La cave des Hauts de Gironde est devenue un opérateur vin important qui, au fil des années, a développé une stratégie de partenariat technique avec ses adhérents qui commence à la vigne. Dès le milieu des années 90, la volonté d’améliorer de manière constante la gamme de vins a amené le conseil d’administration à construire une démarche de suivi viticole au sein de la cave pour aider les adhérents à aller plus loin dans la maîtrise de la conduite des vignes. En moins de dix ans, un pôle d’activité conduite du vignoble s’est constitué au sein de la coopérative qui, à la demande de ses adhérents, a pris le statut de distributeur de produits phytosanitaires. Ce nouveau métier a été abordé avec une philosophie fondée sur l’amélioration de la qualité des vins et de la recherche de compétitivité économique. Les aspects concernant la protection du vignoble sont gérés avec une technicité qui permet de moduler la lutte selon la pression de parasitisme. L’arrivée de la nouvelle réglementation sur les mélanges, qui a pour effet de contracter les gammes de fongicides, s’avère plus pénalisante pour les promoteurs de la lutte raisonnée car la majorité des fongicides classés sont ceux qui ont un spectre d’action unique.
Au départ, les enjeux de développement de l’activité suivi de vignoble au sein de la cave des Hauts de Gironde étaient motivés par deux axes de réflexion, les aspects de maîtrise de la vigueur et le contrôle des rendements. Les choses sont allées ensuite assez vite car les viticulteurs ont formulé de nouvelles attentes notamment dans le domaine de la protection du vignoble. Le recrutement de M. Jérôme Ossard, un technicien viticole expérimenté, a permis de structurer le pôle technique vigne et pour formaliser tout ce travail, une démarche de certification de type Agri Confiance a été mise en place à partir de 1998. M. Stéphane Héraud, le vice-président de la coopérative, nous a expliqué que le développement de la démarche de suivi technique d’une partie du vignoble de la cave a été motivée par la seule volonté d’améliorer la qualité des vins : « Nous avons, au départ, décidé d’optimiser la conduite des vignes pour obtenir des raisins bien mûrs qui permettent ensuite d’élaborer des qualités de vins plus en phase avec les attentes commerciales. C’est un travail de fond qui s’est transmis progressivement et cela a amené la cave à créer un service technique vigne dont l’animation est confiée à M. Jérôme Ossard. Tous ces efforts ont été formalisés dans le cadre d’une procédure de certification Agri Confiance qui présentait aussi l’avantage de développer une démarche de traçabilité. Un cahier des charges pour la production des raisins a été mis en place avec un volet de lutte raisonnée pour la protection du vignoble. Un réseau d’observation du complexe parasitaire a été implanté dans notre zone d’activité pour aider les adhérents à optimiser leur protection et certains viticulteurs ont émis le souhait de réaliser des achats groupés de produits phytosanitaires. C’est pour répondre à cette demande que la cave a pris le statut de distributeur de produits phytosanitaire pour, en quelque sorte, apporter un service complémentaire à ses adhérents. »
Ce sont les attentes des viticulteurs qui ont fait évoluer la démarche
La cave des Hauts de Gironde et sa filiale de négoce SICA Cellier Vinicole du Blayais, ont obtenu l’agrément pour commercialiser des produits phytosanitaires à partir de 1998. La philosophie de l’entreprise dans ce domaine d’activité est seulement d’apporter un service à un coût compétitif à ses adhérents et aux autres viticulteurs de la région. Cet axe de développement annexe au métier de base de la cave des Hauts de Gironde a été construit à la demande des viticulteurs et le conseil d’administration a souhaité qu’il soit géré en tenant compte de trois objectifs prioritaires : tirer vers le haut la qualité de la production, mettre en place une traçabilité, et proposer des services compétitifs sur le plan économique. Actuellement, M. Jérôme Ossard, le technicien viticole responsable des démarches de conduite du vignoble et d’achats des intrants phytosanitaires, encadre une équipe de trois techniciens qui exerce un suivi technique complet de la conduite des vignes de 90 % des surfaces de la cave, soit environ 1 600 ha. Les approches concernent tous les aspects de la conduite, la gestion des fertilisations, l’entretien des sols, le contrôle de la vigueur et de la charge de production, et bien sûr l’optimisation de la protection du vignoble. Trois stations météo sont implantées au niveau de la cave et pendant toute la phase végétative des observations sont réalisées sur un réseau de parcelles de référence. Les observations phénologiques sur les principaux cépages et terroirs, l’utilisation de modèles de prévisions de risque et l’implantation de pièges pour les vers de la grappe permettent aux techniciens d’éditer des bulletins de préconisations de lutte toutes les semaines et qui sont transmis aux viticulteurs. L’optimisation de la conduite du vignoble s’appuie sur un travail de fond qui est réalisé au niveau de chaque parcelle. L’enjeu est d’adapter l’itinéraire cultural pour essayer d’obtenir des raisins de belle maturité à des niveaux de rendements de 50 à 60 hl/ha. toutes les parcelles sont digitalisées à partir des plans cadastraux, ce qui permet au moment de la récolte d’avoir un historique complet des interventions viticoles réalisées. Le maintien d’une surface foliaire importante et fonctionnelle et d’un état sanitaire parfait représente deux priorités majeures vis-à-vis des objectifs qualitatifs.
