Gagner de l’argent en devenant un éco-citoyen ! La tension sur le prix des énergies fossiles accroît l’attractivité des énergies renouvelables (biomasse, solaire, hydrique, éolien) pour le bâti, maison d’habitation comme bâtiment professionnel. Proche de la ressource, les agriculteurs constituent une clientèle privilégiée. Mais encore faut-il que les tabous tombent, chez eux comme chez les autres.
Qu’entend-on par énergies renouvelables ? Par définition, l’expression concerne l’énergie tirée des quatre éléments, biomasse, solaire, hydrique et éolien. Ces énergies présentent les caractéristiques d’être inépuisables (à l’exception peut-être de l’eau) et décentralisées. Tout le monde peut s’en servir. D’une certaine façon, on peut également dire qu’elles sont gratuites. Le soleil n’envoie pas encore sa facture ! Par biomasse, il faut entendre la filière bois énergie (le bois comme combustible : bois déchiqueté, bois sous forme de granulés) mais aussi la filière méthanisation, qui commence à apparaître à la ferme, sans oublier la filière huile végétale pure. En fait, il s’agit de l’énergie tirée des matériaux organiques, bois, herbe, colza, tournesol, fumier, lisier… Le solaire se décline se décline quant à lui sous deux applications principales : l’application thermique (chauffeeau solaire pour la production d’eau chaude sanitaire) et la production d’électricité par des capteurs photovoltaïques. Eau et vent sont également sollicités pour la production d’électricité. A la lisière des énergies renouvelables, on retrouve un équipement comme la pompe à chaleur, assez largement diffusé par le marché. Il puise les deux tiers de son énergie dans l’air ou la terre (selon le système choisi) mais recourt à une énergie fossile (l’électricité) pour un tiers.
Le concept d’énergies renouvelables n’est pas nouveau. Il a connu un premier pic d’intérêt il y a trentaine d’années. A l’époque, en 1974, le baril de pétrole flambait sous le coup du premier puis du second choc pétrolier. En région viticole, les essais de valorisation des sarments de vignes datent de cette période. Et puis le soufflet est retombé quand le fioul est passé de 4 F le litre à 1,5 F. Tout le monde se trouva alors d’autres préoccupations. A la fin des années 1990 pourtant, une prise de conscience s’est réamorcée, liée à l’effet de serre et à la signature du protocole de Kioto de 1998 sur le changement climatique. Mais le mouvement a vraiment démarré en 2002 quand les prix du pétrole et du gaz ont commencé à grimper. A 70 $ le baril, le cours du pétrole a atteint une sorte de paroxysme cet été. Aujourd’hui, il est redescendu à environ 60 $. L’épisode a cependant marqué les esprits. On a redécouvert à cette occasion que le sort de toute énergie fossile était d’avoir une fin. Tient, on l’avait oublié !
En matière d’énergies renouvelables, les structures d’accompagnement existent. Leurs strates de création se calquent d’ailleurs peu ou prou sur l’évolution de la prise en considération des questions énergétiques et environnementales. C’est en 1974 qu’est fondée l’AEE (l’Agence pour l’économie d’énergie). Qui devient en 1987 Agence française pour la maîtrise de l’énergie (AFME) en intégrant au passage le Comité solaire. La fusion avec l’Agence nationale pour la récupération des déchets donnera naissance en 1992 à l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Etablissement public placé sous la tutelle conjointe des ministères de l’Ecologie et du Développement durable, de l’Industrie et de la Recherche, l’ADEME met en place la politique de l’Etat en matière d’économie d’énergie. Assez vite, les collectivités territoriales vont embrayer le mouvement ainsi que l’union européenne. En 1995 est créé en Poitou-Charentes, sur fonds de l’ADEME, du Conseil régional et l’UE, un Centre régional des énergies renouvelables (CRER). Cheville technique des acteurs régionaux, le CRER est d’abord intégré à l’ADEME comme outil d’accompagnement technique. Il acquiert son autonomie en juillet 2001 en devenant une association loi 1901. Mais une convention continue de le lier au Conseil régional et à l’ADEME pour l’assistance technique dans le domaine des énergies renouvelables en direction du bâti, notamment sur les thématiques bois-énergie et solaire thermique. Présidé depuis 2001 par Gérard Raby, maire de Segonzac (Charente), le CRER a pour objectif de susciter le recours aux énergies renouvelables comme source de chauffage. Sa mission va donc consister à informer, sensibiliser collectivités