Stratégies et orientations de la filière Viticole Australienne

7 juin 2011

Depuis plus de 10 ans, l’IFV Sud-Ouest organise des déplacements de formation dans des vignobles étrangers. Le voyage 2011 a conduit 35 vignerons du Sud-Ouest à la découverte des vignobles d’Océanie. Parmi nos concurrents du « Nouveau Monde », l’Australie est certainement le pays viticole le plus innovant, qui a bâti en quelques décennies son propre modèle de production, adapté à ses contraintes locales.

Mécanisation, vinification en conditions réductrices en sont quelques illustrations. La taille rase et le minimal pruning sont utilisés là-bas depuis plus de 20 ans avec succès. Accompagné d’un marketing agressif, ce modèle a été payant puisque l’Australie a grignoté aux vins français des parts sur les marchés stratégiques (USA, Royaume-Uni) dans la gamme de vins popular-premium. Le prochain défi qui attend l’Australie est de se construire une réputation forte dans le secteur des vins haut de gamme, de terroir. Nous vous proposons un retour rapide sur ce voyage de formation à l’autre bout du monde.

Aperçu rapide du vignoble australien

graphe_1_bdx.jpgL’Australie viticole a pris son envol au début des années 1990 en s’orientant vers l’export. En l’espace d’à peine 20 ans, son vignoble a été triplé (graphique n° 1) pour atteindre, en 2009 avec 175 000 ha, le 12e rang mondial. En ce qui concerne la production de vin, l’Australie occupe la 7e place mondiale. Le pays enregistrait, en 2009, 2 400 producteurs de raisins (moyenne de 7,2 ha/producteur) pour 1 000 structures vinicoles de tranformation. 75 % environ du vignoble appartiennent à des producteurs de raisins indépendants qui vendent leurs raisins aux structures de vinifications.

En 2009, les cépages blancs les plus plantés étaient le Chardonnay (31 500 ha), le Sémillon (6 700 ha), le Sauvignon blanc (6 400 ha) et le Riesling (4 400 ha). D’autres cépages, comme le Pinot Grigio, le Viognier ou autres cépages italiens comme le Fiano progressent rapidement. L’encépagement rouge est largement dominé par la Syrah qui occupait 44 000 ha en 2009. Elle est suivie par le Cabernet Sauvignon (27 500 ha), le Merlot (10 800 ha), le Pinot Noir (4 500 ha) et le Grenache (2 000 ha). Le Cabernet Franc est l’un des cépages qui progresse le plus rapidement. Les variétés méditerranéennes (Mourvèdre, Sangiovese, Tempranillo, Montepulciano) ont également le vent en poupe.

64 régions viticoles réparties sur 7 états

L’Australie compte 64 régions viticoles, réparties sur 7 Etats. L’Australie méridionale, au climat océanique tempéré, concentre avec 75 000 ha, près de la moitié de la production nationale. Voici les principales zones viticoles du pays par ordre d’importance :
l Le Riverland (21 500 ha). Il s’agit de l’un des moteurs de la production viticole australienne. La forte disponibilité en eau, en plein cœur du bassin de la Murray River, permet d’irriguer et de soutenir des rendements élevés. Le climat y est très chaud pendant la phase de maturation des raisins.
l Riverina (20 500 ha). Cette région cousine du Riverland, située en Nouvelle Galle du Sud, est le fief de Yellow Tail. L’essor de Casella Wines a très largement contribué au développement de cette région viticole qui représente aujourd’hui 55 % de la production de l’Etat et compte pour 15 % de la production nationale.
l La Limestone Coast (15 000 ha). Une autre zone réputée pour ses Shiraz et ses Cabernet Sauvignon. Elle est composée de plusieurs sous-régions comme Padthaway, Coonawarra, Wrattonbully, Mount Benson. Le terroir de Coonawarra et ses « terra rossa » sont réputées mondialement pour produire des Cabernet Sauvignon d’exception.
l La Barossa valley (12 500 ha). Il s’agit de l’une des régions les plus anciennes et les plus connues du pays notamment pour ses Syrah. A une heure d’Adelaïde, la région accueille les grands noms de la viticulture australienne.
l Hunter valley (4 500 ha). Située en Nouvelle Galle du Sud, à proximité de Sydney, la Hunter valley bénéficie d’un climat semi-tropical, caractérisé par des températures caniculaires et d’importantes précipitations de janvier à avril. La région est réputée pour ses Sémillon à faible degré (9 % TAV) et au fort potentiel de vieillissement.
l Et de nombreuses autres régions viticoles au climat frais (« cool climate ») en plein développement et à la réputation grandissante (Yarra Valley, Tasmanie, Mornington Peninsula, Margaret River…).

