Elu président de la Chambre d’agriculture de Charente en mars 2013, Xavier Desouche a découvert une infrastructure protéiforme, aux pôles de compétences multiples. Un « lourd paquebot » dit-il. A travers l’instrument politique que représente la Chambre, Xavier Desouche défend l’idée « d’accepter les contraintes mais à condition de pouvoir en sortir, quand la marge de progrès est avérée ». Le nouveau
président soutient une vision ouverte de la gouvernance, où le syndicalisme, aiguillon de la Chambre, ne s’immisce dans sa gestion.
Président de Chambre d’agriculture, un dur métier ?
C’est très intéressant, très large. Il a fallu acquérir rapidement un peu de compétences pour être en situation de connaître tous les grands dossiers. Car la Chambre est le premier interlocuteur des OPA et de l’Administration. La Chambre traite de multiples sujets, de l’agriculture biologique à l’agriculture conventionnelle, de la viticulture à l’élevage en passant par les céréales. La Chambre compte de gros services tels le service productions végétales, le pôle élevage, le pôle entreprise agricole, qui englobe l’installation ou encore le pôle communication. Ensuite, existent des services plus spécialisés comme le laboratoire viticole, le service bâtiment, qui aide à la conception et au dépôt de permis de cons-truire ou le service technique qui contrôle les tracteurs et les pulvérisateurs. Mais, de façon transversale, une tendance de fond se dégage : le poids de plus en plus grand pris par les aspects liés à l’environnement. Au moins dix personnes s’y consacrent à la Chambre, soit un peu plus de 10 % des effectifs. Le grand sujet du jour est la discussion sur la 5e Directive nitrates, qui ne va pas manquer de nous impacter. Ce que nous essayons de discuter avec l’Administration, c’est la réversibilité des charges. Nous ne sommes pas hostiles aux contraintes, pour se mettre à niveau. Mais quand la marge de progrès est atteinte, il faut pouvoir sortir du carcan réglementaire. Or, que se passe-t-il habituellement ? On rajoute des contraintes couche après couche, alors même que des améliorations se manifestent. En Charente, nous venons de réussir à sortir une quarantaine de communes du périmètre, dont une partie sur le Karst de La Rochefoucault. A l’inverse, les communes du bassin-versant du Né restent soumises aux obligations nitrates, ce qui s’explique. Cette réversibilité des contraintes représente un véritable combat, avec la France mais surtout avec l’Union européenne, qui accepte mal de voir la carte des risques évoluer, en fonction du degré de pollution. En ce qui concerne la qualité des eaux, les nitrates constituent sans doute un indicateur pertinent. Mais le problème ne se borne pas à eux. Des analyses réalisées par l’agence Adour Garonne montrent la présence massive de résidus de médicaments – notamment des antidépresseurs – bien plus nocifs et nombreux que les résidus agricoles. Après, il y a des dérives inexcusables dans notre propre camp. Qu’on ne me dise pas qu’il est normal de retrouver dans les eaux des traces de certains herbicides interdits depuis 10 ans, alors même que la molécule présente la particularité de se modifier au bout de 12 à 18 mois. Certains de nos confrères desservent la cause des agriculteurs, très fortement.
Votre premier contact avec la Chambre ?
J’ai trouvé une Chambre en bon état, tant du point de vue financier que de la motivation du personnel. Je n’ai ressenti aucun frein au fait que nous soyons Coordination rurale et non FNSEA. Lors de la prochaine session Chambre qui se réunira le 28 novembre, nous allons présenter notre politique sur la période à venir. Sans m’étendre sur le sujet, je dirais simplement que nous allons poursuivre le développement de la Chambre, malgré les resserrements budgétaires. L’an dernier, le prélèvement obligatoire n’a pas augmenté et cette année, une hausse ne semble pas davantage à l’ordre du jour. Cela signifie chaque année 2 % de recettes en moins, soit 30 à 40 % du temps d’un agent. Dans la même veine, l’Etat a bloqué les subventions. Pour maintenir une Chambre d’agriculture dynamique, en capacité d’exercer ses missions de service public, les prestations restent plus que jamais indispensables. En viticulture, un comité commun aux deux départements conduit des actions conjointes. Des initiatives exis-taient déjà, comme le Forum pulvé. Nous allons les intensifier.
D’un point de vue un peu plus politique, où en êtes-vous ?
