Cépages résistants aux maladies : des recherches prometteuses

17 août 2017

Aurons-nous un jour dans notre vignoble de Cognac des cépages qui ne justifieront que 2 à 3 traitements par an ?

 

La pression agroenvironnementale et le dérèglement climatique incitent les organismes de recherche de tous les vignobles du monde  à créer et à sélectionner des cépages résistants aux maladies.

 

Depuis 2003, la station viticole du BNIC travaille en étroite collaboration  avec l’INRA pour mettre au point des variétés résistantes issues du croisement avec l’Ugni Blanc.

Au cours des années 80-90, les travaux d’Alain BOUQUET, défunt chercheur à l’INRA, ont constitué les fondements de la recherche française en matière d’hybridation naturelle pour l’amélioration de la resistance des cépages aux maladies telles que l’Oïdium et le Mildiou.

Il faut rappeler que l’hybridation naturelle n’était, à cette époque, pas la seule piste de recherche de diversité génétique. Elle était en concurrence avec une autre solution beaucoup plus rapide et pertinente aux yeux de certains : les cépages OGM… On connaît la suite…

 

l’adaptation des hybrides Bouquet aux Charentes…

 

Les programmes de recherche initiés en 2003 par la filière ont pris la suite naturelle des travaux d’Alain BOUQUET.

L’objectif partait d’un constat visionnaire : la réduction de l’usage des pesticides sera, à brève échéance, incontournable pour les filières viticoles, dans l’intérêt de l’environnement, des consommateurs et des applicateurs. Cette analyse est encore plus stricte pour la filière de Cognac dont l’accès au panel des produits phytosanitaires est réduit à l’incontournable liste verte.

 

 

Recréer de la biodiversité variétale.

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« Les cépages que nous cultivons aujourd’hui sont le résultat de l’hybridation naturelle et de la sélection de l’homme depuis la domestication de la vigne. Mais la biodiversité viticole souffre d’un sérieux handicap du fait de son mode de reproduction par bouturage. Nos travaux consistent à donner un coup de pouce à la nature en organisant le croisement naturel de variétés aux profils complémentaires  »  explique Joseph STOLL ingénieur d’études à la station viticole du BNIC.

 

Transmettre les résistances de Muscadinia

 

Muscadinia rotundifolia est une espèce du genre vitis (au même titre que vitis vinifera) originaire des régions subtropicales d’Amérique du Nord. Il a la particularité d’être porteur d’un gène de résistance totale à l’oïdium et d’un second gène qui lui confère une bonne résistance au Mildiou. En revache, ses raisins sont impropres à la vinification.

Le résultat des rétro hybridations successives de Muscadinia rotundifolia avec 4 variétés différentes (pour exclure les risques de consanguinité) de vitis Vinifera a conduit à l’obtention du cépage INRA RV4 constitué à 95 % de vitis vinifera et porteur des gènes de résistance au Mildiou et à l’Oïdium.

 


C’est ce cépage qui a servi de point de départ aux travaux de la station viticole du BNIC

qui a fait procéder par l’INRA à de nouveaux croisements entre l’Ugni-blanc et le RV4.

« C’est un travail extrêmement long et fastidieux, explique Joseph STOLL, on procède d’abord à des pollinisations dirigées des futures grappes, à maturité, les pépins sont récoltés puis semés. Chaque plantule issue des pépins fait l’objet d’une analyse pour savoir si elle porte les gènes de résistance, s’en suivent des bio tests en laboratoire et sous serre pour confirmer ces résistances. Ce n’est qu’au vu de ces résultats que l’on peut passer au stade de la plantation en pleine terre pour vérifier les caractéristiques intrinsèques à la production du Cognac. A l’issue de ce travail, nous avons retenu 43 individus résistants appelés RV5 ».

 

Du laboratoire à la parcelle pour peaufiner la sélection

 

C’est sur les parcelles de la fondation Fougerat que 5 souches de chaque sujet furent plantées en 2008.

