L’économie du brandy français ne saurait se passer des Charentes. C’est du moins l’opinion des opérateurs brandy qui refusent d’envisager le tarissement de la source Charentes à l’occasion d’une éventuelle évolution réglementaire. D’emblée, ils promettent de réagir s’ils sentaient leurs intérêts menacés.
Avec les établissements Bernard d’Ambès (Gironde), l’UFAB (Union française des alcools et brandies) est l’autre élaborateur français de brandies. Située dans le Gard, la société, d’essence coopérative, est dirigée par Maurice Crouzet. Comme son homologue bordelais, l’entreprise s’approvisionne auprès des distilleries vinicoles françaises et étrangères (espagnoles et italiennes), stocke et assemble les eaux-de-vie de vin avant de les revendre aux sociétés de spiritueux (dont de nombreuses filiales de maisons charentaises). L’UFAB commercialise ainsi sous forme de brandy 80 à 100 000 hl AP par an pour des destinations finales comme l’Allemagne, l’Angleterre, un peu les Etats-Unis, les pays de l’Est (Russie, Moldavie…), la Chine bientôt. Maurice Crouzet estime que supprimer la possibilité d’élaborer des brandies à partir des excédents charentais serait lourd de conséquences pour la filière. « C’est notre seule source d’approvisionnement stable et régulière pour l’élaboration de brandy français. » Bon an mal an, 25 à 30 000 hl AP en provenance des Charentes concourent à l’élaboration de brandy, soit environ 10 % du volume de brandy élaboré en France (autour de 300 000 hl AP, vendus essentiellement à l’exportation). Le produit issu des Charentes n’est pas stricto sensu une eau-de-vie de vin mais un distillat. Fabriqué à partir des vins livrés à la distillation communautaire de l’article 28, ce distillat titre au moins 92 % vol. et ne peut rentrer que pour 50 % dans la composition du brandy. Le distillateur des vins de l’article 28 a le choix : soit livrer l’alcool à l’intervention au prix d’achat communautaire de 116 € l’hl AP. Cet alcool sera alors écoulé pour les usages industriels (produits rectifiés, usages pharmaceutiques…) ; soit garder la libre disposition de son alcool et le vendre sur le marché libre aux élaborateurs de brandy. Par contre les élaborateurs de brandy qui veulent faire de la libre disposition avec l’article 28 savent qu’ils devront acheter le distillat au moins 116 € (le prix de l’intervention) sachant que le prix de marché des eaux-de-vie de vins est d’environ 100 € l’hl AP (pour des brandies vrac qui se vendent au alentour de 130 € l’hl AP). C’est pourquoi les opérateurs se servent de la source d’approvisionnement charentaise comme d’une variable d’ajustement « en fonction des quantités disponibles et des prix ». Cependant, il s’agit selon eux d’un appoint indispensable car les autres sources d’approvisionnement sont plus aléatoires. De quoi se composent-elles ?
Les sources d’approvisionnement
Jean-Gabriel Chevrier, directeur de la délégation nationale Alcool à l’ONIVINS-Libourne, cite bien sûr les DPLC, pour 50 ou 60 000 hl AP. Ces DPLC sont uniquement voués au marché libre – d’où leur attractivité en matière de prix – mais leurs volumes sont congénitalement assez faibles. Il s’en « lève » un peu en Gironde, en Champagne, dans le Val de Loire ou les Côtes-du-Rhône. La distillation volontaire « alcool de bouche » de l’article 29 représenterait à priori la voie royale pour approvisionner le marché des brandies. Comme pour les DPLC, l’écoulement de l’alcool s’effectue uniquement sur le marché libre, d’où une absence de contraintes sur les prix. Mais une réserve existe, de taille : les disponibilités volumiques dépendent éminemment de la conjoncture. Une année comme 2001, il s’est distillé 1,1 million d’hl AP d’article 29. En année normale, on est sans doute plus proche des 80 à 100 000 hl AP. Pour combler le déficit, reste aux élaborateurs le recours à l’importation, aujourd’hui d’Espagne ou d’Italie. Par contre, se perd au passage la notion de brandy français (problème de traçabilité), une référence qui, apparemment, n’est pas neutre au plan commercial. « Les brandies français développent un certain goût, une certaine qualité. Les opérateurs brandy ont mis 50 ou 100 ans à développer la notoriété des brandies français auprès des consommateurs du monde entier. Il serait dommageable de réduire à néant tous ces efforts. Sans parler du paradoxe qu’il y a à ne plus trouver d’alcool en France », commente Maurice Crouzet. Et de souligner à nouveau l’importance de pérenniser la source d’approvisionnement charentaise comme un gage de stabilité de ces fameux « brandies français ». Peut-on aller jusqu’à dire que s’exprime à travers elle la qualité Cognac ? Le directeur de l’UFAB apporte le démenti le plus formel. « Le distillat de vin provenant des Charentes est un produit standard, rendant impossible toute référence à la région délimitée. A mon avis, cela ne constitue d’aucune façon un risque pour le Cognac. »
