Cahier des charges Pineau : « Varier les plaisirs »

15 mai 2017

N’obliger en rien mais ouvrir le champ des possibles, au niveau cépage, couleurs, vieillissement…C’est un peu ce que vise la filière Pineau à travers la modification de son Cahier des charges.

Le 19 janvier dernier,  le président de la Commission d’enquête Pineau des Charentes a présenté devant la commission permanente du Comité Vins et Eaux-de-vie de l’INAO, les modifications du Cahier des charges Pineau. Objectif ? Recueillir l’avis de la Commission permanente à l’occasion d’un rapport d’étape, avant d’aborder la phase finale, celle du vote du rapport définitif par le Comité national. En termes de calendrier, la validation du Cahier des charges pourrait intervenir au mieux en septembre 2017, date du prochain Comité national Vins et Eaux-de-vie, avec publication et effet immédiat dans la foulée.

Pour l’heure, la démarche intermédiaire s’est plutôt bien passée. La modification concernant l’introduction du cépage Trousseau gris (dit encore Chauché gris) dans la liste des cépages Pineau a été avalisé. De même, les trois couleurs – Pineau Blanc, Pineau Rouge, Pineau Rosé – ont reçu l’imprimatur de l’INAO. Par contre, là où ça bloque encore, c’est sur le nom à attribuer au nouveau segment d’âge (3 à 7 ans de vieillissement sous bois) qui va venir s’ajouter aux dénominations déjà existantes « Pineau Vieux » et « Pineau Très vieux ». La filière avait proposé « Cœur de Pineau ». Elle a été recalée et priée de revoir sa copie. Retour sur image avec Philippe Guérin, président du Syndicat des producteurs.

 

Plutôt satisfait le président du Syndicat ! Concernant l’introduction du Chauché gris dans l’encépagement Pineau, les producteurs auraient pu se retrouver sous les fourches caudines de la doxa INAO : que le cépage Chauché ne rentre que pour 10 % de l’encépagement. Embêtant quand le Pineau se subdivise déjà entre Pineau blanc et Pineau rouge /rosé dans la proportion de 60 / 40 %. Dans ces cas-là, les 10 % auraient pu aboutir à un tout petit pourcentage dans les  différentes couleurs et, au final, à quelques pieds de Chauché. Même pas de quoi faire une cuvée. « Le 19 janvier, nous avons obtenu que, potentiellement, un producteur puisse faire 100 % de Chauché » s’est réjoui le président.   « Dès la parution du nouveau décret, nous vous invitons à vous approprier le cépage » a conseillé Ph. Guérin.

 

Améliorer la segmentation

 

Améliorer la segmentation du Pineau fut au centre de la réflexion de ces dernières années. Pourquoi ne pas étendre la palette des possibles et ainsi « varier les plaisirs » offerts au consommateur ? La profession a travaillé sur deux aspects, couleurs et âge. Concernant la couleur, il fut une époque où il n’y avait que deux couleurs possibles dans le Pineau, blanc et rosé. Puis en 2010, on ajouta le rouge mais dans un pot commun « rouge/rosé ». « Nous ne savions pas bien comment ça allait fonctionner. Nous n’avons pas voulu différencier ». A la réouverture du Cahier des charges, la filière s’est dite – « pourquoi ne pas créer trois vraies catégories, blanc, rouge, rosé ? » C’est fait ou en passe de se faire, dès la publication du nouveau Cahier des charges. Bien sûr tout ceci restera volontaire et sans aucune mesure de colorimétrie ou de contrôle organoleptique. Selon la vielle formule des appellations méridionales, « tout ce qui n’est pas rouge est rosé et tout ce n’est pas rosé est rouge. » « Mais de grâce, si vous avez un beau Pineau rouge, appelez le Pineau rouge » a plaidé J.M Baillif.