publiques comme particuliers aux différentes solutions. Il le fait de multiples façons : en organisant des conférences, en étant présent sur les foires, salons ; par son Espace Info-énergie qui répond par téléphone à toutes questions (voir article page ci-contre). Le CRER forme également aux énergies renouvelables les professionnels (artisans, maîtres d’ouvrage). Une autre grosse partie de son travail consiste à réaliser des études de faisabilité, à vérifier la viabilité technique d’un projet, par exemple l’installation d’une chaudière automatique à bois. « Le CRER est d’autant plus crédible qu’il ne vend rien, ni matériel ni énergie. C’est sa force » indique son directeur Denis Renoux. Ce dernier insiste beaucoup sur la capacité du CRER à « invalider un projet s’il n’est pas faisable techniquement ». « Un projet irraisonnable ne sert pas la filière, bien au contraire. Il apporte une contre-référence dont personne n’a besoin. Nous essayons d’éviter au maximum les verrues techniques. »
A 77 %, les études réalisées par le CRER pour les collectivités locales concernent le bois-énergie : création ou extension de réseaux de chauffage à partir de chaudières bois alimentées automatiquement en bois déchiqueté. Pour les particuliers, les centres d’intérêt sont plus diffus. Les questions concernent à la fois les aspects d’isolation et de maîtrise de l’énergie – l’énergie qui coûte la moins chère, c’est celle qui n’est pas consommée – le bois énergie, le solaire, les pompes à chaleur… La réflexion énergétique débute toujours par un bilan de la qualité du bâti, pour tenter de diminuer les besoins, avant de s’intéresser au besoin énergétique « fatal », celui qui est incompressible. Ce besoin, on tentera de le satisfaire en recourant le plus possible aux énergies renouvelables. A destination des ménages, le CRER possède un outil de modélisation qui permet de comparer différents scenarii de chauffage, y compris les plus traditionnels. « Dans le domaine de l’énergie, il n’y a pas de solution universelle commente D. Renoux. Chaque cas est un cas particulier. »
Si la proposition énergétique est nécessairement ouverte, la région Poitou-Charentes a pourtant fait un choix net et précis : celui de développer la filière bois. Ce choix politique s’appuie sur une série de raisons : en stockant le dioxyde de carbone, la forêt lutte directement contre l’effet de serre. Par ailleurs et contrairement à une idée reçue, la surface forestière française a augmenté depuis le début du siècle d’environ 80 millions de m3. Certes, le Poitou-Charentes ne se classe pas parmi les zones les plus boisées de l’Hexagone. Par contre, il arrive en tête des régions transformatrices de bois, avec les ports de Rochefort, La Pallice et même Nantes, hors périmètre. Il y a donc beaucoup de sous-produits à valoriser et la filière bois-énergie adore travailler avec les sous-produits : chutes de bois de scieries, déchets de tonnelleries… Les chaudières à alimentation automatique de bois déchiqueté procurent une énergie bon marché. On estime qu’elle est trois fois moins chère que le fioul.
Quid du solaire ? En terme de coût, il devrait se positionner encore en dessous du bois. Le solaire connaît en effet un boom assez spectaculaire. Se sont montés environ 1 000 chauffe-eau solaires dans la région en 2005 et leur nombre devrait atteindre 1 200 à 1 300 sur l’année 2006. A tel point que le CRER a décidé de ne plus effectuer d’étude de faisabilité dans ce domaine, préférant concentrer son technicien solaire à la formation d’un maillage d’artisans Qualisol. Car, pour intervenir sur le solaire et pouvoir effectuer le SAV, les artisans doivent absolument être qualifiés « Qualisol », c’est-à-dire avoir reçu une formation spécifique. Si le chauffe-eau solaire fonctionne bien, Denis Renoux se montre plus prudent à l’égard du chauffage solaire. « Il faut que des conditions particulières soient réunies. Que la maison d’habitation soit bien isolée voire très bien isolée, qu’un plancher chauffant soit posé et que l’implantation des capteurs réponde à des critères bien précis. » Le solaire photovoltaïque répond à une utilisation encore plus pointue : la production d’électricité. Cependant, l’aide à l’investissement accordée par la Région, associée au tarif de rachat de l’EDF, en nette hausse, commence à susciter quelques vocations. Stimulés par les leviers financiers, des projets fleurissent ici et là chez des agriculteurs possédant de larges toitures correctement inclinées au sud.