« une aberration économique »
La maison Royer, de Jarnac, dépend du groupe japonais Suntory (14 milliards d’€ de chiffre d’affaires), très important producteur de brandy. Jérôme Royer, responsable de la société jarnacaise, défend bec et ongles la filière brandy charentaise. « Dans le cadre d’une refonte réglementaire, je sais que le grand négoce serait favorable à une distillation à 96,4 % vol. pour les quantités dépassant la partie Cognac. Je considère qu’il s’agit d’une aberration économique. C’est un comble qu’une société dite libérale se coupe d’une activité économique qui fait marcher les PME du Cognac. D’ailleurs, si cette réglementation devait passer, il y aurait sans doute un certain nombre d’opérateurs qui iraient tout droit devant Bruxelles. Dans cette région, existent une filière brandy, un savoir-faire, des clients, un approvisionnement. Je n’aime pas trop que l’on oublie l’histoire ou que l’on essaie de la transformer. Toutes les maisons de Cognac ont profité du brandy pour se développer. N’ayant pas suffisamment d’argent pour financer le stockage du Cognac, comment faisaient-elles ? Elles vendaient du brandy, tout simplement ! » J. Royer conteste l’argument concurrentiel brandy/Cognac. « Sur le marché japonais que je connais un peu, les ventes de Cognac et de brandy furent toujours symétriques. Quand le Cognac flambait à la fin des années 80 pour atteindre un million de caisses, le brandy suivait et quand le Cognac s’est cassé la figure, avec des ventes divisées par 4, le brandy a subi une perte équivalente, voire même supérieure. Ce phénomène se vérifie aux Etats-Unis où les ventes de brandy ne se sont jamais aussi bien portées que maintenant, alors que Cognac et brandy ne partagent absolument pas la même clientèle. » « Ne nous voilons pas la face, ne nous battons pas contre des moulins à vent, poursuit Jérôme Royer. Si nous ne faisons pas de brandy, d’autres le feront à notre place et nous aurons perdu bien plus que la valeur intrinsèque du distillat. » Favorable à une séparation des surfaces « gérées par le BNIC et non par l’INAO », le négociant jarnacais verrait bien se mettre en place un vignoble brandy dans la partie « autres vins », complété par un bureau du brandy comme il existe un bureau du Cognac, « afin de mettre les choses en place ».
Si Antoine Cuzange a abandonné la présidence du Syndicat des brandies – le titre appartient aujourd’hui à Jean-Paul Latreuille – il n’en demeure pas moins un personnage central de la filière brandy. Fin manœuvrier, il s’interroge sur l’avis des viticulteurs : « Moi-même je ne le connais pas mais je ne suis pas sûr que le problème leur ait été correctement posé. » « On nous dit que la destruction du vin ne coûtera rien au viticulteur mais on n’en est pas sûr à 100 %. Par contre, ce que l’on sait de manière presque certaine, c’est que la production de brandy au-delà du rendement Cognac peut rapporter entre 800 et 1 000 F de l’ha. » Exprimant des doutes sur la capacité de Revico à transformer 1,2 million d’hl vol à 8 % vol. – sur la base d’un excédent de 20 hl vol./ha « les bonnes années » – il souligne lui aussi le caractère industriel du distillat. « A partir de là, aucun brandy ne peut se prévaloir d’une origine charentaise. »
Prime d’arrachage définitif
Report de date et complément
Pour la campagne 2004-2005, la date de dépôt des dossiers de demande d’octroi de la prime d’arrachage définitif auprès de l’ONIVINS est reportée au 31 janvier 2005 (au lieu du 31 décembre 2004). Pour encore deux campagnes, la prime communautaire fait l’objet d’un complément de la Région, dans le cadre du Contrat de Plan Etat/Région. Compte tenu de l’insuffisance des sommes, le BNIC avait lui-même participé à l’abondement de la prime, par le prélèvement d’une CVO (cotisation volontaire obligatoire). Aujourd’hui, cette CVO a pris fin mais il reste un solde disponible. Réunie en assemblée plénière du 21 octobre dernier, l’interprofession a décidé d’utiliser cette somme pour permettre de porter la prime globale d’arrachage à 13 720 € /ha (contre 12 300 €/ha), dans la limite de 330 ha. Les conditions pour profiter du montant de cette prime ne changent pas : avoir plus de 55 ans ou être signataire d’un CTE (sans limite d’âge). Cet abondement sera directement versé par le BNIC aux bénéficiaires après la liquidation des dossiers par l’ONIVINS.
(Source : communiqué du BNIC)