A SaintSornin, la charte qualité ne date pas d’hier. En fait, elle remonte à l’an 2000 et était considérée à l’époque comme audacieuse. Mais sa mise en œuvre pêchait par un certain laxisme. Certes, des visites de parcelles étaient bien effectuées mais elles ne se traduisaient par rien de concret. L’an dernier, « un pas de plus a été franchi » avec le déclassement de quelques parcelles en jus de raisin (et payées au tarif du jus de raisin). Un signal fort, très persuasif, qui permet d’exercer une pression globale sur la qualité. Henri Jammet, président de la coopérative, justifie ce degré d’exigence supplémentaire par le marché, de plus en plus tendu. « Pour vendre, nous n’avons pas d’autres choix que de faire de la qualité. » Les membres du conseil d’administration, épaulés par le technicien de la Chambre, Jean-François Allard et le maître de chai de la cave, font le tour des parcelles en juillet et les revoient toutes en septembre. Si les parcelles jugées comme trop chargées au premier passage n’ont pas donné lieu à éclaircissage pour redescendre en dessous de la barre des 110 hl vol./ha, elles font l’objet d’un déclassement en jus de raisin lors du second passage. La visite de septembre permet aussi de planifier un peu mieux les vendanges et d’exploiter le potentiel qualitatif du vignoble. La grille de paiement s’applique à la parcelle, pour éviter le phénomène pernicieux des « vignes éponges » (150 hl vol./ha sur une parcelle, 10 hl sur l’autre). La grille qualité est basée sur le rapport feuilles/grappes, l’état sanitaire (bonne maturité) ainsi que sur la densité et le rendement. Autour d’un prix moyen de l’hl de 53-54 € de l’hl, le delta introduit par les primes qualité joue à plus ou moins 40 %. « Les viticulteurs sont payés en fonction de leur travail » indique H. Jammet. Pour lui, l’enjeu des prochaines années consistera « à produire bon en multipliant le nombre d’hectares ». « Compte tenu de l’évolution de marché, il faut être conscient que le prix de l’hl n’augmentera pas, climat concurrentiel oblige. Ainsi, pour arriver à dégager un revenu, chaque personne devra être capable d’une meilleure productivité. Nous y sommes tous condamnés, aussi bien la viticulture que la cave. » Prétaillage des cordons mais aussi des Guyots, simplification des façons… des évolutions techniques se font jour, de l’organisation est à trouver, aussi bien individuelle que collective. H. Jammet prône transparence et lucidité. « Ce n’est pas la peine de faire rêver les gens. Les vins de pays charentais ne sortiront pas du lot aussi facilement. Dans la région, nous arrivons à vendre nos vins correctement, hors de la région, c’est plus difficile.
En trois ans, de 2003 à 2006, la cave de Saint-Sornin a doublé sa production. En 2003, elle élaborait 7 000 hl de vins rouges et rosés. Lors de la dernière récolte, elle en a vinifié environ 15 000 hl vol., une petite révolution en soi. « Quand le plan de rénovation du vignoble s’est fait jour, nous nous sommes dits que nous ne pouvions pas rester à la traîne. Nous sommes donc allés à la pêche aux nouveaux adhérents mais surtout, nous avons demandé à nos anciens adhérents d’augmenter leurs surfaces. C’était plus facile à gérer. » En 2005, la coopérative a collecté la vendange rouge de 226 adhérents, un nombre qu’elle ne souhaite pas voir augmenter. « Nous sommes très proches de notre potentiel de production maximum, autour de 16-17 000 hl vol. Nous avons atteint l’objectif que nous nous étions fixé. Pour l’instant, il nous serait difficile d’aller plus loin. »
La cave s’est équipée de huit cuves Ganimède, de 600 hl pièce. Henri Jammet explique que ces cuves permettent des remontages bien plus naturels et ainsi, assouplissent le vin, lui confèrent davantage d’arômes et de fruits. « On n’utilise pas de pompes. C’est le gaz carbonique issu de la fermentation qui permet de faire les remontages. Le procédé éclate bien le chapeau, il ne se crée pas de circuits préférentiels. » En 2001-2002, des gens de la cave s’étaient déplacés dans le Midi et la Vallée du Rhône pour voir fonctionner ces cuves. En Charentes, deux caves possèdent ce genre d’équipement, la cave de Saint-Sornin et la cave de l’île de Ré.