Entre 2010 et 2013, des observation phénologiques, ampélographiques furent pratiquées à la parcelle. Des parametres analytiques de qualité des raisins et des microdistillations acides furent mesurés pour chaque individu puis priorisés par ordre de pertinence vis-à-vis des objectifs de production du Cognac.

Les cibles à atteindre étaient à minima les suivantes, par comparaison à l’ugni blanc:

  • Un Rendement équivalent.
  • Une acidité supérieure ou égale.
  • Une Teneur en sucres faible et une maturité tardive
  • Une bonne résistance au Botrytis

 

in fine, ce sont 4 nouvelles variétés potentielles qui sont sorties du lot.

 

 

 

« les RV5 sont composés à 98 % de vitis vinifera mais seulement à 50 % d’Ugni Blanc, nous devions donc envisager d’être, pour certains critères, moins qualitatifs que l’Ugni Blanc, mais les individus retenus semblent plutôt prometteurs. » précis Joseph STOLL.

 

Monogénique : l’incertitude du contournement.

 

Jusqu’ici, le cap de la plantation de ces variétés monogéniques fait débat dans le collège des chercheurs. Si la résistance venait à être contournée par une souche de mildiou ou d’oïdium plus virulente, la possibilité d’utiliser par la suite le gêne de muscadinia dans les croisements serait anéantie.

L’INRA refuse de prendre ce risque et préfère poursuivre les croisements jusqu’à l’obtention de cépages aux résistances polygéniques.

Joseph STOLL relativise : « ne perdons pas de vue que les gènes de muscadinia ne couvrent que 2 pathogènes. Les programmes de traitement phytosanitaires ne pourront pas totalement être abandonnés. Nous expérimentons déjà des programmes adaptés pour contenir les pathogènes de second plan tels que le Black rot ou l’excoriose. On peut imaginer que cette protection vise egalement à limiter le risque de propagation des souches resistantes s’il en est. »

 

 

Resistance sur monogéniques, pas si sûr ! Le professeur retraité Alain Carbonneau, lui, est convaincu du contraire démontrant par des études récentes que les fameux gènes de résistance sont aidés par des aptitudes complémentaires des cépages dans la lutte contre les pathogènes.

À ce jour, les discussions d’experts se poursuivent afin que l’INRA puisse, le cas échéant, autoriser la plantation de ces variétés monogéniques avec la garantie d’un risque de contournement contenu. Dans cette attente, le travail accompli reste précieux pour l’avenir car en matière de biodiversité, chaque nouvel individu représente une perspective de plus pour demain.

 

La polygénie sécurise les résistances.

 

La station viticole du BNIC a lancé en 2013 de nouveaux programmes de recherche sur la base de variétés polygéniques en collaboration avec l’INRA. Un premier avec l’IFV et l’autre avec la maison Martell.

Ces programmes s’appuient sur de nouveaux géniteurs appelés Resdur. Ce sont des croisements de seconde génération entre des variétés Bouquet et des variétés allemandes porteuses de caractères de résistance.

Chacune des variétés RESDUR porte 4 gènes de résistance : 2 pour le Mildiou et 2 pour l’Oïdium.

Mais les premières sélections issues de croisements avec les variétés charentaises (Ugni blanc, Folle blanche, Colombard, Folignan) démarent juste ce qui laisse au bas mot il a 7 à 8 années de retard par rapport aux variétés monogéniques.

Des années qui comptent si on ajoute les delais administratifs inérant à l’enregistrement d’un cépage au catalogue voire à l’introduction au cahier des charges d’une AOC…

 

 

 


Procédures d’inscription


 


Pour qu’un nouveau cépage voit le jour, il doit faire ses preuves. La lente procédure qui précède sa commercialisation vise avant tout à assurer la distribution de variétés stables, homogènes et pertinentes pour la viticulture.


