le monde peut participer à la vie syndicale. Je suis satisfait de voir que parmi les candidats au poste de délégué (candidatures closes le 14 février), il y a pas mal de jeunes adhérents.

Aujourd’hui, l’activité syndicale est strictement bénévole. Il n’y a pas de défraiements.

En effet, nous n’avons jamais considéré que les représentants de l’UGVC devaient être défrayés. Et gageons que le mandat syndical reste une activité bénévole. D’abord parce qu’il s’agit de l’argent des viticul-teurs. Ensuite le bénévolat constitue vraiment le socle de la motivation. On s’engage par conviction, non par intérêt.

Ces années passées à la tête du syndicat, que vous ont-elles apporté ?

Elles se sont révélées très enrichissantes, par la connaissance de la filière qu’elles induisent. La vision s’en trouve considérablement élargie, à la fois sur le monde viticole et le monde du négoce. Les enjeux apparaissent plus clairement. Nous avons souvent dit aux négociants de partager avec les viticulteurs la connaissance de leur métier. C’est ce qu’ils font tous aujourd’hui.

La présidence du syndicat se traduit par combien d’heures, de jours ?

Je ne sais pas, je n’ai jamais compté. Ce sont des repas qui sautent, des traitements tard le soir, meilleurs pour la qualité de la pulvérisation (sourire). Je ne suis pas le seul dans ce cas. Tous les représentants professionnels connaissent ce rythme de vie, travaillent de cette façon. Je le répète. C’est d’autant plus possible que le mandat sera d’une échéance limitée.

Après ces élections, que ferez-vous ?

J’envisage toujours de participer à la réflexion de filière et m’investir au sein de l’interprofession. Si mes collègues le souhaitent bien sûr et s’ils considèrent que je peux être utile.

 

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