« assez satisfait »
Au plan commercial, le président de la coopérative se dit assez satisfait. « On s’en sort plutôt bien. Nous arrivons à honorer nos volumes. » Mieux, il ne se montre pas trop inquiet pour l’avenir. La cave a augmenté ses ventes de vin de table et les ventes en bouteilles ou en bib ont elles-mêmes progressé de 30 %. » Je ne vous cache pas que j’attends de nos commerciaux qu’ils fassent encore mieux »ajoute H. Jammet. Une force commerciale qui a doublé sur la période, passant de un… à deux. Elle se partage entre la grande distribution, les grossistes, les restaurateurs, les cavistes. Les ventes au magasin de la cave représentent 25 % du chiffre d’affaires, une performance à laquelle la cave tient beaucoup. Le Gamay représente toujours l’originalité de la coopérative, une différence qu’elle n’oublie pas de cultiver. « C’est notre image de marque. » L’autre image de marque concerne la préhistoire. Les grottes de Vilhonneur, à 2,5 km de Saint-Sornin, offrent un ensemble de gravures pariétales datant de l’époque paléolithique (25 000 ans av. J.-C.) d’un grand intérêt scientifique. Le site a été découvert en 2005. A Saint-Sornin, on a très tôt cherché à coller à cette richesse du patrimoine. Avec la Cuvée Privilège – 294 hl vieillis en fûts de chêne pendant environ 10 mois – le Gamay Erectus se classe parmi les produits haut de gamme de la cave. Au magasin, le prix des vins de pays oscille entre 2,30-2,50 € pour le vin « normal » et 3,70 € pour la Cuvée Prestige. Depuis trois ans, le village de Saint-Sornin s’anime autour d’une fête du vin, à la façon du Jura ou du Midi. Les visiteurs achètent leurs verres et dégustent les vins présentés par les viticulteurs de la cave. Cette « fête au village » se conclut par une vente aux enchères, dont le profit va à la mise en valeur du patrimoine préhistorique de la vallée de la Tardoire.
La cave de Saint-Sornin borne-t-elle ses ambitions à la seule sphère régionale ? « J’ai tendance à penser qu’il faut sortir de nos frontières, répond Henri Jammet. Notre objectif consiste à nous développer partout. »
Président de la coopérative depuis 1994, il est prévu qu’H. Jammet reste à la tête de la structure pendant un an encore mais peut-être ne prolongera-t-il pas son mandat. Il nourrit en effet d’autres projets, déjà au stade de la concrétisation (voir article Viticulteur Sur Trois Ha). Du jeune conseil d’administration de la cave devrait sortir sans problème un nouveau président.
L’Union Sornin/Liboreau en sommeil
C’est en 2000-2001 que les deux caves avaient signé un pacte de commercialisation. Dans les faits, cette union a pris fin en 2005. « Elle générait plus de tracasseries administratives et de décalage de trésorerie que de véritables profits. Nous avons préféré arrêté » note H. Jammet. Une rupture qui s’est faite à l’amiable. La cave du Liboreau fournit toujours les vins blancs à Saint-Sornin qui continue de vendre les Pineau et Cognac de la cave de Siecq dans son magasin. Les deux structures restent partenaires mais de manière non conventionnelle. « L’union représente une formule un peu bâtarde. Soit il faut fusionner, soit on ne fait rien. Mais une position “d’entre deux” ne sert pas à grand-chose. La fusion n’étant pas désirée de part et d’autre, nous avons préféré mettre un terme à l’union. Mais cette dernière n’est qu’en sommeil. Nous pouvons redémarrer dès que nous le voulons. »