Burkina Faso : Histoire de l’arrivée des européens en terre Mossi

20 novembre 2013

Dans les anciennes régions constituant le Burkina Faso actuel, l’histoire coloniale débute à la fin du 19e. La conquête s’opère sur fond de querelles dynastiques intestines.

Le Burkina Faso (pays des hommes intègres) aura changé plusieurs fois de nom, comme autant de jalons de l’histoire coloniale et post-coloniale. Avant la conquête, le territoire actuel se partage en plusieurs monarchies (Royaume du Yatenga, de Ouagadougou, de Tenkodogo…) et nombreuses ethnies (Mossé, Peuhl, Bissa, Gurunse, Lobis…). Ces ethnies constituent toujours la trame de la population actuelle. Quand le protectorat français s’impose en 1897, la colonie prend le nom de Haut-Sénégal-Niger, intégrée à l’Afrique occidentale française (AOF). Le 1er mars 1919, une nouvelle entité est créée, la Haute-Volta. Démembrée en 1932, elle sera réinstaurée en 1947. La nation accède à l’indépendance en 1960. En 1984, le révolutionnaire Thomas Sankara choisit d’appeler son pays « Burkina Faso », pays des hommes intègres.

Le Néolithique

Comme toute l’Afrique de l’ouest, le Burkina Faso a connu un peuplement très précoce. La présence de chasseurs-cueilleurs est attestée au nord-ouest du pays au cours de la période allant de 12 000 à 5 000 ans avantJ.-C.
La sédentarisation s’opère quelques millénaires plus tard (aux alentours de 3 600/2 600 ans avant J.-C.). Au 11e siècle, les historiens évoquent la présence de plusieurs royaumes, établis sur une base militaire. La cavalerie y joue un rôle important. Elle opère des razzias auprès des grands Etats de la boucle du Niger (empire Shongaï). L’ethnie Dogon, présente dans cette partie de l’Afrique de l’ouest, rejoint la falaise de Bandiagara (actuel Mali) entre les 15e et 16e siècles. Probablement à cette époque, des groupes de guerriers issus de la partie septentrionale du Ghana actuel s’établissent par vagues successives dans le centre du Burkina (pays Mossi). Maîtrisant l’art équestre, ces hommes auraient offert leur protection aux populations locales. Détenteurs du pouvoir de commander les hommes, ces groupes dits « nakoses » ou « nobles » concèdent aux populations autochtones la maîtrise de la terre, notamment dans sa dimension symbolique et religieuse. Progressivement, une société métissée se forme. Ses chefs politiques portent le titre de Naaba, littéralement le détenteur du naam, le pouvoir de commander les hommes conféré par dieu.

Par un jeu de scission des principales branches dynastiques, de nouveaux commandements ne cessent de se créer. Ils deviennent plus ou moins indépendants, jusqu’à ce que des Naam plus forts que d’autres apparaissent. Au 18e siècle, une relative stabilisation des Etats monarchiques se manifeste. Chacun sait théoriquement de qui il dépend, même si des groupements (peuhl, bissa…) conservent une certaine autonomie. Des aménagements de zones tampons autour des grands royaumes permettent d’éviter les conflits, même si des points de tension persistent entre souverains.

Des contacts tardifs

Dans cette partie de l’Afrique, les premiers contacts directs entre Européens et Africains ont lieu tardivement. Les historiens les font remonter vers les années 1880, c’est-à-dire à la toute fin du 19e siècle. On sait que la traite négrière a sévi en Afrique beaucoup plus tôt – dès le 16e siècle – mais elle concerne essentiellement les régions de la côte (Ghana, Côte-d’Ivoire, Sénégal…). Les anciennes régions constituant le Burkina actuel se trouvent dans l’arrière-pays (l’hinterland). Elles sont donc moins faciles d’accès aux négriers blancs et à leurs intermédiaires noirs ; ce qui ne veut pas dire que le pays ait été totalement préservé de la traite négrière.