Depuis le 1er Janvier 2016 le cadre réglementaire a évolué et comprend 3 grandes étapes :


 


1/ L’inscription au catalogue : permet la multiplication et la distribution du matériel végétal et nécessite 2 étapes :


La DHS (Distinction homogénéité stabilité) : Elle est démontrée par l’INRA : 5 souches plantées au domaine de Vassal sont observées sur 3 récoltes.

La VATE (Valeur agronomique, technique et environnementale) : les parcelles de 90 souches plantées en région visent à démontrer les aptitudes techniques du cépage dans le vignoble et à la multiplication.

 

Délais minimum = 6 ans

 

2/ Le classement  permet aux viticulteurs de planter le cépage sur le territoire français.

La décision est prise par France AgriMer sur avis du conseil spécialisé de France agrimer et du CTPS.

Il peut être définitif ou temporaire s’il s’agit d’une expérimentation

 

Délais minimum = 3 à 10 ans. (la procédure de classement et d’inscription peuvent être conduits simultanément)

 

3/ L’inscription au cahier des charges de l’AOC

Il s’agit de la procédure la plus longue car elle vise à démontrer la pertinence du cépage pour l’appellation dans une optique de préservation de la typicité.

L’étude prend notamment en compte la phénologie de la variété mais aussi le profil analytique et organoleptique des produits qui en sont issus en comparaison avec les cépages référents de l’appellation. Le dernier cépage inscrit au cahier des charges de l’appellation Cognac est le Folignan, il laisse un souvenir amer aux cognaçais car plus de 25 années se sont écoulées entre la création et la modification du cahier des charges.

Conscient de l’enjeu, l’INAO cherche à réduire ces délais et à alléger les procédures en laissant la possibilité d’intégrer de nouvelles variétés à hauteur de 10% dans les assemblages.

 

Délais minimum = 6 à 15 ans selon l’origine du cépage.

 

 

A quand la disponibilité pour les Charentes ?

 

On distingue 3 grandes catégories de nouvelles variétés :


Les Hybrides producteurs directs comptent une 20 aine de variétés parmi lesquelles on compte notamment le Vidal 256. Ils se présentent comme des variétés de transition car leur résistance est partielle et la qualité des vins parfois insuffisante à cause de leur faible proportion de Vitis Viniféra (environ 80 %).

Les variétés résistantes monogéniques (notamment croisements Bouquet) sont également des variétés de transition car le contournement de leurs résistances est possible. En l’état actuel des connaissances scientifiques, elles ne pourront être plantées que sur des superficies limitées pour évaluer l’évolution des populations pathogènes en situation réelle.

Les variétés résistantes polygéniques (RESDUR et croisements en cours d’acquisition) sont les solutions les plus prometteuse car elles présentent moins de risque de contournement que les monogéniques.

La mise au point de ces variétés nécessite à la fois de longues phases de création et de sélection mais aussi des mesure d’impact approfondies sur l’environnement pathogène.

 

 

 

OGM / Hybrides naturels, quelle différence ?

 

 

OGM

Hybrides naturels

Mode d’obtention

Le patrimoine génétique d’un cépage OGM (Organisme Génétiquement Modifiée) a été modifié, par intervention humaine, dans le but de lui conférer de nouvelles propriétés. A l’inverse d’un hybride, le croisement n’a rien de naturel car c’est l’homme qui insère des gènes étrangers à l’espèce choisi.

C’est le résultat du croisement entre deux cépages  génétiquement complémentaires.

Avantages

Une création et une sélection rapide.

 

Bien que le plus souvent réalisé dans des champs d’essai ou en laboratoire, ce croisement aurait pu avoir lieu dans la nature, sans intervention humaine.

Limites ou questionnements

Manque de recul : On ne peut aujourd’hui pas de juger de l’inocuité des plantes génétiquement modifiées :
-sur la santé humaine.
-sur les risques de contamination des espèces sauvages, suite à des croisements inter-espèces.

Sélection longue et fastidieuse : La création des cépages débouche sur une multitude de plants qu’il faudra rétrocroiser et trier à multiples reprise de retenir les bons candidats. Sans garantie de résultat.

 

 


 

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