Champagne de Reims : les points de fragilité de la filière

27 juin 2013

Eh oui, ils existent. Tout ne va pas aussi bien qu’on pourrait le penser dans le meilleur des mondes champenois. Pour défendre le fameux équilibre régional, les Champenois ont fort à faire. En permanence, ils doivent « resserrer les boulons » Et parfois ça ne suffit pas. Exploration des points de fragilité de la filière.

 

 

p13.jpgL’éclatement des exploitations – Pour 33 000 ha, la Champagne doit compter quelque 20 000 déclarants… et 277 000 parcelles. La faute à la trop grande prospérité champenoise. Personne ne vend. Personne ne veut se séparer de son pactole champenois. Des parcelles mesurent 1 are 80, 3 ares 40, 7 ares 28… La Champagne est le royaume des pluriactifs non vignerons, du fermage et du métayage quand ce n’est pas de la prestation de service. Chaque vigneron fait un « bout de cousin ». Il n’est pas rare d’avoir des vignes sur 14 communes et plus. Quand le propriétaire est dentiste à Paris ou rhumatologue à Nice, difficile de parler d’un véritable engagement dans les rangs du syndicalisme viticole. Certes, le SGV Champagne fait le plein des adhérents mais de manière un peu théorique. La dispersion des exploitations ne favorise pas l’implication de ses membres. Sans parler « de la nouvelle génération trop gâtée, pas prête à s’investir dans le syndicalisme. »

Des négociants qui achètent la terre – En grande masse, il est admis que le négoce vend aujourd’hui les deux tiers du volume de bouteilles et détient théoriquement 10 % du vignoble mais, dans la réalité, ce chiffre doit être plus proche des 16 % voire des 20 %. En quelques années, ce pourcentage a évolué de plusieurs points. Le négoce – la société Moët et Chandon en tête (groupe LVMH) – mène une politique conquérante d’acquisition du foncier viticole. « Ils ne laissent rien passer ! » Pour la bonne raison qu’ils sont peut-être les seuls aujourd’hui à avoir les moyens d’acheter le foncier viticole. Face à de prix de parcelles qui se négocient entre 800 000 et 1 million d’€ l’ha (plus près d’1,8 million l’ha dans les grands crus), l’exploitant individuel se retrouve sur la touche. Pour le propriétaire, les propositions du négoce sont trop tentantes. Il empoche le « cash » et, en prime, se voit proposer de continuer à exploiter avec un bail de 25 ans (ou un contrat de prestation de service). « Si rien n’est fait, c’est sans doute la dernière fois que des successions s’opéreront en Champagne » déplore un vigneron. « D’autant qu’avec les parts de société qui ne se voient pas, nous assistons à un véritable poker menteur » dénonce-t-il. Des 100 à 120 ha qui se négocient annuellement en Champagne, combien repartent vers la viticulture ? Cette mainmise du négoce sur une frange du foncier (même marginale) s’attaque à l’un des grands « deal » du Champagne : au négoce la plus grande partie du commerce, aux vignerons la détention de la terre. Elle a tendance à fragiliser aussi un autre équilibre, la répartition des parts de marché entre négociants. Pour un ha de vigne acheté, on estime « l’effet levier » – l’attraction supplémentaire exercée sur les kg de raisins de l’exploitant – de 1 pour 4. Un mauvais coup porté au petit négoce. « Nous tenons à nos petites maisons » assurent pourtant les Champenois, « les Roederer, Bollinger, Deutz, Taittinger, Pol Roger… »

Récoltants-manipulants : le champ des sirènes – Ils sont 5 000 aujourd’hui mais combien seront-ils demain ? Cette question taraude les « vieux » champenois, qui voient leurs jeunes courtisés et plus encore par le négoce. « Ils ne savent plus quoi faire pour attirer les vignerons et obtenir d’eux des kgs de raisins » Objectivement, il est plus facile de vendre ses raisins au négoce que de porter un stock de bouteilles pendant 3 ans. Qui plus est, on gagne mieux sa vie. Mais si les 30 millions de cols vendus par les récoltants-manipulants (sur les 800 millions de la Champagne) fondent comme neige au soleil, passera à la trappe un autre point d’équilibre de la Champagne. Que le « pool viticole » fléchisse – coopération, récoltant-manipulant – et le rapport de force équilibré de la Champagne peut être menacé.

La bataille de la valorisation – Le Champagne est vendu majoritairement en France et, en France, principalement dans la grande distribution. Des références « à pas cher » (9,70 € la bouteille ; des tickets de réduction en caisse de – 50 %) nuisent à l’image de marque du Champagne et porte atteinte à sa profitabilité. Heureusement qu’à l’export, le phénomène n’existe pas. La filière a lancé voilà quelque temps « la bataille de la valorisation », plus importante à ses yeux que celle des volumes. Est-ce la conséquence ? La Champagne perd régulièrement 5 % de ses volumes depuis quelques années. Pour autant, les intentions d’achat du négoce ne désarment pas. « Le marché n’est pas en pénurie, il est en demande » diagnostique un vigneron.

La bataille du prix du kg de raisin : le pied sur le frein – Les prix d’achat du kg de raisin ont en permanence tendance à augmenter. « Nous sommes obligés de freiner les négociants, toujours prêts à consentir une rallonge » avouent les vignerons. « Il y a trente ans, c’était l’inverse. Nous voulions toujours un peu plus. » Les professionnels ne sont pas loin d’y voir « une manœuvre des très gros opérateurs ». « Ils veulent engloutir tout le monde. »

 

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