Un rétablissement « à la force du poignet »

27 juin 2009

La rémunération des adhérents avait plongé sur la récolte 2006. Elle retrouve des couleurs sur la récolte 2007 et la tendance à l’amélioration devrait se poursuivre. Ce rétablissement repose essentiellement sur un contrôle drastique des charges, dû à un engagement total des salariés et du conseil d’administration. Etape suivante, la progression du chiffre d’affaires.

 

sornin_13_opt.jpegEn Charentes, la démarche collective de diversification n’est jamais un long fleuve tranquille. Quand ce n’est pas le Cognac qui débauche les ha – voir la Cave du Liboreau – c’est la crise générale des vins de bouche qui peut plomber l’activité, sans parler de l’enfilade de petites récoltes. C’est ce qui est arrivé à la Cave de Saint-Sornin, soumise au durcissement général du marché des vins de pays ainsi qu’à deux récoltes étriquées. Mais alors que ses collègues coopératives viticoles de la région délimitée pouvaient s’appuyer sur la béquille des stocks Cognac et Pineau pour « tamponner » les contre-performances des vins de pays, Saint-Sornin n’a pas eu cette alternative, elle qui est, de par sa localisation hors région délimitée, 100 % vins de pays. D’où des résultats très en retrait en 2006-2007, qui ont sûrement pâti aussi des chamboulements internes de la structure : départ du directeur, démission de l’attaché commercial… Il s’agit d’ailleurs d’une constante, vérifiée dans nombre de structures coopératives. Derrière un binôme fort président/directeur ou directeur/commercial – Bonnin/De Prat dans le cas de Saint-Sornin – la structure a toujours beaucoup de mal à rebondir. S’ensuit une « valse-hésitation » de l’équipe d’encadrement qui arrive à se reconstituer avec le temps mais non sans avoir connu un important tangage. Saint-Sornin n’a pas fait l’économie de cette étape. Pour trouver les ressorts de son rétablissement, la coopérative a puisé en interne les ressources humaines dont elle avait besoin. Henri Jammet, le président de la structure, s’est beaucoup investi (encore plus qu’avant) et il n’a pas fait appel en vain aux salariés, qui ont manifesté dans cette passe difficile engagement et esprit de solidarité. Le maître de chai de la cave, Alain Gourinchas, a accepté d’embrasser les fonctions et les responsabilités du management alors même qu’il ne souhaitait pas devenir directeur. Un jeune salarié chargé de l’embouteillage a troqué au pied levé sa casquette de technicien pour celle de commercial et s’acquitte fort bien de sa tâche. Les employés de chai et de bureaux accomplissent le même travail pour le même salaire alors que leur effectif a diminué. Le maire de la petite commune de Saint-Sornin, présent à l’assemblée générale de la cave le 13 mars dernier, a salué cette attitude solidaire. « Tout le monde a mis la main à la pâte pour sortir de cette légère impasse. Félicitations. » Il a également souligné la constance de la coopérative pour s’être régulièrement acquittée durant quinze ans des loyers de l’atelier relais. Depuis octobre 2008, le bâtiment lui appartient.

Son va-tout

Henri Jammet l’a laissé entendre. Avec le dernier exercice clos le 31 juillet 2008, la coopérative viticole du Montbronnais jouait en quelque sorte son va-tout. Ou elle trouvait une issue favorable ou son avenir semblait gravement compromis. Car la « variable d’ajustement » bien connue des coopératives – la rémunération des adhérents – trouve quand même assez vite ses limites, au risque, sinon, de générer une hémorragie. A Saint-Sornin, cette rémunération était tombée à 26,12 € le °hl sur la récolte 2006. Sur la récolte 2007, elle a retrouvé des couleurs à 39,07 € le °hl, soit 50 % de mieux que lors du précédent exercice, tout en sachant que ce niveau de paiement reste insatisfaisant. Comme l’a rappelé H. Jammet, l’objectif de rémunération est toujours fixé à 50 € le °hl. Ceci dit, en valeur relative, une progression de 50 % constitue en elle-même une performance. Comment la coopérative y est-elle parvenue ? La principale explication, il faut la chercher du côté du « serrage de vis » des charges, une entreprise qui s’est appuyée à la fois sur la réorganisation de l’outil de production et sur le pistage quotidien de la moindre parcelle d’économie. Pari tenu : avec 230 000 € en moins au compteur, les charges ont été comprimées de 20 %. Pour réussir ce challenge, la structure viticole a également bénéficié du soutien de Charente Coop, la coopérative du Montbronnais tournée vers les grandes cultures, et l’élevage. Une partie du travail administratif – bulletins de paie… – est actuellement prise en charge par la coopérative céréalière. Le directeur de Charente Coop, présent à la réunion, a tenu à souligner que l’initiative de sa coopérative était dénuée de toutes arrière-pensées. « Saint-Sornin occupe une place très importante dans le « microcosme » montbronnais. Il paraissait normal que Charente Coop aide la cave en cette période difficile. Nous formulons un vœu : que les comptes restaurés de la coopérative lui permettent de retrouver au plus vite sa complète autonomie. »