Une filière très concentrée dominée par les marques

La filière australienne est très concentrée puisqu’en 2009, les trois premiers groupes que sont Constellation avec 318 000 tonnes (Hardy’s), Foster’s avec 211 000 tonnes (Penfold’s, Wolf Blass, Rosemount, Lindemans, Wynn’s…) et Casella Wines avec 180 000 tonnes (Yellow Tail), représentaient près de 70 % de la production nationale. Les marques phares australiennes ont envahi le monde et sont présentes dans les principaux pays consommateurs de vins. La France n’est pas épargnée puisque quelques marques sont représentées en CHR, chez les cavistes et dans la grande distribution. La communication se fait essentiellement sur le cépage et les budgets marketing, aloués pour soutenir les marques sur les marchés d’exportation, sont colossaux. Les 3 premiers groupes investissent environ 10 % de leur chiffre d’affaires en budget marketing.

Malgré un plan stratégique pour monter en gamme

En 2007, les organisations viticoles australiennes ont présenté leur plan stratégique à l’horizon 2025, issu d’une réflexion d’une année entre tous les professionnels du vin. Confrontés à une surproduction et à une baisse des cours, les professionnels ont décidé d’améliorer l’image et la valorisation de leurs vins. Rentabilité, croissance des ventes en valeur, segmentation, performances environnementale et sociale : telles étaient les principales notions de la stratégie de ce nouveau marketing axé sur les vins régionaux et les vins fins. Ce plan se proposait d’organiser l’offre australienne en 4 segments :
l Les « Brands champions » : il s’agit des marques majeures implantées sur les marchés et moteurs de la filière. En général, les volumes sont importants (> 1 million de cols) et le prix de vente au détail varie de 8 à 12 dollars australiens.
l Les « Generation next » : il s’agit des vins tendances, les innovations, les produits « fun » destinés aux consommateurs occasionnels.
l Les « Regional heroes » : ce sont les équivalents de nos appellations mais avec moins de contraintes réglementaires. Yarra Valley, Coonawarra ou Margaret River sont quelques exemples. Les quantités produites sont modérées, autour de 10 000 bouteilles et le prix de vente supérieur à 14 dollars.
l Les « Landmarks » : ce sont les vins haut de gamme, le top niveau à très forte image de marque. Il s’agit par exemple de Grange ou de Bin 707 de Penfold’s et de Eileen Hardy Chardonnay dont les prix de vente peuvent dépasser 100 dollars.

La situation est préoccupante

Quatre années après l’instauration de ce plan, les statistiques d’exportation des vins australiens pour l’année 2009-2010 sont décevantes puisque la montée en gamme souhaitée n’a pas eu lieu, bien au contraire. Pénalisées par un taux de change défavorable, les ventes à l’export ont reposé sur les vins d’entrée de gamme, en vrac vendu à un prix de départ inférieur à 1,80 €/L. Une légère diminution des exportations de vins premium a même été observée. Pire encore, depuis 2008, la filière australienne connaît une surproduction et traverse une crise sans précédent qui l’oblige à réduire de 20 % sa production. Cette surproduction estimée à plus de 100 millions de caisses est la conséquence d’une augmentation de la production combinée à une baisse de la consommation mondiale dans un contexte de crise financière globale. Cette surproduction a provoqué une chute spectaculaire du cours des raisins. Alors qu’en 2005, la tonne de Chardonnay se négociait à 1 100 $ dans le Riverland, le cours s’est effondré à 220 $ en 2011. Avec des rendements moyens dans la région autour de 20 T/ha et des coûts de production de 5 500 à 7 000 $/ha, cette rémunération est en dessous du coût de production. La situation n’est cependant pas si dramatique car les cours devraient remonter rapidement et les producteurs de raisins disposent d’un matelas de trésorerie confortable. La viticulture dans le Riverland a jusqu’à peu de temps été une activité très lucrative puisque les marges nettes à l’hectare dépassaient les 10 000 $.