Quoi qu’il en soit, dans les années 1880, les Blancs se rendent dans cette zone d’Afrique de l’ouest en voyage dit de « découverte ». Dans un premier temps, c’est le fait d’individus isolés, assistés de porteurs, de guides et de traducteurs africains. Ces derniers sont très souvent des musulmans rompus au commerce sur de longues distances. Ce moment colonial initial correspond à une forme « d’apprivoisement » réciproque. Les cours royales, soucieuses d’en savoir plus sur les intentions réelles des Européens, accueillent les visiteurs avec hospitalité. Les Européens, pour leur part, se présentent systématiquement en « porteurs de paix », désireux d’établir de simples relations commerciales. Très vite, cependant, ces relations vont prendre un tour plus politique voire plus tendu.

A partir de 1888, date de l’arrivée en pays Mossi de la mission allemande du capitaine Von François, le gouvernement français se donne pour objectif de faire signer un accord de protectorat au roi de Ouagadougou. Il charge de cette mission le capitaine Louis-Gustave Binger. Les missions d’exploration se font plus précises. Leur but ? Effectuer des relevés d’itinéraires, évaluer le degré de sécurité des routes, obtenir un bagage linguistique.

Petit à petit, les anciens rapports diplomatiques, empreints de cordialité, cèdent le pas à un véritable bras de fer. En 1896, les lieutenants Paul Voulet et Julien Chanoine reçoivent l’ordre de conclure, de gré ou de force, le traité de protectorat avec le Naaba de Ouagadougou. Après le renvoi brutal des émissaires par le souverain, les hostilités éclatent. Les troupes françaises (257 hommes) s’emparent une première fois de Ouagadougou en septembre 1896. Entre-temps, le roi a opéré une retraite stratégique vers le sud. Finalement, en janvier 1897, la capitale du royaume de Ouagadougou tombe définitivement. Afin de faire reconnaître l’occupation française de la région aux nations européennes rivales (notamment l’Allemagne et l’Angleterre), Chanoine et Voulet s’emploient à trouver un successeur au roi légitime. Pour que le protectorat soit valide, le nouveau souverain doit être choisi parmi ceux que la coutume autorise à occuper ce poste. Le 20 janvier 1897, Naaba Sigiri, le successeur désigné par les Français, est intronisé et le traité signé dans la foulée.

Une instrumentalisation des institutions royales

Pour administrer le pays, la France ne supprime pas les institutions royales mais s’appuie sur elles, quitte à les vider quelque peu de leur substance. A des fins de rationalisation administrative il est prévu, en février 1898, de délimiter « exactement la zone de commandement de chaque Naaba et de procéder ainsi tout naturellement à un regroupement des villages par canton, en plaçant le Naaba lui-même ou l’un de ses proches à la tête du dit canton ». En procédant de la sorte, la France impose son schéma de lecture simplifiée à la société africaine mais se retrouve aussi instrumentalisée par elle. A l’abri de l’autorité française et tirant parfois prétexte de sa présence, les grands nanamses (gens de pouvoir) en profitent pour conforter leur position. Ainsi, par exemple, le roi de Ouagadougou finira par s’imposer en pays voltaïque comme le principal interlocuteur africain auprès des autorités coloniales.

Aujourd’hui encore, un homme est à la tête du royaume de Ouagadougou. C’est Naaba Baongo II, chef coutumier des Mossi du centre. Sa charge est plus honorifique qu’autre chose mais il représente une autorité morale, même auprès des hommes politiques. Tous les vendredis, de 6 h 30 à 7 h, le chef traditionnel sort de son palais en tenue de guerre, pour simuler un faux départ. Il est entouré de ses femmes, de sa cour, qui le supplie de rester. Un rituel considéré comme un modèle de sagesse et de paix. C’est pour cela qu’il est interdit de faire des photos.

Sources : Pays Mossi – Vade-mecum pour une histoire de la rencontre coloniale en terre voltaïque – Benoît Beucher, doctorant Université Paris IV Sorbonne. Carnet de voyage – Séjour à Boala – Comité de jumelage de Cognac.

 

 

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