Henk Alfering, du Cognac au vin

6 mars 2009

D’origine hollandaise, Henk Alfering a travaillé dix ans au sein d’une maison de Cognac. Comment passe-t-on du monde des spiritueux à celui des vins ? Existe-t-il des passerelles entre ces deux univers ?

henk_halfering.jpg« Le Paysan Vigneron » – Quand êtes-vous arrivé dans la région ?

Henk Alfering – Mes premiers contacts avec la région de Cognac remontent à 1989, à l’occasion d’un stage comme guide dans une grande maison de Cognac, à la fin de ma formation initiale tournée vers les études hôtelières. Très vite, je prends la mesure de la notoriété du Cognac, ce spiritueux d’exception dont le nom est connu dans le monde entier. En même temps que je découvre la région, j’y rencontre ma femme et je m’aperçois que ma véritable vocation n’est pas l’hôtellerie mais le commerce. Je me décide donc à frapper à quelques portes et j’intègre bientôt une maison de négoce. A l’intérieur de cette entreprise familiale très réactive, dotée d’une équipe de jeunes commerciaux, je parcours plusieurs services, du service « shipping » (transport) au service achat de matières sèches en passant par le service commercial proprement dit, en binôme avec le responsable direct de marché. Pendant ces dix années, je fus à très bonne école. J’y ai appris le sens de la débrouillardise pour arriver au but final mais aussi la polyvalence, une qualité qui me sert aujourd’hui. La société disposait de plusieurs produits à sa carte, Cognac, brandy mais aussi vins. J’ai essayé de beaucoup m’impliquer dans le développement de ces produits.

« L.P.V. » – Comment passe-t-on de l’entreprise privée au monde coopératif, du Cognac au vin de pays charentais ?

H.A. – Une opportunité s’est présentée et j’ai posé ma candidature. Je pense que ma connaissance de l’export a plaidé en ma faveur. A la cave du Liboreau, le désir de vendre à l’étranger existait bien avant mon arrivée. D’ailleurs, il y avait déjà deux ou trois petites touches à l’export, même si cela ne représentait pas de gros volumes. Aujourd’hui, le conseil d’administration veut non seulement continuité à vendre au négoce de place – la coopérative étant considérée comme le prolongement des exploitations – mais aussi améliorer ses marges, notamment grâce à une activité de produits embouteillés. Le conseil d’administration comme moi-même gardons toujours en tête que ce qui compte en premier lieu, c’est la rémunération des adhérents. Ces derniers doivent pouvoir vivre correctement de leur activité et non pas survivre. L’idée de trouver de nouveaux marchés d’export participe de cette ambition. Personnellement, je profite de l’énorme travail réalisé par mes prédécesseurs et notamment par M. Rondet qui a forgé la renommée de la cave. Le personnel en place a été formé « à la Rondet » et continue d’œuvrer dans le même esprit.

« L.P.V. » – Vend-on du vin comme on vend du Cognac ?

H.A. – Le commerce du vin me semble très différent de celui du Cognac. D’abord nous n’avons pas affaire aux mêmes grossistes. Il est très très rare qu’un acheteur de Cognac soit aussi acheteur de vins. Ensuite l’approche consommateur varie car les clients finaux ne se ressemblent pas. Ceci étant, les techniques de base du commerce restent similaires. Il faut savoir tisser une relation particulière avec son client, assurer un suivi. Par contre, l’adaptation du produit à son marché – un autre point fondamental du commerce – me semble beaucoup plus facile à réaliser avec le vin qu’avec le Cognac. A quelques nuances près – âges, crus – le Cognac correspond à une offre unique. A l’inverse, le vin se prête à de multiples déclinaisons entre les mono-cépages, les assemblages d’un ou de plusieurs vins, d’un ou de plusieurs cépages. Cette palette de possibilité permet une approche marketing bien plus fine. Surtout, elle offre l’opportunité de répondre au goût recherché par le client. Pour de petites structures comme les nôtres, dotées d’une grande flexibilité, c’est un atout. Si un acheteur recherche un Sauvignon avec une petite pointe de Colombard, nous sommes capables de le lui fournir. Je pense que nous irons de plus en plus vers ce genre de commerce. Autrefois, un produit était présenté et on le trouvait bon ou pas bon. Aujourd’hui, le consommateur se montre de plus en plus sélectif. Il est prêt à payer une certaine qualité. Pour répondre à son goût, l’offre se fait plus ciblée.

« L.P.V. » – Quels marchés export visez-vous ?

H.A. – Cette année, nous mettons l’accent sur les pays de l’Est, dont les achats s’inscrivent en forte progression, aussi bien sur les spiritueux que sur le reste. Cela ne veut pas dire pour autant que le pari soit « gagné » pour les vins de pays. En Russie ou ailleurs en Europe de l’Est, les produits qui remportent la palme sont soit des produits très bon marché, soit des produits très chers. Avec les vins de pays, toute la difficulté, justement, réside dans le fait que nous nous situons « au milieu ». Hors de la région, nous ne bénéficions d’aucune notoriété et je ne pense pas que cela advienne de sitôt, sauf à y mettre des moyens promotionnels gigantesques. C’est pourquoi, en ce qui me concerne, je recherche des revendeurs capables d’expliquer notre vin. Ces vins ont besoin d’une distribution sélective, capable d’éduquer le consommateur. Par contre, si le consommateur russe boit aujourd’hui des vins de table, on peut penser que d’ici cinq ans son pouvoir d’achat lui permettra d’acheter des produits plus qualitatifs. Le fait d’aborder tôt ces marchés ne peut être que favorable.