La technicité et la compétitivité économique sont au cœur de l’activité
J. Ossard aborde la conduite de protection du vignoble en tirant le maximum de profit des démarches de raisonnement : « Le suivi technique de terrain mis en place depuis quelques années nous permet de disposer d’observations précises et nous essayons d’en faire bénéficier les viticulteurs. La lutte contre les différentes maladies est abordée avec un certain pragmatisme en privilégiant l’utilisation de produits phytosanitaires à spectre unique et ayant un mode d’action pénétrant et non pas systémique. Cela permet de pouvoir dissocier les approches de lutte par exemple entre le mildiou et l’oïdium, quand la pression de l’une de ces deux maladies est faible ou plus forte. D’une manière générale, les spécialités commerciales à longue rémanence et à spectre multiples, mildiou, oïdium, black-rot, sont moins souples d’utilisation et aussi nettement plus coûteuses. » La cave des Hauts de Gironde a investi dans un entrepôt aux normes pour stocker les produits phytosanitaires et l’activité approvisionnement s’est rapidement développée grâce à son approche technique et à sa compétitivité économique qui ont séduit d’autres caves vinicoles de Gironde et aussi un réseau de viticulteurs indépendants soucieux de réduire leur budget protection. Actuellement, le potentiel d’approvisionnement de la cave des Hauts de Gironde et de ses différents partenaires se situe autour de 8 000 à 9 000 ha, ce qui représente une dimension économique significative. Au départ, les achats de produits phytosanitaires étaient réalisés auprès d’autres acteurs de la distribution locale, mais la montée en puissance rapide de l’activité phytos a rendu nécessaire la mise en place d’une politique d’achat plus opérationnelle.
Concilier la contraction des gammes, les approches de raisonnement et la compétitivité économique
L’introduction de la nouvelle réglementation sur les mélanges, qui a occasionné le classement d’un certain nombre de spécialités anti-mildiou et anti-oïdium, complique la tâche des techniciens viticoles dans la construction des programmes de traitements. M. Jérôme Ossard considère la contraction des gammes de fongicides à spectre unique comme inquiétante vis-à-vis des approches de raisonnement, mais selon lui des possibilités existent encore pour optimiser les calendriers de protection. La philosophie de raisonnement maximum avec des produits à spectre unique n’a pas été remise en cause et, comme les années passées, des programmes ont pu être construits sans intégrer de produits polyvalents. La gamme d’anti-mildiou est essentiellement élaborée à partir de produits de contact (métirame de zinc, folpel utilisé seul, bouillie bordelaise) et de pénétrants (principalement du curzate, du dimétomorphe) et celle des anti-oïdium avec du soufre, des IBS (aussi homologués black-rot) et des QOI (spécifiques à cette maladie). Pour satisfaire la demande de quelques viticulteurs, des spécialités à base de fosétyl et d’anilides sont aussi commercialisées. Le créneau des anti-botrytis représente aussi une part de marché significative compte tenu des exigences de la cave en matière d’état sanitaire parfait au moment de la récolte. L’autre critère élément important lors de la sélection des gammes de produits est aussi la qualité des formulations qui indirectement représente un gage de sécurité au moment de la mise en œuvre des pulvérisations. Avec certains fongicides de contact comme le soufre, le métirame de zinc, le folpel et le cuivre, l’utilisation de formulations haut de gamme est effectivement un gage de sécurité. Au sein des gammes de spécialités phyto-sanitaires commercialisées par la cave des Haut de Gironde, quelques produits proviennent de l’importation. Il s’agit de spécialités commerciales identiques à celles de France qui sont vendues dans d’autres pays de la Communauté européenne et dont le distributeur a demandé auprès de la DGAL l’autorisation de les importer. La démarche de distribution de la cave des Hauts de Gironde est maintenant bien rodée et elle fait la preuve de sa compétitivité comme en témoigne le viticulteur vice-président Stéphane Héraud : « En tant que viticulteur, j’avoue que le système d’encadrement technique viticole de la cave représente un appui majeur pour la conduite de la protection sur mon vignoble. J’ai gagné en technicité et sur le plan économique, le coût de l’ensemble des intrants fongicides (avec deux anti-botrytis spécifiques) insecticides et herbicides en 2004 se situait en dessous 300 € ht/ha. Le fait d’avoir développé au sein de la cave cette activité approvisionnement en ayant le souci d’appliquer une marge correspondant aux charges de fonctionnement a permis de mettre à disposition des viticulteurs les appros à des niveaux de prix compétitifs ».