Abandon de la double fin : « 2005 peut-être, 2006 sûrement »

11 mars 2009

La Rédaction

Pour des raisons de calendriers mais aussi d’assimilation, par 6 500 viticulteurs « d’une véritable révolution », B. Guionnet préconise de reculer à 2005 voir 2006 l’abandon du régime de la double fin.

« Le Paysan Vigneron » – Vous semblez perplexe sur la date de 2003 comme pouvant être celle du basculement de la région délimitée dans un régime d’affectation des surfaces ? Je ne suis pas perplexe, j’ai la certitude que cette date de 2003 est prématurée. Personnellement, le teaming qui me semble le plus probable est le suivant : 2003 et 2004, persistance de la double fin, 2005 peut-être INAO et 2006 sûrement INAO.

« Le Paysan Vigneron » – Comment justifiez-vous ce calendrier ? Par la liste des problèmes à résoudre et par l’ampleur du changement à gérer. On n’abandonne pas le régime de la double fin pour 5 ans. Ce sera définitif. La sagesse m’amène donc à dire qu’il faut « se précipiter avec lenteur ». La modification du décret Cognac a été arrêtée dans ses grands principes mais le texte reste à récrire en grande partie. Les services juridiques du ministère de l’Agriculture, de l’INAO ainsi que nos services s’y emploient. Et puis il faut envisager ce qui va autour : le syndicat de défense, la commission dégustation, la commission de suivi d’aval, le règlement intérieur, les règlements techniques… Tout ceci ne peut germer que dans le temps. Reste aussi à valider les rendements différenciés pour les produits d’origine viticoles, jus de raisin et vin de base mousseux, sans oublier que le Plan d’adaptation demeure toujours d’actualité jusqu’en 2006 en vertu d’un décret qui, lui, est signé.

« Le Paysan Vigneron » – Pour accélérer le mouvement, on oppose souvent la menace d’une réintroduction, dans un régime de double fin, de la QNV historique à son niveau originel de 7,4 millions d’hl vol. Rapporté à la surface de 78 000 ha, cela donnerait une QNV ha de 95 hl AP potentiellement susceptible d’aller à la distillation. Depuis deux campagnes déjà, la Commission européenne a admis une dérogation à 6 millions d’hl vol. Je ne vois pas pourquoi, durant deux campagnes encore, ce régime ne pourrait pas être prorogé à 6,2 ou 6,5 millions d’hl vol. La Commission n’est pas sans savoir que la réintroduction d’une QNV à 7,4 millions d’hl aboutirait à déverser 3 millions d’hl en provenance des Charentes sur le marché communautaire des vins de table. Je ne suis pas sûr que l’Italie, l’Espagne ou les autres régions françaises apprécieraient beaucoup. A partir du moment où nous avons un projet d’avenir portant sur moins de production et moins d’ha, une date de réalisation pas trop lointaine et l’envie de nous y conformer, je crois que nous sommes en mesure de plaider notre cause devant la Commission. M. Zonta doit rencontrer ses membres prochainement. S’il le souhaite, nous pourrons lui apporter notre soutien mais je suis assez confiant dans la négociation qu’il va livrer. Ce n’est pas l’intérêt de la Commission de passer de 6 millions d’hl à 7,4 millions d’hl.

« Le Paysan Vigneron » – L’Europe n’a peut-être plus envie de financer la distillation de retrait article 28 ? Outre l’effet du rendement agronomique, qui a réduit les volumes de la distillation de retrait, le coût de la mesure représente peu de chose dans le budget communautaire. En ordre de grandeur, je crois que la distillation article 28 représente 15 millions d’euros, pour un budget agricole de 50 milliards d’euros. Il convient de relativiser.

« Le Paysan Vigneron » – A différer la mise en œuvre du régime d’affectation des hectares, n’y a-t-il pas un risque à ce qu’il ne s’applique jamais ? Certains ont parlé de « pourrissement ». Le régime d’affectation des hectares s’appliquera, il n’existe aucune ambiguïté sur ce point. Le choix est fait. Nous irons. Ce n’est qu’une question de date. Plus que le changement en lui-même, toujours déstabilisant bien sûr, ce qui m’inquiète c’est l’assimilation par 6 500 viticulteurs d’une véritable révolution. Je pense pouvoir dire que tout le monde n’est pas apte à faire le grand saut en septembre 2003. Des milliers de questions demeurent comme celle de savoir, par exemple, si un vignoble vendu ou affermé redevient libre d’affectation ou pas ? Avant de rentrer concrètement dans le système, les viticulteurs veulent en savoir un peu plus sur ce qui les attend. Par ailleurs, nous approchons de 2004, date de la rnégociation à mi-parcours de l’OCM viti-vinicole. Dans chaque région, des groupes de travail ONIVINS vont se constituer. De très fortes tensions existent avec l’Espagne et l’Italie. Tout cela me fait dire qu’un changement de régime en 2003 ou 2004 est présomptueux.