Aides Régionales En Poitou-Charentes*
ADEME RÉGION POITOU-CHARENTES
• Chauffe-eau solaire individuel : forfait de 800 e.
• Système solaire combiné : forfait de 3 000 e, s’il y a intégration et validation des
performances.
• Photo-voltaïque :
– pour une puissance en toit solaire jusqu’à 3 kWc : 1 e/watt crête installé + 0,4 e/kWh
produit sur 5 ans ;
– pour une puissance de 3 à 5 kWc : 1 e/watt crête installé + 0,3 e/kWh produit sur
5 ans.
• Chaudière à bois déchiqueté :
– avec trémie : 2 750 e ;
– avec silo : 40 % plafonné à 7 500 e ;
– avec silo et à usage privé et locatif : 40 % plafonné à 7 500 e + 2 500 e par logemenr
raccordé.
• Chaudière à granulés : 2 750 e si label Flamme Verte.
• Poêles à granulés bouilleur : 1 400 e si label Flamme Verte.
• Maison ossature bois économe en énergie : aide forfaitaire de 8 000 e, sous certaines
conditions.
• Récupérateur des eaux pluviales :
– achat de récupérateur d’eau de pluie (tonneau) d’une capacité > 1 m3 : 30 % plafonné
à 50 e ;
– achat de cuve de récupération d’eau de pluie : 700 e/cuve de 2 500 litres + 200 e/
tranche de 2 500 litres supplémentaires avec un maximum de 1 300 e.
CRÉDIT D’IMPÔT
• Chauffe-eau solaire individuel : 50 % sur l’achat du matériel, pose et subvention
déduites.
• Système solaire combiné : 50 % sur l’achat du matériel, pose et subvention déduites.
• Photo-voltaïque : 50 % sur l’achat du matériel, pose et subvention déduites.
• Chaudière à bois déchiqueté : 50 % sur l’achat du matériel, pose et subvention
déduites.
• Chaudière à granulés : 50 % sur l’achat du matériel, pose et subvention déduites.
• Poêles à granulés bouilleur : 50 % sur l’achat du matériel, pose et subvention déduites.
Pour toutes informations complémentaires, démarches à suivre, exigences d’éligibilité
aux aides, contactez : L’ESPACE INFO ÉNERGIE DU CRER, Sabrina Mathez et
Benoît Morlat, route de Benet, 79160 Villiers-en-Plaine, tél. 05 49 08 99 11.
(*) Aides supplémentaires de 300 à 500 e accordées par le Conseil général des Deux-Sèvres, la ville de
Niort, les communautés de communes de La Rochelle, Rochefort et du Coeur du Bocage.
Un autre pan des énergies renouvelable a trait à ce que les architectes appellent le « bioclimatisme passif », c’est-à-dire la maison qui se réchauffe toute seule grâce à des procédés tous simples comme l’exposition au sud, de larges baies vitrées captant le rayonnement solaire de la journée, qui restitue la chaleur la nuit par des murs conducteurs. Cette « éco-construction » va souvent de pair avec des « éco-matériaux », briques de terre cuite, laine de chanvre ou de mouton se substituant à la laine de roche, plaques de gypse et de carton en lieu et place du fameux « placoplâtre »… Ce qui apparaissait comme l’apanage de la maison « militante », réservé à moins de 1 % du bâti, pénètre un peu plus largement le marché aujourd’hui. Sans être un raz-de-marée, 4 à 5 % de l’habitat pourraient adopter ces « bonnes pratiques » de développement durable. Sauf que la tendance est battue en brèche par « une augmentation parfois scandaleuse du prix des éco-matériaux ». Sous le coup d’une demande en hausse, les fournisseurs en profitent pour réviser leurs tarifs, déjà plus élevés que les produits standards. L’explosion de la demande d’énergie renouvelable, pronostiquée par tous les spécialistes, butera-t-elle sur le critère financier ? Pour pouvoir sauver la planète, les bonnes pratiques environnementales devront se démocratiser. Une question aussi politique qu’écologique.
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