Au cours de la campagne des élections, j’avais parlé d’un bureau ouvert. Il est ouvert. Participe au tour de table un représentant des salariés, un représen-tant des propriétaires, un représentant des Cuma, un représentant de la coopération, un représentant de la liste FNSEA dissidente, un représentant de la MSA membre de la FNSEA. Tout le monde est présent et ça se passe bien. Aujourd’hui, nous sommes au service de l’ensemble de l’agriculture et des agriculteurs. Je ne ferai jamais de discrimination entre un syndicat ou un autre, y compris à l’égard d’un membre éminent d’un syndicat d’opposition. Je le défendrai avec autant de fermeté. Il est normal de se bagarrer au moment des élections et de tourner la page ensuite.
Pour vous, personnellement, cela se traduit par beaucoup de temps passé ?
Pour l’instant, il s’agit presque d’un plein-temps. Et ce pour plusieurs raisons. Déjà, il faut que j’apprenne les arcanes de cette nouvelle fonction de président de Chambre ; et ensuite, la période correspond à un épisode charnière, avec de nombreuses échéances à la clé. Se négocient actuellement les grandes lignes des subventions budgétaires. Le montant des aides sera directement proportionnel aux actions que nous serons capables de proposer. L’Etat et FranceAgriMer ont demandé aux Chambres de réfléchir à un plan stratégique pour chaque culture. Enfin, la loi d’avenir agricole arrive à la discussion.
Vous effectuez un travail de lobbying.
On peut dire ça comme ça. La Chambre d’agriculture a un rôle d’animation, de réflexion, de proposition. Les propositions que nous formulons doivent être acceptables pour toutes les parties mais au mieux des intérêts de l’agriculture. Si nous pouvions imposer ce que nous voulons, l’Administration se sentirait à coup sûr frustrée, et les écologistes aussi. Nous sommes donc obligés de rechercher en permanence le compromis. Mais un bon compromis.
Qu’entendez-vous par « un bon compromis » ?
A mon sens, le bon compromis consiste à faire acter noir sur blanc une marge d’évolution quand les choses s’amélioreront. Les lignes pourront bouger dans le sens de l’intérêt des agriculteurs.
En ce qui concerne vos autres mandats professionnels et syndicaux ?
J’ai laissé ma place au bureau de l’UGVC mais je siège à l’interprofession du Cognac. Je représente toujours la Coordination rurale à FAM mais j’ai démissionné de mon poste de vice-président départemental de la Coordination rurale. L’idée est d’éviter tout mélange des genres. La Chambre est parfois conduite à prendre des décisions différentes de celles défendues par mon syndicat. Mais tant pis. C’est comme ça ! A un moment donné des choix doivent être faits, au nom de l’ensemble.
Est-ce à dire que vous renonceriez à mettre en œuvre la politique que vous avez soutenue au cours de votre campagne électorale ?
Pas du tout. Nous ne démordrons pas des positions exprimées alors. Mais il faut composer avec les contraintes imposées par une Chambre d’agriculture. Une Chambre, c’est un gros paquebot. On ne le fait pas bouger d’un simple coup de barre. Syndicalisme et Chambre doivent évoluer de concert, côte à côte, l’un étant l’aiguillon de l’autre. Le syndicat doit être l’aiguillon de la Chambre, sans s’immiscer dans sa gestion.
Vous avez recruté un nouveau directeur.
Je suis très heureux d’avoir procédé à ce recrutement. Précédemment, Marc Thomas dirigeait une coopérative viticole et céréalière à Limoux, dans l’Aude. Il a pris en charge de nombreux dossiers. Il apporte de l’expertise et de la sérénité dans le traitement des sujets. Pour un président, c’est important de se sentir en phase avec son directeur. Nous partageons un objectif commun : que la Chambre se rende indispensable auprès de tous les agricul-teurs de ce département ainsi qu’auprès de l’Administration. Au niveau du budget, notre politique consiste à nous montrer très rigoureux dans les dépenses ; dépenser ce qu’il faut mais pas plus.
Le rôle de président de Chambre est une fonction exigeante.
Qu’il faut incarner avec humanité.
Comment faites-vous sur votre exploitation ?
J’ai pris un salarié à plein-temps, que mes indemnités de Chambre m’aident à rémunérer. J’ai d’ailleurs créé un compte spécifique. Un poste de président de Chambre ne sert pas à gagner de l’argent. Nous sommes là pour servir.