« Le Paysan Vigneron » – Faites-vous de l’assainissement du vignoble un préalable au changement de régime ? Bien sûr, il y a une demande d’assainissement du vignoble entre 4 et 7-8 000 ha, disons 5 000 ha. Je peux dire que nous avons l’accord oral du ministère de l’Agriculture, de la Région, représentée par le président de la commission agricole Henri de Richemont et grosso modo de la viticulture pour continuer de financer une surprime d’arrachage, à hauteur d’un tiers chacun, jusqu’à la fin du Plan d’adaptation viticole, en 2006. Cette date de 2006 correspond d’ailleurs à la fois à la fin du Plan d’adaptation, à la fin du contrat de Plan Etat-Région et à la fin de l’OCM. J’y vois plus qu’une conjonction favorable pour reporter en 2006 le passage à un régime d’affectation.

« Le Paysan Vigneron » – En parlant d’un assainissement du vignoble de l’ordre de 5 000 ha, vous ne vous situez pas exactement dans le schéma des « 15 % d’arrachage ». Si dans un premier temps nous réussissons à équilibrer le vignoble autour de 72 000 ha, ce qui est l’objectif du Schéma d’avenir du vignoble charentais, ce sera déjà un grand pas. N’ignorons pas qu’avec la fin du Plan, le système des aides particulières mourra de sa belle mort et qu’avec l’INAO, nous rentrerons dans une autre logique.

« Le Paysan Vigneron » – Que pensez-vous des « 80/20 » visant à rendre obligatoire l’affectation de 20 % du vignoble à d’autres productions que le Cognac ? Le principe n’est pas idiot mais je pense que les jours qui viennent vont nous apporter la preuve de l’infaisabilité juridique d’un tel système. Des pré-conclusions existent déjà dans ce sens.

« Le Paysan Vigneron » – L’abandon de l’idée de « 80/20 » relancerait le débat sur le niveau de production. Sur le rendement agronomique, il n’y a pas débat, sur la QNV vin de table non plus. Elle restera égale à elle-même. Par contre, c’est évident que le débat sur la QNV Cognac sera relancé. Nous y ferons face.

« Le Paysan Vigneron » – Vous attendez-vous à une bagarre sur le sujet ? J’ai plutôt l’impression qu’un consensus se dessine. On parle de 6,5 voire de 7 mais certainement pas de 8. D’ailleurs, ce serait une erreur. Tous les efforts accomplis depuis six ou 7 ans se verraient réduits à néant.

« Le Paysan Vigneron » – Le revenu des viticulteurs ne va-t-il pas pâtir d’une application différée ? Pour le viticulteur ayant accès au Cognac, je ne suis pas sûr qu’il ait beaucoup à perdre dans l’immédiat entre une QNV Cognac à 8 de pur sans rien au-dessus ou une QNV à 6,5 assortie de possibilités d’écoulement annexes. Pour les producteurs de vin de table, cela ne change rien. La seule différence porte effectivement sur les produits autres, éventuellement dotés de rendements supérieurs (130 + 50), si on peut les obtenir.

« Le Paysan Vigneron » – Les négociants ne risquent-ils pas de se sentir frustrés dans leur demande de 8 de pur à l’ha ? Même de leur côté, je n’entends plus tellement citer le chiffre de 8 de pur. C’est plutôt le chiffre de 7 qui revient le plus spontanément. Un second marché un peu plus tendu les a rassurés et je ne crois pas que les ordres d’achat lancés, tant en volume qu’en prix, soient restés sans réponse.

« Le Paysan Vigneron » – Que vous inspire la situation actuelle ? Je suis plutôt satisfait de la tournure prise par les événements. Je ne vois pas véritablement de projets opposés à celui qui se pressent. Si la double fin a encore des adeptes, les esprits se résoudront sans doute à son abandon.

« Le Paysan Vigneron » – Le changement de régime va s’accompagner de la création de nouveaux lieux de pouvoirs ? En ces matières, je crois qu’il faut raisonner filière. Personne n’a intérêt à la cassure. La région vit mal ces coups de folie, à l’issue desquels il y a toujours revanche.

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