Vignoble de Cognac

7 juillet 2009

Alors que l’effet ciseaux va jouer à plein cette campagne – rentrées et/ou perspectives de rentrées en baisse, prélèvements sociaux et fiscaux élevés sous l’effet du décalage – le CER France Charente s’interroge sur les bons réflexes à tenir. Tout en mettant en place une étude sur les coûts de production, il propose des diagnostics individuels. Rencontre avec Patrice Fradet et David Fougère.

« Le Paysan Vigneron » – Ressentez-vous les premières difficultés dans les comptabilités ?

fougre.jpgPatrice Fradet et David Fougère – Les difficultés ne se manifestent pas trop encore mais nous sommes au bord, c’est perceptible. Effectivement, après avoir fait de belles réalisations, des viticulteurs seront à même de combler les échéances, d’autres moins facilement. De manière classique, c’est la situation financière globale de l’exploitation qui fera la différence, niveau d’endettement, structure d’investissement, prélèvements sociaux… Des stocks, les viticulteurs n’en détiennent plus beaucoup. Cela dit, c’est aussi parce que, dans certains cas, ils ont été vendus et parfois bien vendus. Vis-à-vis des banques, nous allons retomber sur des problèmes de gestion de trésorerie court terme. On peut imaginer que les établissements financiers, eux-mêmes confrontés à leurs propres contingences, instaurent des critères bien plus resserrés. En ce qui concerne les warrants par exemple, ils risquent de ne pas être financés aussi simplement qu’ils auraient pu l’être. Des demandes de garanties plus fortes s’exerceront sans doute. Dans une période tendue, la trésorerie a tendance à devenir le véritable nerf de la guerre. Il va falloir tenter d’en réserver le maximum, quitte à faire appel à l’emprunt. Il est parfois plus facile de recourir au crédit pour financer du matériel que pour financer la trésorerie. Ainsi, dans le contexte actuel, l’autofinancement est à considérer avec beaucoup de réserve.

« L.P.V. » – Voyez-vous des choses bouger dans les relations d’achats du négoce à la viticulture ?

P.F. et D.F. – Le report ou l’annulation pure et simple de la partie d’achat « libre » – non contractualisée – représente le phénomène le plus tangible du moment. Chez certains, cette partie libre pesait pour un bon pourcentage. Dans l’avenir, on peut imaginer que cela puisse « taper fort » partout, sur la partie libre comme sur la partie contractuelle. Ceci dit, toutes les maisons ou presque ont bataillé dur ces dernières années pour se constituer des fichiers d’apporteurs. On a du mal à imaginer qu’elles prennent des décisions trop tranchées.

« L.P.V. » – Sur les exploitations, constatez-vous une inflation des coûts ?

P.F. et D.F. – Il y avait des politiques de prudence à avoir, qui n’ont pas toujours été de mise. Le renouvellement du vignoble par exemple a pu donner lieu à quelques réactions épidermiques. Deux années de petites récoltes dans un contexte de reprise et de rendement élevé ont conduit des viticulteurs à accélérer le rythme des plantations, parfois de manière immodérée. Les coûts actuels reflètent le mieux être financier de ces dernières années et les mises à jour nécessaires, installations vinaires, chaudières…. Toutefois, en toute chose, il convient de ne pas « suréagir ». Ce n’est pas parce que le mildiou a sévi plusieurs années de suite qu’il faut se mettre une pression terrible pour traiter l’ensemble du vignoble en une journée. Même chose pour le second alambic, afin de terminer la distillation fin décembre ou pour les petits équipements, toujours coûteux même s‘ils améliorent le confort de travail. A coup de 20 000 € ici, 25 000 € là, les charges dérivent assez vite. Les investissements manquent parfois de raisonnement. Des questions doivent être posées : « Est-ce que je suis dans un fonctionnement normal à 10,5 de pur ? Dois-je configurer mon exploitation pour produire 10,5 de pur ou pour produire 8,5-9 ?

« L.P.V. » – En cette période de récession, des prélèvements sociaux et fiscaux élevés risquent d’être lourds à supporter.

P.F. et D.F. – C’est le fameux effet ciseaux, connu de toutes les filières – céréales, lait – mais que les spécificités du Cognac exacerbent. En fonction des options prises – date de clôture, moyenne triennale… – le décalage peut effectivement atteindre 4-5 ans. Dans l’idéal, il faudrait anticiper ces prélèvements mais il s’agit d’un exercice toujours difficile. A coup sûr, ce décalage va générer de la difficulté.

« L.P.V. » – Aujourd’hui, les chefs d’exploitation ont-ils la capacité d’optimiser leurs coûts de production ?

P.F. et D.F. – Il y a toujours une amélioration à trouver sur les exploitations. Et comme le marché va constituer le facteur limitant, il faut vraiment s’attacher à dégager des économies. C’est pour cela que nous travaillons depuis plusieurs mois sur les prix de revient, pour accompagner nos clients qui le souhaitent. Nous leur proposons à la fois une approche « étude de groupes » – pour avoir des éléments de comparaison – et des diagnostics individuels. Objectif : savoir où se situe la marge. Mais cette démarche suppose de se remettre en cause et d’accepter de se dire : « je peux améliorer des choses ». Main-d’œuvre, foncier, mécanisation, intrants constituent sans surprise les grands postes de charges. Souvent, ce sont les exploitants qui affichent les coûts les plus bas qui acceptent de se remettre le plus volontiers en cause.

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