 

Dénomination complémentaire : Seulement 4% 

 

En ce qui concerne la segmentation liée au   vieillissement, le syndicat a fait le constat suivant : à 96 % le Pineau se vend en… « Pineau des Charentes ». Seuls 4 % des volumes bénéficient d’une dénomination complémentaire,  « Vieux » ou « Très vieux ». Comment élargir la gamme, favoriser l’image et la premiumisation du produit ? L’idée fut de proposer la création d’une nouvelle catégorie intermédiaire de  3 à 7 ans (à partir de 36 mois de vieillissement sous bois). Avec l’effet concomitant de faire monter d’un cran l’échelle d’âge du Pineau. Le Pineau « Vieux », à partir de 5 ans sous bois aujourd’hui, va passer à 7 ans sous bois ; le Pineau « Très vieux », à partir de 10 ans aujourd’hui, passe à 12 ans. Cette évolution n’est d’ailleurs pas sans susciter quelques soubresauts parmi les producteurs investis dans le segment des « Vieux ». « Economiquement parlant et même techniquement, la durée supplémentaire de stockage nous pose problème. Il faudra nous laisser du temps ».

 

Le 19 janvier, l’INAO – c’est assez rare pour le noter – a approuvé sans autre forme de procès la démarche de segmentation du Pineau. Par contre, là où le bât blesse, c’est sur le nom de la catégorie intermédiaire. Ni l’INAO ni la DGCCFRF (les Fraudes) ne veulent entendre parler de « Cœur de Pineau ». Pour les spécialistes, le terme s’assimilerait davantage à une marque commerciale. Pas question non plus de retenir les vocables Sélection, Tradition ni les noms qui pourraient « dénigrer » les autres segments et, bien sûr, ceux susceptibles de créer une confusion. Il faut aussi penser à l’export.  Bref, les agences de communication ont encore un peu de travail devant elles. En interne, pour désigner la nouvelle catégorie, la filière utilise le p’tit nom de « Pompon ». Il y a fort à parier qu’il ne passera pas la rampe.

 

Pineau des Charentes – Identification / Affectation parcellaire : Un nouveau dispositif, à partir de 2018

 

Une fois le Cahier des charges Pineau validé et entré en application – certainement pas avant 2018 – un nouveau dispositif s’appliquera pour l’identification et l’affectation parcellaire « moûts Pineau ».

 

L’identification des parcelles, une règle de base dans le dispositif des appellations, un prérequis pour produire du Pineau des Charentes. Parmi les modifications apportées au Cahier des charges Pineau, l’une d’entre elles concerne l’identification des parcelles « moûts Pineau ». Alors que cette identification parcellaire intervenait – et intervient toujours – avant le 1er juillet de l’année N-1,  dans le nouveau Cahier des charges qui sera validé et appliqué a priori en 2018, cette identification pourra intervenir un peu plus tard, jusqu’au 10 décembre de l’année précédant la récolte. L’idée ! Laisser un peu plus de temps aux opérateurs et faire « coller » la date avec celle de la déclaration d’affectation parcellaire (voir plus loin). Autre modification : une fois identifiées, les parcelles le seront « à vie ». Pour rappel,  les deux critères de l’identification parcellaire Pineau sont les suivants : parcelles non inondables et se situant dans l’ère délimitée Cognac. A noter que cette identification parcellaire « moûts Pineau » n’empêche en rien de pouvoir produire du Cognac au taux plein (rendement annuel Cognac) sur la parcelle, si tel est le choix du producteur.  Car c’est la déclaration d’affectation de bassin (nouveau nom pour la déclaration annuelle d’affectation) qui, avant le 1er juillet de l’année de production, sert de « juge de paix ». C’est à ce moment-là que le producteur oriente les surfaces sur les différentes destinations du bassin (Cognac, Pineau, VIG, VSIG), avec les rendements ad hoc.

Pour faciliter le contrôle des conditions de production, l’INAO a demandé qu’une nouvelle déclaration d’affectation soit créée, la déclaration d’affectation parcellaire Pineau des Charentes. A travers cette déclaration, il s’agira de vérifier que sur les parcelles potentiellement aptes à produire du Pineau, les conditions de production sont bien respectées. Cette déclaration sera envoyée par le Syndicat aux producteurs en même temps que la déclaration d’élaboration. Elle sera à remplir et à retourner avant le 10 décembre de l’année précédant la récolte.

 

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