Le challenge commercial

Si du côté des économies, la coopérative a démontré sa pleine capacité à inverser le cours des choses, côté produit, l’exercice s’est révélé un peu plus délicat. Sur l’exercice 2007-2008, le chiffre d’affaires a décliné de 10 %. Cependant, au final, les 20 % d’économie (solde positif de 10 %) a permis d’améliorer la trésorerie et de mieux rémunérer les adhérents. La vérité commande de dire que la petite récolte y a contribué aussi. Concernant la baisse du chiffre d’affaires, Henri Jammet a tenu à relativiser la tendance. « La perte de chiffre d’affaires est essentiellement due au déficit de Gamay que nous avons l’habitude de vendre en vrac à un embouteilleur (perte de 250 000 €). Pour le reste, les ventes de produits conditionnés se sont maintenues au magasin (485 000 €) et ont même un peu progressé en GMS/grossistes/CHR (834 000 €). Certes, une augmentation du chiffre d’affaires bouteille serait hautement souhaitable mais, dans le contexte actuel, avoir réussi à le maintenir n’est déjà pas si mal. » Pour l’exercice en cours, Henri Jammet a indiqué sentir « quelques frémissements allant dans le bon sens même s’il était prématuré d’en parler. »

sornin_1_opt.jpegLa coopérative de Saint-Sornin a connu son pic d’apporteurs dans les années 2003-2004 avec 127 adhérents. En 2008, ce chiffre est redescendu à 94. Les départs à la retraite concernent généralement des petites surfaces, d’où une déperdition moindre en nombre d’hectares : 203 ha aujourd’hui contre 217 en 2004, soit une perte de surface de 10 %. Il faut dire aussi que la coopérative a toujours adopté une politique de fermeté vis-à-vis des arrêts volontaires d’apports. L’application des statuts a toujours guidé sa ligne de conduite, au nom d’une logique difficilement contestable. « L’augmentation des volumes crée des investissements qu’il faut bien amortir. Lorsque quelqu’un quitte prématurément la structure, c’est la collectivité tout entière qui en pâtit. Des compensations sont donc prévues, que nous essayons d’appliquer le plus honnêtement possible. » Cette politique de fermeté explique peut-être que la dérive d’ha n’ait pas dépassé 10 % des surfaces. Sur la dernière récolte, la coopérative a vinifié 9 128 hl vol. alors qu’en année record (2004), les volumes atteignaient 17 000 hl. Mais en 2008, la récolte fut particulièrement jalouse et, fait aggravant, la grêle du 31 mai 2008 a pratiquement anéanti le vignoble de Saint-Sornin (60 ha). Sur l’ensemble des apports de la coopérative, la moyenne des rendements 2008 n’a pas dépassé 45 hl vol./ ha. Si ce niveau de rendement est notoirement insuffisant, des volumes pléthoriques ne sont pas non plus souhaités. Henri Jammet comme Alain Gourinchas ont évoqué le « compromis idéal » de la coopérative qui passerait par le triptyque suivant : rendement moyen de 60 hl vol./ha collecté sur 200 ha pour des apports de 12 à 13 000 hl/ha. « Aujourd’hui, nous ne disposons pas du marché pour commercialiser davantage. Des productions excédentaires conduisent à des ventes non valorisantes et à des investissements non rentables. »

Après avoir démontré sa capacité à réagir face à une situation critique, la cave de Saint-Sornin ne veut pas en rester là. « Nous n’allons pas nous contenter d’aplatir les charges au risque de nous ratatiner. Après avoir contenu l’hémorragie, il nous reste à faire nos preuves quant au niveau des ventes. C’est tout le sens de notre démarche » Encore président jusqu’à la prochaine assemblée générale, Henri Jammet a toutefois annoncé son intention de passer le relais. Il a souhaité à tout le monde – producteurs, salariés, administrateurs – de « garder la pêche ». Au cours de toutes ces années, lui-même a su trouver suffisamment d’énergie pour porter sa coopérative, avec ses collègues du conseil d’administration.

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