Mais pas désespérée car l’Australie sait faire face

L’Australie a déjà répondu à la surproduction de manière rapide et efficace, en arrachant 13 000 ha de vignoble et en ne récoltant pas sur 8 000 ha supplémentaires. Des études consommateurs réalisées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, ont mis en évidence que les vins australiens souffraient d’un problème d’image et étaient perçus systématiquement comme des vins d’entrée de gamme. L’industrie viticole australienne a mis en place, depuis juin 2010, une nouvelle campagne de 2 millions de dollars, afin de repositionner les vins en image et en prix : le A+ Australian Wine. Cette stratégie, initiée en Chine, s’appuie sur la promotion des gens et des régions d’Australie. Afin d’obtenir le label A+, les vins doivent provenir de l’une des 64 régions viticoles australiennes, avoir été mis en bouteille dans le pays et la marque doit être 100 % australienne. Les marques d’importateurs, les vins exportés en vrac et embouteillés dans le pays de destination sont ainsi exclus du programme. La promotion de ces vins se fait par des événements, le site internet (www.australiaplus.com) et via les réseaux sociaux (Twitter et Facebook). Sur ce site, chaque viticulteur australien est invité à raconter son histoire, sa philosophie, à mettre une photo en ligne pour se présenter sous son meilleur profil.

Une grande maîtrise technique sans innovation ou originalité majeure

L’Australie a su et sait profiter des techniques existantes pour les adopter à un profil produit bien défini. Au vignoble, la rentabilité demeure l’élément essentiel de la production. Il s’agit de l’un des faits marquants de ce voyage. La découverte de la viticulture du Riverland restera un grand moment. Comme rarement au cours d’un voyage de formation, nous avons découvert en plein cœur de la première région viticole australienne, une viticulture de masse basée sur l’irrigation, la mécanisation et la réduction des coûts de production, impressionnante par son pragmatisme. Au niveau du style des vins, une évolution intéressante est cependant perceptible : les arômes confiturés laissent progressivement la place à des fruits plus frais, le bois se fait plus discret et participe davantage à la complexité du vin. Les profils produits évoluent. Une réflexion plus poussée sur la maturité des raisins, l’adaptation des cépages au terroir ou sur la prise en considération de nouveaux cépages est en route.

En conclusion

Nous avons découvert en Australie un système de production reposant sur des vins d’entrée de gamme et sur une mécanisation poussée. Le pays est à un tournant de son histoire et réfléchit à une valorisation de ces terroirs viticoles. Mécanisation du vignoble, viticulture de précision, R&D, matériel végétal, œnotourisme, élaboration de vins sans SO2, pour en savoir plus, consultez le compte rendu complet sur www.vignevin-sudouest.com

Olivier Geffroy
IFV Sud-Ouest
(Tél. 05 63 33 62 62 – olivier.geffroy@vignevin.com)
Source : « La Grappe d’Autan » n° 84

Taille en haie ou taille minimale ?
L’Australie est un pays continent où 70 % de la population vit dans les villes côtières, loin des vignobles. La viticulture locale a dû intégrer la mécanisation de la taille, opération la plus gourmande en main-d’œuvre, dans son développement :
l La taille en haie est un système de taille mécanisée qui consiste sur un cordon placé en hauteur à réaliser un prétaillage plus ou moins ras. Ce système est souvent jugé comme non qualitatif même s’il représente 60 % du vignoble australien. La charge en bourgeons peut parfois atteindre 400 unités par pied. La végétation retombante prend la forme d’un buisson. Les grappes sont enfermées et bénéficient d’un éclairement modéré. Ce système convient à des vignes de vigueur moyenne à forte, mais peut épuiser des vignes peu vigoureuses s’il n’est pas accompagné d’irrigation.
l La non-taille ou taille minimale, qui représente 10 % du vignoble australien, consiste à ne plus tailler la vigne. L’architecture s’articule généralement autour d’un seul cordon situé à 1,5-1,8 m et d’un système de palissage robuste. En Australie, un deuxième cordon est parfois rajouté. Chaque pied peut porter jusqu’à 1 500 bourgeons. Sous climat frais et humide des difficultés et des délais de maturation, accompagnés d’attaques de Botrytis, ont pu être observés si la charge n’est pas régulée. Ce contrôle, le point délicat de la technique, peut être réalisé par des rognages d’été. Les grappes obtenues sont de petite taille et riches en composés phénoliques. Une sensibilité moindre à l’eutypiose et aux maladies du bois a été observée. Ce système est particulièrement adapté au climat méditerranéen même si les grappes, situées à l’extérieur de la végétation, peuvent subir des échaudages

 

 

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