Campagne Viticole : « C’est dans la tempête que l’on reconnaît les bons navigateurs »

5 août 2009

Président d’Alliance Fine Champagne, la coopérative associée à Rémy Martin, Bernard Guionnet est également président de l’interprofession. Une position privilégiée pour décrypter l’actualité professionnelle.

Comme pour garder trace d’une époque déjà révolue, B. Guionnet a rappelé devant les délégués de la coopérative le chiffre régional de distillation 2008 : 635 000 hl AP. Ce chiffre, pourtant bien inférieur aux besoins exprimés par le négoce en mai 2008, résulte de l’affectation totale du vignoble au Cognac. Compte tenu de la relative modestie des volumes récoltés l’an dernier, associés à un rendement Cognac élevé (10,85 hl AP/ha), la réserve climatique individuelle n’a concerné que 2 à 3 000 ha. A toutes fins utiles, le président de l’interprofession a fourni quelques précisions supplémentaires à son sujet. La réserve climatique est une réserve « blanche », c’est-à-dire qu’elle sort comme elle est rentrée, en compte 00. Conséquence : la réserve climatique individuelle ne peut être stockée que sous matériau inerte. Et, in fine, pour le Cognac, il s’avère qu’un seul matériau peut se revendiquer de la notion de matériau inerte, l’inox 316. « Les tonneaux de 150 ans d’âge ne peuvent pas être considérés comme matériau inerte. » B. Guionnet a rappelé les conditions de mise en œuvre de la réserve climatique individuelle. Pour chaque ha de vigne, la réserve climatique s’élève au maximum à 5 hl AP. Ce volume ne s’entend pas annuellement – 5 hl AP tous les ans – mais en cumulé. Il vaut « une fois pour toutes ». Par contre rien n’empêche – et il est même conseillé – de la charger par étape et la vider de même, histoire de la rafraîchir. Pouvant être prise au-delà du rendement annuel (voir cahier des charges Cognac), la réserve climatique sera susceptible d’être libérée lorsque le viticulteur n’atteindra pas le rendement annuel, pour une raison quelconque (aléas climatiques ou autre). Le président d’Alliance Fine Champagne a confirmé que, pour ne pas réserver le dispositif aux seuls gros opérateurs, les Douanes autorisaient un stockage collectif des réserves climatiques individuelles par les entrepositaires agréés (bouilleurs de profession, marchands en gros, coopératives…). Une même cuve pourra donc contenir les réserves climatiques de plusieurs apporteurs. Par contre, elles devront être différenciées cru par cru, pour respecter la réglementation de la DGCRRF (la Répression des Fraudes).

A côté de la réserve climatique, l’interprofession réfléchit à une autre forme de réserve, la réserve qualitative, rebaptisée aujourd’hui « réserve de mise en marché ». « Le Cognac n’est-il pas toujours de qualité ! » Pour s’appliquer concrètement, la réserve de mise en marché devra d’abord être validée par les ministères de tutelle et faire l’objet d’une modification du Code rural. C’est ensuite l’interprofession qui actionnera son déclenchement en fonction de la conjoncture. Pour la campagne qui s’ouvre par exemple, même si la réserve de mise en marché était opérationnelle, elle ne s’appliquerait pas, compte tenu d’un taux de rotation du stock qui dépasse déjà les 7 années de ventes. Comme la réserve climatique, la réserve de mise en marché peut être prise au-delà du rendement annuel, mais pour un volume moindre que celui de la réserve climatique, ne dépassant sans doute pas les 1 hl AP/ha. Autre différence par rapport à la réserve climatique : la réserve de mise en marché peut vieillir, c’est-à-dire qu’elle peut être stockée sous bois. Par ailleurs, le déblocage ne s ‘opérerait pas de manière individuelle mais serait autorisé de manière collective, sans doute à partir du compte 4 (à voir selon la composition du stock). Un viticulteur s’est interrogé sur la pertinence d’un tel outil :« La réserve de mise en marché ne risque-t-elle pas de surcharger inutilement les stocks ? » Réponse du président de l’interprofession : « Ce n’est pas parce qu’une possibilité s’ouvre qu’il faut s’y jeter à corps perdu. Des chais sont vides. Dans certains cas il y a nécessité de reconstituer des stocks. »

Sur l’affectation aux autres débouchés, Bernard Guionnet a procédé à une mise en garde : « Si le rendement des « autres débouchés » peut à juste titre être plus élevé que celui du Cognac, il doit rester plausible par rapport à la production physiologique d’une vigne Ugni blanc, autour de 250/280 hl vol./ha. Indiquer sur votre déclaration de récolte 400, 600 ou 800 hl ha signifierait la fin programmée de l’affectation avec, à la clé, la colonne de distillation comme seul exutoire des excédents. Le président d’Alliance Fine Champagne a préféré ne pas s’appesantir sur l’ADG et son rattachement à l’interprofession – « Ce n’est pas le lieu de faire des commentaires » – mais il est revenu sur la situation viticole, dans le contexte de dépression actuel. « Si le rendement de 8,12 hl AP est pressenti pour la récolte 2009, on peut penser que les rendements 2010 et 2011 ne seront pas plus élevés voire inférieurs. Bien sûr, quand on a connu 6 de pur ha, un rendement de 8 de pur peut sembler meilleur mais risque tout de même d’engendrer une gestion économique un peu spécifique. » Face aux difficultés du moment, Bernard Guionnet a fait état de demandes concernant la mise en route d’un Plan d’adaptation bis. Ses propos ont été fermes : « Si certains veulent le faire, qu’ils le fassent eux-mêmes. Je les aiderai mais je ne le ferai pas à leur place. Il y a du travail à la clé, que les responsables doivent accepter d’assumer. L’écriture d’un plan d’adaptation commande de mouiller plus d’une chemise… ou d’en changer souvent ! »

« La situation difficile traversée par la région n’est un secret pour personne, a-t-il ajouté. Je pense que la bonne santé financière de la coopérative et son partenariat avec Rémy Martin nous permettront de sortir du tunnel un peu plus facilement que d’autres. Une nouvelle fois, la région connaît la crise mais ne dit-on pas que c’est dans la tempête que l’on reconnaît les bons navigateurs.

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