« L.P.V. » – Quel regard portez-vous sur un marché comme l’Angleterre ?

H.A. – Quand on parle des vins de pays en Angleterre, il s’agit bien souvent de vins de cépages. A ce niveau, le consommateur anglais est séduit par le Sauvignon. Ce cépage dispose d’un réel potentiel outre-Manche.

« L.P.V. » – Et les vins du nouveau monde ?

H.A. – Sincèrement, je pense que nous avons des choses à apprendre d’eux. En disant cela, je me réfère surtout aux vins californiens, dont certains sont excellents. Par contre, je ne porterais pas le même jugement sur les vins australiens. A la dégustation, je n’ai pas trouvé chez eux la note qui pouvait m’enchanter. Par comparaison, les vins de pays français et pourquoi pas les vins charentais s’avèrent très compétitifs, tant en qualité qu’en prix. Ma formation hôtelière m’a appris l’importance du premier contact avec le vin, l’approche esthétique. Par l’image qu’elle renvoie, la bouteille aide à la vente. Les vins du nouveau monde l’ont bien compris. Sans vouloir jouer au « caïd », je pense que la bouteille de la gamme « Intense » est une bouteille de grande classe. Elle se situe dans la veine de marché.

« L.P.V. » – A travers leur Union commerciale, les coopératives de Saint-Sornin et du Liboreau se partagent les rôles sur le marché français et à l’export.

H.A. – En matière de vins de pays, tout passe chez nous par l’Union. Saint-Sornin commercialise l’ensemble des volumes blanc et rouge sur le marché français et nous faisons de même pour les marchés d’export. Nous rassemblons nos énergies, tant en matière de compétences que de personnes et cette organisation fonctionne très bien. Le Liboreau possède un outil de travaille performant en vins blanc et rosé et Saint-Sornin l’équivalent pour les vins rouges. Nous sommes absolument complémentaires. Je pense d’ailleurs qu’il y aurait une réflexion à mener entre les différentes structures coopératives impliquées dans les VPC vis-à-vis des « gros comptes » en France. J’entends par là les clients de la grande distribution. Aujourd’hui les vins de pays charentais sont connus localement, régionalement, mais il n’existe pas de référence nationale. Or les volumes augmentent et le recours à la grande distribution devient un passage obligé. Par contre, il serait préférable que les opérateurs n’y aillent pas en ordre dispersé. Face à la grande distribution, il faut pouvoir peser d’un certain poids. Il y a sans doute une piste à creuser de ce
côté-là.

« L.P.V. » – Pour revenir à l’exportation, est-ce que cela coûte très cher de vouloir vendre à l’étranger ?

H.A. – En effet cela coûte cher et c’est pourquoi nous avons sollicité l’appui de la Chambre de commerce. On trouve à travers elle des aides assez significatives. En même temps, la prospection en France et à
l’étranger relève du même métier, les frais d’export en plus. Et puis celui qui ne tente rien n’a rien. Je ne vois pas dans cette démarche export une prise de risque excessive. Jusqu’à présent, personne n’a vraiment entamé une telle approche. Quand on part de zéro ou presque, il ne faut pas craindre de reculer. Cela me donne un énorme challenge et une grande envie de réussir. Parfois c’est difficile c’est vrai mais je remercie mes dix ans passés dans une maison de négoce où, face à une situation, il fallait coûte que coûte trouver une solution. Composer avec l’existant, essayer de nouvelles idées, se tromper parfois… tout cela fait partie du jeu.

« L.P.V. » – La transition n’est-elle pas difficile entre le monde du négoce et le monde de la coopération ?

H.A. – J’ai eu besoin d’un temps d’adaptation mais le travail côté production s’avère très très agréable. Dans une structure comme celle du Liboreau, on privilégie la qualité, quoiqu’il arrive, quitte à perdre une commande. La qualité est vraiment un mot d’ordre ici. Quant à mes relations avec les adhérents, cela se passe très bien pour moi. J’espère que c’est la même chose en retour. Mais ce sont eux qui me le diront. Je suis très conscient que leur rémunération dépend en partie de mon travail. Cela me donne encore plus de motivation. Dans une cave coopérative, quand tout va bien, tout le monde en profite, quand tout va mal, chacun en subit les conséquences.

Hennessy

Le directeur de la communication appelé à de nouvelles fonctions

Promotion pour Antoine Cohen-Potin, qui, à la demande de Christophe Navarre, président de Moët Hennessy, va occuper le poste de directeur de la communication de Moët Hennessy. Depuis trois ans, A. Cohen-Potin était chargé de la communication et des relations extérieures de la maison Hennessy. Il est remplacé dans ses fonctions par Isabelle de la Fontaine.

 

A lire aussi

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

C'est un constat qui a fait le tour des médias, sportifs ou non: l'US Cognac va très mal. Malgré les efforts de Jean-Charles Vicard pour tenter de redresser la barre, le club se retrouve dans une difficile situation financière.  La direction a de fait décidé d'envoyer...

error: Ce contenu est protégé