Brumes d’été sur les intentions d’achat

22 juillet 2010

Des recettes à hauteur de 10 millions et demi d’euros, des charges de 11 millions d’euros… C’est sur un « léger » déficit de
500 000 € que l’interprofession du Cognac va boucler son exercice au 31 juillet. Comme l’an passé, le déficit sera couvert par les réserves. En 2008-2009, crise aidant, le déficit s’était rapproché des 800 000 € (817 000 € exactement). Les sept derniers mois de progression continue des ventes – dont cinq mois à deux chiffres – ont permis de sauver le budget 2009-2010 et laissent envisager un budget 2010-2011 plus aisé. D’autant qu’à l’unanimité des deux familles l’interprofession a voté une hausse de 1 % de la CVO (cotisation volontaire obligatoire) lors de l’assemblée plénière du 16 juin 2010. Catherine Le Page, directeur du BNIC, parle d’un budget de « transition mais qui reste dynamique ». Il devrait permettre d’assurer de manière correcte les chantiers les plus novateurs de l’interprofession, qui sont l’intégration de l’ODG Cognac au sein du BNIC, la dématérialisation des documents ou encore tout ce qui a trait à l’environnement. D’ailleurs, à la rentrée, l’interprofession se réunira pour réfléchir à la « feuille de route » des prochaines années.

Dans le cadre du nouveau plan de contrôle Cognac, les déclarations d’affectation préalable étaient à renvoyer au BNIC avant le 1er juillet. Beaucoup de viticulteurs se sont acquittés de leur obligation « en temps et en heure » ; un certain nombre l’a différé de quelques jours, sans doute histoire d’y voir un peu plus clair sur les intentions d’achats du négoce. Un délai « de grâce » que l’on peut qualifier de « normal » et que cautionne d’ailleurs le système de relance du BNIC. Ceci dit, des remarques fusent déjà : « Pas question d’introduire une distorsion de traitement entre viticulteurs. Si le système d’affectation préalable doit s’appliquer, il devra s’appliquer à tout le monde de la même façon, dans le respect du plan de contrôle. Sinon, ceux qui auraient fait l’effort d’être dans les clous se retrouveraient pénalisés. » Déjà que l’affectation ne déclenche pas l’enthousiasme. Réflexion d’un négociant : « Une affectation à fin juin, d’accord mais il peut se passer des choses à deux mois des vendanges, autant dans les vignes que sur les marchés. C’est un peu ridicule cette histoire. » D’autres professionnels n’en pensent pas moins : « Nous allons assez vite constater les limites de l’affectation. D’emblée, elle risque de se traduire par une sur-affectation au Cognac. » Et de pronostiquer un chiffre de production Cognac de l’ordre de 650 000 hl AP pour un niveau actuel des ventes de 438 000 hl AP. « Cela ne durera pas 107 ans ! »

Il avait été dit que le négoce communiquerait ses intentions d’achat avant le 1er juillet. Cette recommandation a été plus ou moins bien suivie. Certaines maisons ont effectivement informé leurs viticulteurs, soit dans le cadre des réunions classiques (cas de Courvoisier), soit lors de l’annonce d’une reconfiguration du système contractuel (cas de Martell qui introduit un système de contrat triennal glissant*). D’autres maisons – dont la plus importante – ont laissé filtrer des « pistes ». Globalement, il semblerait que les viticulteurs aient retenu un « sentiment de marché » plutôt à la hausse, sans pour autant disposer de plus de confirmations. D’aucuns s’avouent d’ailleurs surpris de ne pas avoir été davantage interrogés par les viticulteurs. « Je m’attendais à recevoir plus d’appels de ma clientèle, reconnaît un courtier. J’ai rencontré environ un tiers de mes clients. Pour les deux autres tiers, je ne sais pas trop comment ils ont géré leur affectation. Ont-ils tout affecté au Cognac, ont-ils attendu d’en savoir plus ? »

Vendredi 2 juillet, Alliance Fine Champagne, la coopérative associée de Rémy Martin, tenait sa traditionnelle réunion des délégués, qui clôture l’exercice. Pour des raisons de disponibilité – Jean-Marie Laborde, directeur général de Rémy-Cointreau, était sur les marchés – la rencontre n’avait pu être programmée plus tôt. Bernard Guionnet, président d’Alliance Fine Champagne, s’en est excusé : « Nous ferons mieux l’an prochain. » Après s’être acquitté des informations d’usage, B. Guionnet a laissé à Vincent Géré, directeur des Cognacs Rémy Martin, le soin d’annoncer la mauvaise nouvelle : la baisse des contrats collectifs (ex Champaco). Ces contrats portent exclusivement sur des eaux-de-vie 00, via les bouilleurs de cru ou les bouilleurs de profession. A l’occasion du renouvellement des contrats triennaux, la maison de négoce a décidé de ne pas modifier les contrats individuels (qui sont « sécurisés » à volumes identiques sur un palier de trois ans – 2010/2013) mais de revenir à l’annualisation des contrats collectifs et surtout de les diminuer de 30 % sur la prochaine campagne (environ 10 000 hl AP). Emoi dans les rangs, surtout après l’annonce, par J.-M. Laborde, des bons résultats de Rémy Martin. Pour expliquer la position de la maison, le président d’Alliance est monté au créneau. « Alors que les ventes régionales ont perdu jusqu’à 25 %, il n’était pas concevable de rentrer tous les ans 65 000 hl AP pendant trois ans sans penser à rééquilibrer le stock. A un moment donné, la région a vécu au-dessus de ses moyens. Certes, les bons chiffres des sept derniers mois sont bien réels mais ils ne doivent pas faire illusion. Les ventes régionales accusent encore un déficit de 15 % par rapport à leur meilleur niveau. Quelque part, nous sommes dans une économie libérale même s’il s’agit d’une économie contractuelle. Ceci dit, il vaut encore mieux être viticulteur à Cognac qu’en Bordeaux supérieur, dans le Beaujolais ou le Muscadet. Bien sûr, il y a la Champagne mais le ticket d’entrée est plus élevé. Je comprends le désarroi de certains mais il ne faut pas perdre le moral. Nous allons essayer de gérer au mieux ce passage difficile. Il est tout de même moins grave qu’en 1998, où les contrats avaient baissé de 60 à 70 %. L’annualisation permet aussi de rebondir plus vite. » Ces ajustements, Vincent Géré les a justifiés par les nécessaires flexibilité et réactivité face au marché. « Nous nous remettons en capacité de gérer les bonnes surprises » a-t-il dit. Il a engagé les viticulteurs concernés par la baisse à se rapprocher du service achats eaux-de-vie de la maison ainsi que de leurs distillateurs de profession. « Il y aura peut-être des opportunités d’achat à saisir. Nous serons très vigilants à vous en faire profiter en priorité. » Il a évoqué le rôle d’amortisseur qu’avait joué et que continuait de jouer Rémy Martin dans la région. B. Guionnet a confirmé ses propos. « Au cours de la période triennale, Vincent Géré n’a pas souhaité procéder au réajustement des volumes. Il m’a dit : « Les contrats Rémy Martin seront respectés à la lettre. » En tant que directeur général des marques, Patrick Piana a affirmé les ambitions de Rémy Martin et sa confiance dans les fondamentaux de la maison. n

(*) Contrat reporté tous les ans au 30 juin par tacite reconduction pour une durée de 3 ans (l’année en cours + 2 ans).

 

 

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